Le Canada est à l’avant-garde des efforts mondiaux pour mettre fin au mariage des enfants à l’étranger. Pourtant, cette pratique demeure légale et persiste dans tout le pays. Au Canada, plus de 3600 certificats de mariage ont été délivrés à des enfants, généralement des filles, de moins de 18 ans entre 2000 et 2018, selon une nouvelle étude de chercheurs de l’Université McGill. Ces dernières années, un nombre croissant de mariages d’enfants ont été des unions libres.
Le mariage des enfants, défini comme le mariage formel ou informel (union libre) avant l’âge de 18 ans, est un indicateur mondialement reconnu de l’inégalité entre les sexes car les conséquences négatives pour la santé et le développement personnel affectent de manière disproportionnée les filles. Bien que de nombreuses recherches se soient concentrées sur les pays en développement, dans les pays plus riches comme le Canada, les pratiques du mariage des enfants sont négligées et sous-étudiées.
À l’aide de données provenant d’agences de l’état civil et de recensements récents, les chercheurs ont constaté que le mariage des enfants demeure en pratique d’un océan à l’autre, avec les estimations les plus élevées du mariage formel en Alberta (0,03%) et au Manitoba (0,04%), et les estimations les plus élevées de tout type de mariage d’enfants (formel ou conjoint de fait) en Saskatchewan (0,5%) et dans les territoires (1,7%). L’étude, publiée dans Examen de la population et du développement, est le premier à faire la lumière sur la fréquence des mariages d’enfants dans le pays.
Nos résultats montrent que le Canada a son propre travail à faire pour respecter son engagement envers les objectifs de développement durable des Nations Unies, qui appellent à la fin du mariage des enfants d’ici 2030. «
Alissa Koski, coauteure, professeure adjointe, Département d’épidémiologie, biostatistique et santé au travail, Université McGill
Les chercheurs ont constaté que les enfants nés au Canada sont légèrement plus susceptibles de se marier que ceux nés à l’extérieur du pays. Plus de 85% de tous les certificats de mariage accordés aux enfants ont été délivrés à des filles, qui épousent généralement des conjoints beaucoup plus âgés. Cette structure sexuée est cohérente avec les pratiques de mariage des enfants observées dans le monde entier, selon les chercheurs.
Les unions libres sont plus fréquentes
L’étude montre que la plupart des mariages d’enfants au cours des dernières années sont des conjoints de fait. En 2006, le mariage formel représentait plus de la moitié de toutes les unions d’enfants. En 2016, le mariage formel ne représentait que 5% et les unions libres étaient vingt fois plus répandues.
«Alors que le nombre de certificats de mariage délivrés aux enfants à travers le pays a diminué, il est possible que des individus optent pour des unions plus informelles en réponse à la désapprobation sociale croissante du mariage des enfants», affirment les auteurs. Il est donc de plus en plus difficile de déterminer dans quelle mesure le mariage des enfants a effectivement diminué ou si les préoccupations concernant les conséquences sociales ou juridiques ont conduit à des changements dans les comportements de signalement.
Les unions informelles peuvent être tout aussi néfastes que les mariages formels, selon les chercheurs. En fait, les syndicats informels offrent souvent moins de protection sociale, juridique et économique. Au Québec, par exemple, les personnes vivant en union libre n’ont pas droit à une pension alimentaire ou à un partage des biens si l’union prend fin. Cela soulève des questions sur la meilleure façon de résoudre le problème. La prévention des unions libres parmi les enfants exigera des approches différentes et novatrices qui répondent aux motivations profondes de cette pratique.
«La persistance de cette pratique au Canada met en évidence certains des défis inhérents à l’éradication complète du mariage des enfants et révèle une incohérence importante entre les lois nationales du Canada et ses politiques mondiales», a déclaré la co-auteure Shelley Clark, professeure de sociologie James McGill à l’Université McGill. Les prochaines étapes consisteront à examiner les conséquences du mariage des enfants sur la santé mentale au Canada et à rechercher les motivations de cette pratique.
La source:
Référence du journal:
Koski, A & Clark, S (2021) Mariage d’enfants au Canada. Examen de la population et du développement. doi.org/10.1111/padr.12369.