On prétend depuis longtemps que le cerveau des conservateurs est différent de celui des progressistes. À l’aide d’IRM réalisées sur près de 1 000 Néerlandais, des chercheurs de l’Université d’Amsterdam (UvA) démontrent qu’il existe bel et bien un lien entre la structure du cerveau et l’idéologie. Ce lien est toutefois plus faible que prévu. Les chercheurs trouvent néanmoins remarquable que les différences dans le cerveau soient liées à quelque chose d’aussi abstrait que l’idéologie.
L’hypothèse selon laquelle la structure cérébrale et l’idéologie sont liées a été alimentée par une étude réalisée en 2011 auprès de 90 étudiants anglais qui a établi ce lien. Des scientifiques de l’UvA ont maintenant mené la plus grande étude de réplication à ce jour pour étudier plus en détail la relation entre l’idéologie et la structure cérébrale.
Les chercheurs ont analysé les images IRM de 975 Néerlandais âgés de 19 à 26 ans, représentant un échantillon représentatif de la population néerlandaise en termes d'éducation et de préférences politiques. Ils ont associé ces images à des questionnaires sur l'idéologie.
On peut considérer l'idéologie comme une série de positions sur différents thèmes ou comme une identité. On peut également faire la distinction entre les idées idéologiques sur des questions socioculturelles telles que les droits des femmes et des LGBTIQ, et sur des questions économiques telles que l'inégalité des revenus.
Gijs Schumacher, premier auteur
Sommaire
L'amygdale est légèrement plus grande
Les chercheurs ont constaté, comme dans l'étude anglaise, que l'amygdale des personnes conservatrices est légèrement plus grande. « Il est remarquable que nous ayons également constaté ce résultat dans notre échantillon beaucoup plus large et plus représentatif. Par exemple, l'échantillon anglais ne contenait aucun participant extrêmement conservateur, alors que le nôtre en contenait », explique Schumacher.
Les scientifiques ont également découvert qu’il n’existe aucune relation entre une autre zone du cerveau – le cortex cingulaire antérieur – et l’idéologie, ce que l’étude originale avait déjà révélé.
Différence d'une graine de sésame
La différence au niveau de l'amygdale était de la taille d'une graine de sésame. « L'amygdale de l'électeur conservateur moyen mesure 157 graines de sésame, contre 156 pour l'électeur progressiste moyen. C'est une petite différence, mais significative. Elle suggère qu'il existe un lien entre l'anatomie du cerveau et l'idéologie à un certain niveau, mais qu'il est très indirect », explique le co-auteur Steven Scholte. « Nous nous attendions donc à ne trouver aucun effet du tout. »
« Cependant, nous ne savons pas exactement quel est le lien entre le conservatisme et la taille de l'amygdale », ajoute Diamantis Petropoulos Petalas (également associé à cette étude mais travaillant désormais à l'American College of Greece). « L'amygdale a été principalement étudiée en relation avec les situations menaçantes et la peur, mais semble réagir beaucoup plus largement aux émotions en général et aux informations divergentes. Il pourrait y avoir un lien entre l'amygdale plus grande chez les individus qui réagissent plus fortement aux informations, ce qui pourrait parfois se traduire par des idées plus conservatrices en politique. »
Pas de dichotomie simple
Cependant, les recherches suggèrent qu'il n'existe pas de dichotomie simple en ce qui concerne l'idéologie politique dans le cerveau. « Les gens parlent parfois de cerveaux bleus (démocrates) et rouges (républicains) dans le contexte américain. Cette métaphore est tentante, mais complètement déplacée », explique Schumacher. « Nous soutenons que l'idéologie doit être considérée comme un concept beaucoup plus large et montrons qu'il existe moins de liens entre le cerveau et l'idéologie que ce qui a été constaté dans les études précédentes. »
L’idéologie elle-même est également plus complexe que ce que l’on pensait dans les recherches précédentes. À titre d’exemple, Schumacher mentionne que les participants qui ont voté pour le SP, un parti politique néerlandais aux positions économiques radicales de gauche mais aux valeurs sociales plus conservatrices, avaient en moyenne une amygdale plus large que les participants qui s’identifiaient à des partis plus progressistes. « L’idéologie est donc beaucoup plus complexe que la simple identification à des thèmes socioculturels. »
Autres zones du cerveau
Les chercheurs ont ensuite étendu leur analyse pour trouver des liens entre l’idéologie et d’autres zones cérébrales. Ils ont par exemple trouvé un lien entre le volume du gyrus fusiforme droit, une zone du cerveau importante pour la reconnaissance faciale, et des positions plus à droite sur des questions sociales et économiques. La raison de ce phénomène reste à déterminer.