C’est un véritable coup de tonnerre dans le monde de la retouche artificielle et un premier avertissement au lobbying de la chirurgie plastique : en Tunisie, une publicité télévisée vantant les mérites d’une clinique privée a été interdite par les instances de régulation audiovisuelles. Une première prise de conscience visant à faire comprendre au public que la pratique de la chirurgie esthétique n’est pas sans danger ?
Sommaire
Rhinoplaties et liftings divers remboursables en 12 fois sans frais !
Selon ses défenseurs de par le monde, la chirurgie esthétique n’a rien d’une pratique risquée, bien que les dangers qu’elle représente soient réels, vous le savez bien si vous avez pour habitude de parcourir régulièrement les pages de ce blog !
Les thuriféraires de la modification arbitraire des traits du visage afin de le rajeunir s’appuient même sur une stratégie visant à la faire passer comme naturelle et à l’ancrer dans les mœurs et les habitudes de la vie contemporaine : on rend visite à son chirurgien plastique au mépris du danger, comme on va acheter son pain à la boulangerie !
C’est à peu près le message véhiculé par une publicité qui a récemment envahi les écrans de télévision tunisiens. Diffusée en boucle sur la chaîne privée Attessia TV lors de la rupture du jeûne du Ramadan (période pendant laquelle de très nombreuses familles se retrouvent attablées devant leur poste de télévision) ainsi que sur le réseau TV algérien offshore, celle-ci vantait les mérites d’une clinique privée, Med Espoir.
Banalisant l’acte chirurgical ainsi que les dangers de la chirurgie esthétique, elle proposait de se faire modifier le nez ou le visage à des conditions financières avantageuses, moyennant un paiement sur 12 mois et plus…
Une réaction immédiate
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la diffusion de cette publicité a créé une polémique sans précédent dans le pays, à tel point que ses répercussions ont largement dépassé ses frontières.
Pourquoi donc une telle levée de boucliers sur une terre réputée pour son accueil haut de gamme en termes de tourisme médical (rhinoplastie, génioplastie, lifting cervico-facial et blépharoplastie y sont couramment effectués à des tarifs défiant toute concurrence) ?
Probablement parce que ce n’est pas une simple association de défense des consommateurs ou des intérêts publics (aussi louables soient leurs actions) mais bien le ministère de la Santé lui-même qui a saisi l’instance tunisienne chargée de la régulation de l’audiovisuel, la Haica. Dans un communiqué, le ministère lui a prestement demandé d’interdire la diffusion du spot en question.
Une nouvelle illustration des dangers de la chirurgie esthétique
Les médecins tunisiens s’insurgent
Devant le tollé provoqué par la communication plus que décomplexée de la clinique Med Espoir, c’est peu de le dire, la Société Tunisienne de Chirurgie est à son tour montée au créneau pour faire entendre sa voix de façon virulente : « Cette publicité est inacceptable et porte atteinte à notre spécialité et à l’image de toute la médecine tunisienne. » Voilà qui a le mérite d’être clair !
Tout aussi transparente et sans ambiguïté est la requête émise par le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) tunisien. Ce dernier a également déposé une demande auprès de la Haica en lui réclamant de stopper sur le champ la diffusion de la publicité en question, déplaçant le débat sur le terrain juridique en mentionnant une infraction au code de déontologie : « Cette publicité est inacceptable, porte atteinte à la loi Tunisienne qui interdit la publicité sur les actes médicaux, et également à notre spécialité et à toute l’image de la médecine Tunisienne voulant l’assimiler à une fonction commerciale. Ceci est outrageant ! »
Le son de cloche est le même pour le Président de l’Union Internationale de Médecine Esthétique (UIME) et de la Société Algérienne de Médecine Esthétique (SAME), Mohamed Oughanem. Le spécialiste a stipulé que la santé ne doit en aucun cas être apparentée à un bien marchand et que « le contrat de soins qui est la base de la responsabilité médicale ne peut être considéré comme une denrée, une marchandise échangée pour une contrepartie financière. La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Tous les procédés directs ou indirects de publicité sont interdits à tout médecin. »
Dangers de la chirurgie esthétique, où en est-on ?
La sanction de la Haica ne s’est pas faite attendre, l’autorité ayant rapidement interdit la diffusion du spot publicitaire tant décrié. C’est du jamais vu à la télévision tunisienne, et un premier avertissement sans frais pour certaines chaînes de télévision qui n’en sont pourtant pas à leur premier acte contrevenant à la déontologie et à l’éthique médicale dans le pays.
Le point positif de cette histoire réside sans doute dans le fait qu’elle puisse servir de déclic moral afin d’assainir les manquements aux devoirs déontologiques de la médecine dans cette région du globe. Pourtant, nous aurions aimé que la discussion se prolonge sur le terrain des clivages partisans de la chirurgie esthétique… et de ses dangers !
Si cette publicité a suscité en Tunisie la moquerie de nombreux téléspectateurs et d’internautes en plus de la totale désapprobation du secteur médical, son interdiction ne règle pas pour autant la question des dérives et des dangers de la chirurgie esthétique.
Sa promotion médiatique à des fins commerciales est certes proscrite, mais qu’en est-il des fondements réels et des conditions de pratique parfois douteuses de cette médecine peu recommandable et souvent dangereuse pour la santé humaine ? Le débat n’a malheureusement pas permis de répondre à ces questions pourtant prioritaires de notre point de vue.
Malgré la polémique suscitée en Tunisie, la chirurgie esthétique et les injections de Botox et d’acide hyaluronique ont probablement encore de beaux jours devant elles… Alors que différentes techniques de rajeunissement, naturelles et efficaces, existent ! La télévision en fait même régulièrement la promotion, et oui !