Les personnes autistes ont des seuils de douleur normaux mais une sensibilité accrue aux stimuli douloureux, conclut une étude en LA DOULEUR®, la publication officielle de l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP). La revue est publié dans le portfolio Lippincott de Wolters Kluwer.
« Cette preuve démontrant une sensibilité accrue à la douleur justifie de changer la croyance commune selon laquelle les personnes autistes ressentent moins de douleur« , selon le rapport du professeur Irit Weissman-Fogel de l’Université de Haïfa, en Israël, et de ses collègues. Ils pensent que leurs découvertes mettent en évidence la nécessité d’une sensibilisation accrue, ce qui peut avoir un impact sur le traitement efficace de la douleur chez les personnes atteintes d’autisme.
De nouvelles preuves remettent en question les hypothèses sur la douleur dans l’autisme
Les chercheurs visaient à tester « l’hypothèse dominante » selon laquelle les personnes autistes sont hyposensibles à la douleur. Les critères de diagnostic actuels suggèrent que les personnes autistes démontrent une « indifférence apparente » à la douleur ou à la température. Pourtant, la plupart des études précédentes n’ont pas montré de différences de sensibilité à la douleur chez les personnes autistes.
Le professeur Weissman-Fogel et ses collègues ont effectué des tests de laboratoire approfondis sur la perception de la douleur chez 104 adultes, dont 52 autistes. Cet échantillon est le plus important à ce jour pour tester la psychophysique de la douleur dans l’autisme. Les deux groupes avaient des scores similaires à un bref test cognitif. Les personnes autistes avaient une utilisation plus élevée de médicaments psychiatriques et se considéraient comme ayant une plus grande anxiété ainsi qu’une plus grande sensibilité à la douleur et aux stimuli environnementaux quotidiens (tels que l’odeur, le bruit, la lumière). Ce projet de recherche a été financé par l’Israel Science Foundation (ISF; 1005/17).
Lors des tests sensoriels quantitatifs, il n’y avait aucune différence dans les seuils de détection thermique et de la douleur entre les groupes autistes et non autistes. Cela indique des seuils de douleur et thermiques normaux, suggérant un « fonctionnement normal du système nerveux périphérique » chez les participants autistes.
Cependant, le groupe autiste a donné des notes de douleur systématiquement plus élevées en réponse à divers stimuli au-dessus de son seuil de douleur, prouvant une hypersensibilité à la douleur. Les tests ont également fourni des preuves que les personnes autistes peuvent inhiber avec succès les stimuli douloureux de courte durée, mais pas les stimuli douloureux de longue durée. Il est important de noter que le fait de ressentir une douleur de longue durée dans la vie quotidienne est un facteur de risque de développer une douleur chronique.
De nouvelles découvertes pourraient conduire à un traitement précoce et à une meilleure qualité de vie
Ensemble, les résultats suggèrent que les personnes autistes ont un profil de modulation de la douleur « pro-nociceptif » : leur cerveau semble plus actif pour faciliter l’expérience de la douleur et moins actif pour inhiber la douleur continue. Ceci est cohérent avec la théorie du déséquilibre excitateur/inhibiteur en tant que mécanisme sous-jacent des troubles du spectre autistique – mais qui a été négligé en termes de traitement de la douleur.
L’étude remet en question la perception selon laquelle les personnes autistes ressentent moins de douleur et suggère plutôt qu’elles pourraient avoir une sensibilité accrue à la douleur. Le professeur Weissman-Fogel et ses collègues écrivent : « Cette interprétation erronée peut entraîner un diagnostic tardif et un mauvais traitement provoquant des souffrances et exacerbant les symptômes autistiques » – augmentant potentiellement le risque de développer des douleurs chroniques. Alors que leur étude portait sur un groupe de personnes autistes avec une fonction cognitive essentiellement normale, les chercheurs écrivent : « ces résultats peuvent également s’appliquer aux personnes autistes dont les troubles de la communication cognitive et verbale peuvent éliminer leur capacité à communiquer leur douleur. »
Le professeur Weissman-Fogel et ses coauteurs concluent : « Ces résultats peuvent sensibiliser les médecins, les parents et les soignants au phénomène de la douleur dans l’autisme, et ainsi conduire à un traitement précoce et efficace pour améliorer le bien-être et la qualité de vie des personnes autistes et de leurs familles.. »