Dans une étude récente publiée dans Microbiologie clinique, un groupe de chercheurs a étudié le lien entre les modifications du microbiote intestinal et de ses métabolites et la fonction immunitaire pendant la grossesse en comparant le microbiote intestinal, les métabolites fécaux et plasmatiques et les cytokines chez les femmes enceintes et non enceintes.
Étude: L’analyse multi-omique révèle les associations entre l’altération du microbiote intestinal, les métabolites et les cytokines pendant la grossesse. Crédit d’image : Photo au sol/Shutterstock.com
Arrière-plan
La grossesse induit des changements importants dans les niveaux hormonaux, la structure corporelle et la fonction immunitaire, essentiels au développement du fœtus.
Initialement, le système immunitaire maternel est pro-inflammatoire, puis devient anti-inflammatoire, puis redevient pro-inflammatoire pour déclencher le travail.
Le rôle du microbiome intestinal dans la régulation immunitaire pendant la grossesse est de plus en plus reconnu, des études montrant son influence sur l’issue de la grossesse et sur des affections telles que la prééclampsie par le biais de modifications de la composition microbienne et d’interactions avec les cellules immunitaires.
Cependant, les mécanismes détaillés restent flous. Les métabolites, plutôt que les interactions microbiennes directes, interviennent principalement dans la relation entre le microbiome et le système immunitaire, mettant en évidence les domaines nécessitant des recherches plus approfondies pour comprendre les ajustements immunitaires liés à la grossesse et développer de nouvelles stratégies thérapeutiques.
À propos de l’étude
Dans l’étude menée au premier hôpital affilié de l’université de Jinan entre février 2019 et août 2020, 30 femmes enceintes et 15 femmes non enceintes ont été recrutées pour explorer les interactions entre le microbiote intestinal, les métabolites et la fonction immunitaire.
Les participantes enceintes éligibles étaient âgées de 18 à 34 ans, avaient conçu naturellement des grossesses uniques et avaient un indice de masse corporelle (IMC) avant la grossesse compris entre 18,5 et 21,9 kg/m.2à l’exclusion de celles présentant des complications de grossesse ou des troubles immunitaires.
Le groupe témoin était composé de femmes en bonne santé correspondant au groupe enceinte en termes d’âge et d’IMC, aucun des deux groupes n’utilisant de probiotiques ou d’antibiotiques au cours des six mois précédant l’étude.
Des échantillons de matières fécales et sanguines ont été prélevés sur des femmes enceintes à la fin du troisième trimestre et sur des femmes non enceintes au 14e jour de leur cycle menstruel.
Des échantillons fécaux ont été obtenus à l’aide de techniques stériles et conservés à -80°C, tandis que des échantillons de sang ont été traités pour séparer le sérum afin de le conserver dans les mêmes conditions.
L’étude a utilisé le séquençage du gène de l’acide ribonucléique ribosomal (ARNr) 16S pour analyser le microbiote intestinal, avec de l’acide désoxyribonucléique (ADN) extrait et séquencé pour identifier les espèces microbiennes.
Une combinaison d’analyse forestière aléatoire et d’analyse de réseau de co-expression génique pondérée (WGCNA) a été utilisée pour différencier les profils microbiens entre les groupes.
La métabolomique non ciblée par chromatographie liquide et spectrométrie de masse en tandem (LC-MS/MS) a analysé les échantillons de matières fécales et de plasma pour identifier les changements métaboliques, en utilisant des mesures de contrôle de qualité pour garantir la fiabilité des données.
Les données métabolomiques ont été traitées et analysées pour déterminer les différences significatives et les mapper aux voies biologiques à l’aide de la base de données de l’Encyclopédie des gènes et des génomes de Kyoto (KEGG).
Les cytokines plasmatiques ont été mesurées à l’aide d’un test multiplex sur billes pour évaluer les différences de fonction immunitaire entre les groupes.
Enfin, à l’aide d’outils statistiques et de visualisation, l’analyse multiomique a intégré les données des analyses microbiennes, métabolomiques et cytokiniques pour explorer les corrélations potentielles et les effets de médiation.
Résultats de l’étude
L’étude n’a trouvé aucune différence significative entre l’âge moyen ou l’IMC avant la grossesse entre les deux groupes. Le profilage immunitaire a révélé que les participantes enceintes présentaient des taux de cytokines pro-inflammatoires plus faibles et des taux plus élevés de certaines cytokines anti-inflammatoires que les témoins, ce qui indique une évolution vers l’immunosuppression pendant la grossesse.
L’étude a également étudié le microbiote intestinal, trouvant des compositions microbiennes distinctes entre les femmes enceintes et non enceintes.
Les femmes enceintes présentaient une plus grande diversité d’unités taxonomiques opérationnelles (OTU) et des différences dans l’abondance de phylums bactériens spécifiques.
À l’aide de modèles forestiers aléatoires et de méthodes WGCNA, les chercheurs ont identifié des modules microbiens en corrélation négative avec les cytokines pro-inflammatoires, ce qui suggère que certains groupes de bactéries intestinales ont un impact constant sur la réduction de l’inflammation pendant la grossesse.
Notamment, des bactéries comme Bifidobactérie et Ruminocoqueconnues pour leurs propriétés anti-inflammatoires, étaient plus abondantes chez les femmes enceintes et étaient négativement corrélées aux cytokines pro-inflammatoires.
L’analyse métabolomique d’échantillons fécaux et plasmatiques par LC-MS non ciblée a révélé des altérations métaboliques significatives pendant la grossesse. Des métabolites différentiels, en particulier des lipides et des acides biliaires, ont été identifiés, dont beaucoup présentent une régulation négative chez les femmes enceintes.
Ceux-ci comprenaient l’acide arachidonique et divers acides biliaires, connus pour être associés à l’inflammation. L’analyse a mis en évidence le rôle important du métabolisme des acides biliaires pendant la grossesse.
Des études de corrélation entre métabolites et cytokines ont indiqué que certains métabolites enrichis chez les femmes enceintes étaient négativement corrélés avec des cytokines pro-inflammatoires, suggérant leur implication dans la modulation des réponses immunitaires.
L’étude a ensuite exploré les associations entre le microbiote intestinal, les métabolites et les cytokines, et a découvert que les métabolites pourraient jouer un rôle d’intermédiaire dans la relation entre le microbiote et le système immunitaire.
L’analyse de médiation directionnelle a identifié des liens spécifiques entre les microbes, les métabolites et les cytokines, ce qui suggère que certains microbes intestinaux pourraient influencer les niveaux de cytokines en modulant les concentrations de métabolites.
Par exemple, Ruminococcus callidus et d’autres bactéries pourraient diminuer les cytokines pro-inflammatoires en affectant des métabolites spécifiques comme les niveaux d’acide désoxycholique et d’acide arachidonique.