Dans un article récent publié dans Le Santé publique Lancetles chercheurs ont analysé la tendance temporelle de l’incidence de la démence en Angleterre et au Pays de Galles de 2002 à 2019.
Étude: Tendance de l’incidence de la démence en Angleterre et au Pays de Galles, 2002-2019, et projection du fardeau de la démence jusqu’en 2040 : analyse des données de l’étude longitudinale anglaise sur le vieillissement. Crédit d’image : SewCreamStudio/Shutterstock.com
Sommaire
Arrière-plan
Le nombre de cas de démence augmente dans le monde entier, avec des implications pour les personnes touchées, leurs familles, les cadres de politique sociale et les économies. Sur la base d’une augmentation annuelle prévue de 57 %, le nombre projeté de cas de démence en Angleterre et au Pays de Galles atteindra 1,2 million en 2040, entraînant des coûts de santé et de protection sociale valant des milliards de livres (£).
La plupart des études antérieures réalisées dans des pays à revenu élevé, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Suède et en France, ont utilisé des séries de données se terminant en 2010 pour estimer les tendances de l’incidence de la démence.
Des études ont révélé une baisse de l’incidence de la démence selon l’âge dans les années 2000, ce qui pourrait compenser en partie l’effet de cette tendance à la hausse. Cependant, les données probantes sur l’évolution de l’incidence de la démence après 2010 font défaut, en particulier au Royaume-Uni.
Preuves avant l’étude
Les chercheurs ont effectué des recherches approfondies dans la base de données PubMed pour trouver des études évaluant les tendances temporelles de l’incidence de la démence entre le 1er janvier 2010 et le 1er avril 2023. Ils ont utilisé des mots-clés tels que Tendance ou tendances, Démence ou dysfonctionnement cognitif et Incidence.
Ils ont constaté qu’après 2010, les études estimant les tendances de l’incidence de la démence au Royaume-Uni n’utilisaient pas de données basées sur la population ni de définition diagnostique cohérente.
De plus, ces études présentaient d’autres défauts méthodologiques, comme le fait de ne pas tenir compte du biais potentiel introduit dans les tendances des incidents de démence par une sous-démence due au risque de mortalité entre les vagues d’enquête.
Définitions et méthodologie de l’étude
La présente étude a utilisé les données de l’étude longitudinale anglaise sur le vieillissement (ELSA) pour estimer les tendances de l’incidence de la démence en Angleterre et au Pays de Galles de 2002 à 2019.
Ils ont également examiné si la tendance temporelle de l’incidence de la démence au cours de neuf vagues d’ELSA s’étalant sur 17 ans variait en fonction du sexe, de l’âge et du niveau d’éducation.
Les données de panel d’ELSA représentaient des personnes âgées de ≥50 ans vivant en Angleterre. Une définition de cas algorithmique cohérente basée sur le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, quatrième édition (DSM-IV), a été utilisée pour évaluer les déficiences cognitives et fonctionnelles, ce qui a permis de capturer les cas de démence modérés à graves.
Pour les analyses statistiques, les chercheurs ont créé sept sous-cohortes avec des périodes de suivi chevauchantes de quatre ans entre 2002 et 2019.
Il comprenait des participants qui ne souffraient pas de démence au début de la période de suivi. Le suivi a abouti à un diagnostic de démence, au bout de quatre ans, ou au décès, selon la première éventualité.
Le nombre de cas de démence divisé par le nombre d’années-personnes dans chaque sous-cohorte correspondait aux taux bruts d’incidence de la démence exprimés pour 1 000 années-personnes, que les chercheurs ont ensuite standardisés selon l’âge, le sexe et le niveau d’éducation.
En outre, l’équipe a appliqué un modèle à risques proportionnels de Cox regroupant les données de toutes les sous-cohortes pour estimer la tendance temporelle globale. De plus, ils ont utilisé un modèle de Markov à trois états pour modéliser les transitions entre la non-démence, la démence et la mortalité et estimer séparément les taux d’incident pour le sexe, l’âge et la durée du calendrier.
Dans le modèle de Markov, ils ont incorporé un terme d’interaction entre les variables du sous-groupe et l’heure calendaire, puis ont effectué des tests de rapport de vraisemblance pour évaluer la signification statistique de ces interactions.
Dans les analyses de sensibilité, l’équipe a utilisé les données de mortalité et de population de l’Office for National Statistics (ONS) du Royaume-Uni de 2001 à 2018 pour projeter les taux de mortalité jusqu’en 2040 et leur impact sur le futur fardeau de la démence.
Dans ces analyses, ils ont formulé des hypothèses conservatrices et optimistes. Dans le premier cas, ils ont supposé que les taux de mortalité de 2018 persisteraient inchangés jusqu’en 2040, et dans le second, ils ont supposé une association log-linéaire entre la mortalité et l’année civile.
Résultats
Au total, 19 806 individus ont été analysés, les participants aux vagues ELSA ultérieures étant plus âgés mais présentant une répartition sexuelle équilibrée entre les vagues. Les données ELSA liées au registre de mortalité de la première à la neuvième vague ont donné lieu à 90 073 observations de personnes.
Les résultats pointent vers une tendance non linéaire de l’incidence de la démence à partir de 2008.
Les taux de démence standardisés selon l’âge et le sexe ont chuté entre 2002 et 2010, de 10,7 à 8,6 pour 1 000 années-personnes, mais ont rebondi entre 2010 et 2019, de 8,6 à 11,3 pour 1 000 années-personnes.
Cette tendance non linéaire était constante dans les sous-cohortes stratifiées selon l’âge et le sexe, mais variait considérablement selon le niveau de scolarité (p = 0,0086).
Les deux modèles statistiques ont suivi une tendance non linéaire similaire du taux d’incidence de la démence. Le taux d’incidence de la démence, ajusté selon l’âge et le sexe, a diminué entre 2002 et 2010 de 14,7 % (rapport de risque [HR]=0,85) et a encore augmenté entre 2010 et 2014 de 19,9 % (HR=1,20) dans le modèle de Cox.
De même, dans le modèle de Markov, l’incidence de la démence, ajustée selon l’âge et le sexe, a diminué de 28,8 % entre 2002 et 2008. [incidence rate ratio (IRR)=0·71]suivie d’une augmentation de 25,2 % entre 2008 et 2016 (TRI=1,25).
Le modèle de Markov estime une augmentation annuelle relative de l’incidence de la démence de 2,8 % après 2008. En supposant que cette tendance à la hausse se poursuive après 2018, le nombre projeté de cas de démence en 2040 était de 1,7 million, soit 70 % de cas de plus qu’en 2018.
Même si les taux d’incidence de la démence étaient devenus constants après 2018, le nombre de cas aurait atteint 1,3 million en 2040. Il est important de noter que le fardeau de la démence aurait augmenté au fil du temps, quel que soit le scénario conservateur ou optimiste de tendance de la mortalité.
Conclusions
Dans l’ensemble, cette étude longitudinale a révélé que la baisse de l’incidence de la démence a suivi une tendance non linéaire, avec une baisse plus forte de 28,8 % entre 2002 et 2008, suivie d’une augmentation plus lente équivalente à 25,2 % jusqu’en 2016, selon une estimation centrale de un modèle de Markow multi-états.
Si cette tendance à la hausse se poursuit à l’avenir, le fardeau de la démence augmentera en Angleterre et au Pays de Galles pour atteindre 1,7 million d’ici 2040, ce qui aura des implications sociétales, notamment pour les services de santé. Il est donc urgent de mettre en place des politiques de santé publique visant à atténuer cette tendance.