Notre intestin est habité par une communauté diversifiée de microbes, le microbiote intestinal. Cette communauté, composée de centaines d’espèces différentes, est essentielle à notre santé : elle influence notre système immunitaire, nous protège des infections et nous aide à digérer les aliments. Cependant, de nombreux facteurs, tels que les médicaments, les réponses inflammatoires aux infections et le mode de vie, peuvent perturber la composition du microbiote et diminuer sa diversité, entraînant souvent des maladies.
Plusieurs bactéries intestinales, dont B. thêta, s’appuient sur les polysaccharides alimentaires (glucides complexes formés par de longues chaînes) issus de fibres végétales pour leurs fonctions. Néanmoins, dans le cadre d’un régime pauvre en fibres, B. thêta peut modifier son expression génique et son métabolisme pour dégrader les polysaccharides du mucus intestinal de son hôte. En diminuant l’épaisseur de cette couche protectrice, ce changement augmente la susceptibilité de l’hôte à l’infection et à l’inflammation.
Le régime alimentaire est connu pour provoquer des déséquilibres du microbiote sous-jacents à une variété de conditions pathologiques, cependant, les effets des régimes occidentaux à faible teneur en fibres sur l’évolution bactérienne restent inexplorés.
De nouvelles données expérimentales de l’Instituto Gulbenkian de Ciência (IGC) ont révélé qu’en plus de la régulation génique/métabolique, l’émergence de mutations adaptatives en réponse aux changements alimentaires peut également influencer et façonner la fonction du microbiote. Cette nouvelle étude a suivi la dynamique évolutive de B. thêta chez des souris qui suivaient soit un régime standard, riche en glucides accessibles au microbiote (fibres végétales) et pauvre en graisses et en sucres simples, soit un régime de type occidental, riche en graisses et en sucres mais pauvre en fibres.
Les auteurs ont observé que B. thêta a évolué rapidement dans l’intestin murin, accumulant des mutations adaptatives spécifiques au régime alimentaire en quelques semaines. Alors que les bactéries chez les souris suivant un régime standard ont acquis des mutations qui favorisaient la dégradation des fibres, les bactéries chez les souris nourries avec un régime pauvre en fibres ont accumulé des mutations qui ont favorisé la dégradation du mucus de l’hôte, démontrant que ces microbes évoluent et s’adaptent à des environnements intestinaux distincts générés par le changement alimentaire. . Surtout, puisqu’elles reflètent le régime alimentaire de l’hôte, ces mutations émergentes pourraient être utilisées comme biomarqueur des différences alimentaires entre les individus.
L’étude a également inclus un groupe de souris qui ont subi des changements hebdomadaires du régime standard au régime occidental. Ces changements périodiques ont entraîné des fluctuations rapides de B. thêta signatures génétiques et métaboliques, entraînant le maintien d’une diversité génétique plus élevée par rapport à des régimes alimentaires constants. Selon Tanja Dapa, chercheuse à l’IGC et première auteure de l’étude, ces résultats suggèrent que des variations périodiques du régime alimentaire, par exemple par le biais de la supplémentation, pourraient être importantes pour éviter la fixation de mutations spécifiques et pour maintenir une grande diversité génétique chez les membres de le microbiote.
Pris ensemble, ces résultats soulignent que l’évolution bactérienne intestinale est un mécanisme important impliqué dans la formation de la fonction du microbiote, avec des conséquences plus permanentes que celle de la régulation des gènes. De telles informations pourraient améliorer notre compréhension des réponses de l’hôte dépendantes du microbiote au régime alimentaire et à d’autres perturbations, y compris l’utilisation d’antibiotiques.
Les conséquences d’une alimentation déséquilibrée peuvent être beaucoup plus permanentes qu’on ne le pensait auparavant, car l’alimentation affecte non seulement la composition du microbiote, mais laisse également des altérations génétiques permanentes dans les microbes intestinaux. Bien que non abordés dans cette étude, nos résultats indiquent que ces altérations peuvent être transmises aux générations suivantes, ayant ainsi des conséquences durables. »
Karina Xavier, Leader, Groupe IGC Responsable de la recherche
L’étude a été développée par l’Instituto Gulbenkian de Ciência.