La kétamine est un traitement efficace et à action rapide pour les patients hospitalisés pour des pensées suicidaires graves (idéation), selon un essai clinique publié aujourd’hui par le BMJ.
Les résultats suggèrent que certains patients souffrant d’idées suicidaires graves, en particulier ceux atteints de trouble bipolaire, pourraient bénéficier de la kétamine, car les options de traitement actuelles sont limitées, selon les chercheurs.
Environ 700 000 personnes dans le monde meurent chaque année par suicide, et jusqu’à 20 fois ce nombre tentent de se suicider. Bien que la plupart des idées suicidaires ne conduisent pas à un acte suicidaire, tous les actes suicidaires sont précédés d’idées suicidaires. Ainsi, la résolution rapide d’une crise suicidaire avant qu’elle ne soit traitée pourrait éviter de nombreux décès.
La kétamine est un sédatif puissant et à action rapide, qui amortit rapidement la douleur sans perte de conscience. Il est approuvé comme anesthésique, mais c’est aussi un médicament prometteur pour réduire rapidement les idées suicidaires. Cependant, des études de mauvaise qualité ont laissé trop d’incertitude quant à l’équilibre entre les avantages et les inconvénients dans cette situation pour fournir des preuves cliniquement utiles.
Pour y remédier, les chercheurs ont étudié les effets anti-suicidaires de la kétamine sur une période de six semaines auprès de 156 patients (âgés de 18 ans ou plus) admis volontairement à l’hôpital en France avec des idées suicidaires graves entre avril 2015 et mars 2019.
Avant de commencer l’essai, les patients ont effectué une évaluation clinique approfondie et ont été divisés en trois groupes de diagnostic : trouble bipolaire, trouble dépressif ou autres troubles psychiatriques.
Les patients ont été répartis au hasard pour recevoir deux perfusions intraveineuses de 40 minutes de kétamine ou de placebo (solution saline) sur 24 heures, en plus du traitement habituel.
Les chercheurs ont ensuite évalué le taux de patients en rémission suicidaire complète au jour 3, confirmé par un score de 3 ou moins sur une échelle d’évaluation des idées suicidaires (ISO) par un clinicien sur la base de 19 éléments notés de 0 à 2 (score maximum 38).
Ils ont constaté que plus de patients recevant de la kétamine atteignaient une rémission complète des idées suicidaires au jour 3 que ceux recevant un placebo (63 % des patients dans le groupe kétamine contre 32 % dans le groupe placebo). Tous les effets secondaires ont été classés comme mineurs et significativement réduits entre la première évaluation et le jour 4.
Dans le groupe kétamine, un patient est décédé par suicide, bien que cela ait été déterminé par le comité de surveillance comme n’étant pas lié à l’intervention.
Ces résultats sont restés inchangés après ajustement pour d’autres facteurs potentiellement influents.
L’effet de la kétamine était le plus important chez les patients atteints de trouble bipolaire, alors qu’aucun bénéfice significatif n’a été observé chez les patients souffrant de dépression majeure ou d’autres maladies mentales. Cependant, il faut faire preuve de prudence car ces données proviennent d’un très petit nombre de participants.
La kétamine semble également soulager la douleur psychologique, et les chercheurs suggèrent que cet effet analgésique pourrait expliquer ses bienfaits sur la réduction des idées suicidaires.
La kétamine, cependant, n’était pas efficace aux semaines 4 et 6.
Il s’agissait d’un essai relativement vaste et bien conçu, mais les chercheurs reconnaissent certaines limites et soulignent que la résolution rapide des idées suicidaires après avoir reçu de la kétamine n’équivaut pas à un risque réduit d’actes suicidaires, notamment après la sortie de l’hôpital.
Et ils réitèrent qu’un patient du groupe kétamine est également décédé par suicide, bien que cela ait été déterminé par le comité de surveillance comme n’étant pas lié à l’intervention.
Ces résultats indiquent que la kétamine est rapide, sûre et efficace à court terme pour les soins aigus chez les patients suicidaires hospitalisés, écrivent-ils. Cependant, ils soulignent que la kétamine est une drogue avec un potentiel d’abus et disent qu’un suivi plus long d’échantillons plus importants sera nécessaire pour examiner les avantages sur les comportements suicidaires et les dommages à long terme.
Ce nouvel essai remet en question la réflexion actuelle sur la kétamine, déclare le spécialiste en psychiatrie Riccardo De Giorgi dans un éditorial lié.
Bien qu’il fournisse des preuves que la kétamine réduit les idées suicidaires chez certaines personnes, il se demande si la kétamine sera bientôt administrée aux patients éligibles ayant des idées suicidaires, « étant donné la crainte plausible que l’utilisation généralisée de la kétamine puisse déclencher une nouvelle crise de style opioïde ».
La question de savoir si l’utilisation d’urgence de la kétamine pour les crises suicidaires sera recommandée dans la pratique dépend de nombreux autres facteurs, ajoute-t-il, notamment les valeurs et les préférences des patients, des cliniciens, des chercheurs et des décideurs.