Dans une étude récente publiée dans la revue du CDC Maladies infectieuses émergentes, les chercheurs ont estimé l’incidence et la transmission humaine potentielle du coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV) chez les dromadaires (chameaux nomades) dans le nord du Kenya. Ils ont constaté que l’incidence du MERS-CoV parmi ces animaux était biphasique, culminant en octobre 2022 et février 2023. De plus, les travailleurs des abattoirs en contact avec les dromadaires présentaient des signes sérologiques d’exposition au MERS-CoV.
Envoi : Incidence biphasique du MERS-CoV chez les dromadaires nomades avec transmission putative à l’homme, Kenya, 2022-2023. Crédit d’image : Hamady/Shutterstock
Sommaire
Arrière-plan
Le MERS-CoV est répandu chez les dromadaires dans la péninsule arabique et en Afrique, avec une séroprévalence supérieure à 75 %. La transmission zoonotique à l’homme, principalement dans la péninsule arabique, a jusqu’à présent entraîné plus de 2 400 cas et plus de 800 décès. Bien que l’élevage de chameaux soit une activité majeure au Kenya, seuls trois cas de MERS-CoV ont été identifiés chez des humains exposés à des chameaux en 2019, ce qui suggère des différences épidémiologiques régionales.
Les épidémies de MERS-CoV chez les dromadaires d’élevage sont liées à la parturition annuelle des chameaux, les veaux étant positifs pour l’acide ribonucléique (ARN) du MERS-CoV après avoir perdu les anticorps maternels. Les chameaux nomades en Afrique, avec des densités de population fluctuantes en raison de la saisonnalité et de la disponibilité alimentaire, ont montré des corrélations entre une densité de population élevée et la séropositivité du MERS-CoV au Kenya, indiquant des lacunes dans notre compréhension de la circulation du MERS-CoV.
Les infrastructures limitées entravent les études de terrain sur les chameaux nomades, mais le transport régulier de ces animaux vers les abattoirs permet des tests continus. En tirant parti de cette configuration, les chercheurs de la présente étude ont mené une étude d’un an dans un abattoir du nord du Kenya pour estimer l’incidence du MERS-CoV chez les dromadaires et leur transmission potentielle aux personnes qui y travaillent.
À propos de l’étude
L’étude a été menée dans un abattoir d’Isiolo, dans le nord du Kenya. L’échantillonnage a été réalisé de septembre 2022 à septembre 2023. Des échantillons ont été collectés sur 10 à 15 dromadaires à une fréquence de 4 à 5 jours par semaine. Les chameaux (n = 2 711) provenaient de divers quartiers administratifs (n = 12), principalement de Laisamis et Burat.
La détection de l’ARN du MERS-CoV a été réalisée à l’aide d’une réaction en chaîne par polymérase à transcription inverse quantitative (qRT-PCR). La confirmation a été effectuée par cadre de lecture ouvert (ORF) 1ab qRT-PCR ou séquençage. Une analyse phylogénétique a également été réalisée. Des échantillons randomisés de sérum de chameau (n = 369) ont été testés pour évaluer les niveaux d’immunoglobuline G (IgG) du MERS-CoV à l’aide d’ELISA (abréviation de test immuno-enzymatique). Les valeurs du rapport de densité optique (ODR) ont été obtenues. Des analyses statistiques ont été menées pour explorer les associations entre les niveaux d’IgG MERS-CoV, la positivité de l’ARN, la saisonnalité, le sexe des chameaux et l’âge.
Une enquête séro-épidémiologique a été menée auprès des travailleurs des abattoirs en contact avec des dromadaires. La réactivité MERS-CoV S1 IgG a été évaluée par ELISA. Une réactivité croisée potentielle avec les anticorps du SRAS-CoV-2 a été exclue en comparant les ODR ELISA entre les tests MERS-CoV S1 et SARS-CoV-2 S1. Des tests de neutralisation (NT) ont été menés à l’aide de protéines fluorescentes vertes (GFP) – codant pour des pseudoparticules du virus de la stomatite vésiculaire (VSVpp) portant la protéine MERS-CoV S de deux clades. Les tests ont été effectués sur sept échantillons de sérum à une dilution de 1:20. Un test de neutralisation par réduction de plaque (PRNT) basé sur le MERS-CoV EMC/2012 a été réalisé.
Résultats et discussion
L’ARN du MERS-CoV a été détecté chez 1,3 % des chameaux. Le taux cumulé de positivité de l’ARN s’est avéré plus élevé en septembre-octobre 2022 (5,0 %) qu’en janvier-mars 2023 (2,3 %). L’incidence a montré des pics biphasiques en octobre 2022 et février 2023. L’analyse phylogénétique a révélé une grande similarité (identité nucléotidique > 99,93 %) avec les souches de MERS-CoV d’Akaki, en Éthiopie, en 2019. Les séquences se sont regroupées au sein du clade C2.2, qui comprend les souches initialement identifiées. au Kenya en 2018, indiquant trois épidémies putatives de MERS-CoV chez des chameaux kenyans.
Les niveaux d’IgG MERS-CoV avaient un ODR médian de 2,14, avec une séroprévalence de 80,76 %. Les niveaux d’IgG étaient les plus bas en juin et les plus élevés en mars. Une association négative a été trouvée entre les niveaux d’IgG MERS-CoV et la positivité de l’ARN. La positivité de l’ARN s’est avérée négativement liée à la saison. Comparés aux chameaux femelles, les chameaux mâles présentaient une plus grande probabilité d’être ARN-positif et une plus faible probabilité d’être séropositifs. Les animaux plus âgés (> 3 ans) présentaient un taux de séropositivité plus élevé (mais statistiquement non significatif) (86 %) par rapport aux animaux ≤ 3 ans (72 %).
Une réactivité MERS-CoV S1 IgG a été détectée chez 14,6 % des travailleurs de l’abattoir d’Isiolo. L’absence de réactivité MERS-CoV S1 IgG a été notée dans une cohorte témoin (n = 12) sans exposition de chameaux malgré des taux élevés d’IgG SRAS-CoV-2 S1 (92 %). Notamment, un échantillon de sérum a montré une réduction du VSVpp-NT de 50 à 90 % des unités formant des foyers. De plus, les résultats du PRNT ont confirmé la séroconversion MERS-CoV pour l’échantillon. Aucun des échantillons négatifs pour le MERS-CoV ELISA n’a démontré de capacité neutralisante dans les tests VSVpp-NT et PRNT.
Conclusion
En conclusion, la présente étude a révélé une incidence biphasique du MERS-CoV chez les dromadaires, potentiellement influencée par des interactions accrues avec les animaux pendant le transport et par des facteurs saisonniers. Les preuves de transmission humaine contenues dans l’étude mettent en évidence la nécessité d’une surveillance renforcée et de mesures préventives pour atténuer le risque de transmission zoonotique. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour étudier la dynamique de la circulation du MERS-CoV et formuler des stratégies pour un contrôle et une prévention potentiels de la maladie.