L’instabilité chromosomique est un phénomène caractérisé par des changements rapides du nombre et de la structure des chromosomes au cours de la division cellulaire. Elle est très fréquente dans les tumeurs solides et est liée à la propagation agressive du cancer, c’est-à-dire aux métastases. Étant donné que les métastases sont responsables de 90 % des décès liés au cancer, il est essentiel de comprendre les détails de ce processus.
Des scientifiques du laboratoire de développement et de contrôle de la croissance de l’IRB de Barcelone, dirigés par le Dr Marco Milan, chercheur à l’ICREA, ont révélé comment les dommages à l’ADN causés par l’instabilité chromosomique augmentent le caractère invasif des cellules cancéreuses. La recherche détaille comment une telle instabilité active une voie de signalisation connue sous le nom de JAK/STAT et favorise l’activité des caspases, qui à son tour provoque des lésions de l’ADN. Ces dommages permettent aux cellules de s’échapper de la tumeur primaire, conduisant ainsi à des métastases.
« Nous considérons depuis longtemps les caspases comme des agents qui induisent la mort cellulaire en réponse aux dommages causés à l’ADN. Cependant, nos résultats indiquent qu’elles peuvent également jouer un rôle pro-invasif en favorisant les dommages à l’ADN. Cette recherche élargit notre compréhension de la biologie du cancer et ouvre la voie à explorer de nouvelles approches thérapeutiques pour lutter contre les métastases », explique le Dr Milan.
Instabilité chromosomique dans les tumeurs métastatiques : trois effets secondaires
L’instabilité chromosomique, présente dans la plupart des tumeurs solides, favorise les métastases cancéreuses par trois voies qui se produisent comme un effet secondaire de l’instabilité chromosomique elle-même : d’une part, l’aneuploïdie (ou nombre irrégulier de chromosomes dans une cellule, qui provoque un stress cellulaire) , d’autre part, la formation de micronoyaux (et le processus inflammatoire qu’ils déclenchent) et, enfin, les dommages à l’ADN (causés par la rupture des chromosomes).
Le laboratoire dirigé par le Dr Milan à l’IRB Barcelone étudie depuis de nombreuses années le rôle de l’instabilité chromosomique dans le cancer et les métastases. Dans des études précédentes, publiées en 2021 et 2018, l’équipe a exploré les effets de l’aneuploïdie sur ce processus. Dans le présent travail, ils décrivent le troisième axe d’action, à savoir l’influence des dommages à l’ADN sur le caractère invasif des cellules cancéreuses.
Trois causes de dommages à l’ADN
L’instabilité chromosomique peut déclencher des dommages à l’ADN de trois manières. Premièrement, la ségrégation irrégulière des chromosomes peut provoquer une rupture de la chaîne d’ADN. Deuxièmement, le déséquilibre du nombre de chromosomes perturbe la machinerie cellulaire, entraînant un stress cellulaire lors de la réplication de l’ADN. Troisièmement, comme le décrivent les chercheurs dans ces travaux, l’aneuploïdie stimule également la voie de signalisation JAK/STAT, qui à son tour active les caspases et provoque des dommages à l’ADN. Lorsqu’elles fonctionnent correctement, les caspases provoquent des dommages à l’ADN, entraînant l’effondrement et la désintégration de la cellule. Cependant, les chercheurs ont maintenant détaillé comment des niveaux plus faibles d’activité des caspases favorisent les dommages à l’ADN, conférant ainsi aux cellules cancéreuses la capacité de métastaser.
Les premiers auteurs de ces travaux, qui ont réalisé la plupart des expériences, sont les Drs. Lara Barrio, Ana-Elena Gaspar et Mariana Muzzopappa, ainsi que le chercheur prédoctoral Kaustuv Ghosh. Les travaux publiés dans cet article ont été réalisés dans le laboratoire de développement et contrôle de la croissance dirigé par le Dr Milan à l’IRB Barcelone.
Ce travail a été financé par le ministère espagnol de la Science et de l’Innovation, le FEDER et le programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne dans le cadre de la subvention Marie Skłodowska-Curie.