Sommaire
Le problème de santé
La chute est la première cause de décès par accident en France. On dénombre pas moins de quatre cent cinquante mille chutes accidentelles tous les ans chez les plus de soixante-cinq ans, dont 37 % nécessitent une hospitalisation. La chute fragilise. Elle provoque des blessures, des traumatismes et des séquelles induisant une perte d’autonomie et de confiance en soi. Elle touche surtout les personnes de plus de soixante-dix ans, et plus gravement encore au-delà de quatre-vingts ans. Avec l’avancée en âge, les facultés de locomotion et d’équilibration se dégradent. Une INM ciblée est donc nécessaire chez les personnes fragiles dès soixante-cinq ans, et obligatoire après quatre-vingts ans.
L’étude de référence
Une méta-analyse a évalué les caractéristiques des programmes d’activités physiques adaptées (APA) dédiés à la réduction des chutes chez les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans. Plusieurs programmes ont été identifiés en s’appuyant sur soixante-treize essais randomisés ayant inclus trente mille six cent quatre-vingt-dix-sept participants. Les résultats montrent qu’un programme efficace doit combiner des exercices physiques de renforcement musculaire, de contrôle anticipé, de stabilité, de réactivité et de souplesse. Cette combinaison d’ingrédients actifs amenuise considérablement le nombre de chutes et leur gravité. Elle se retrouve dans ces cinq INM à l’efficacité équivalente.
Descriptifs des INM
Le programme Otago
Le programme Otago a montré son efficacité contre les chutes dans un essai randomisé incluant deux cent trente-trois femmes de quatre-vingts ans et plus. Au rythme de trois séances en groupe supervisées de trente minutes par semaine pendant six mois, il propose différents types d’exercices physiques standardisés destinés à améliorer l’équilibre, à renforcer les muscles et à permettre une marche sécurisée. Certains sont effectués avec des poids aux chevilles quand d’autres consistent à marcher de façon particulière (par exemple sur la pointe des pieds, sur les talons ou à reculons) ou à répéter des gestes à risque du quotidien (comme se pencher pour ramasser un objet, monter des escaliers ou s’accroupir). Les participants sont aussi invités à marcher à l’extérieur de chez eux au moins trois fois par semaine dix minutes minimum. À quatre reprises lors des deux premiers mois, le praticien rend visite au participant à son domicile pour sélectionner les exercices à réaliser à des niveaux de difficulté personnalisés et croissants. Il l’appelle régulièrement pour maintenir sa motivation, s’assurer d’une pratique régulière des exercices recommandés et connaître les éventuelles chutes et leurs circonstances. La sécurité est renforcée par la fourniture d’un livret d’instructions illustré. À la fin du programme, les participants sont encouragés à continuer les exercices et les marches au moins à la même fréquence et à la même intensité.
La méthode PEM-ES
La méthode Posture Équilibration Motricité – Éducation pour la Santé (PEM-ES) combine des activités motrices et une éducation spécifique. Validée par un essai clinique, cette INM se déroule sur quatre mois à raison de deux séances par semaine. Les deux premières servent d’évaluation initiale pour connaître les capacités des participants sur les principales fonctions motrices, posturales et d’équilibration. Les deux dernières permettent de faire un bilan des progrès réalisés, et, le cas échéant, des difficultés résiduelles. D’une durée de quatre-vingt-dix minutes, chaque séance consacre trente minutes à l’apprentissage de stratégies comportementales favorables à la santé des seniors (bons réflexes à avoir en cas de chute, alimentation, hydratation, alcool, médicaments, vue, sommeil, gestion du stress, aménagement anti-chute du domicile), puis soixante minutes à des exercices physiques personnalisés, progressifs et variés. Certains portant sur la posture, l’équilibration et le gainage sont effectués sur un ou deux pieds, les yeux fermés ou ouverts, sur différents types de sol (dur ou mou, plat ou en pente, glissant ou abrasif, avec ou sans obstacle) en position statique ou en mouvement. Les participants développent leur force musculaire à l’aide de charges additionnelles et d’exercices plus ou moins décomposés et plus ou moins amples. Certains ciblent pour leur part la coordination du corps et la précision des gestes, tandis que des étirements visent à améliorer la souplesse. Des chutes contrôlées sur tapis de mousse sont réalisées afin de mieux les éviter, les anticiper et réagir en cas de survenue. On sollicite aussi les fonctions neurocognitives à travers la réalisation de simples ou doubles taches, seul ou à plusieurs (parcours variés, manipulation d’objet), certaines favorisant l’adaptation spatiale, d’autres l’adaptation temporelle. Bien que les séances s’effectuent en groupe de six à douze personnes, la PEM-ES recherche une progression individuelle qui se concrétise par la réussite de tests réguliers.
Le programme Ossebo
Destiné aux personnes âgées risquant de chuter, le programme Ossebo a lui aussi été validé par un essai randomisé effectué auprès de femmes âgées de soixante-quinze à quatre-vingt-cinq ans vivant en maison de retraite. Le programme dure deux ans et est divisé en huit cycles de trois mois, avec chaque semaine une séance d’une heure en groupe de quinze personnes maximum et une individuelle à domicile. Tous les exercices sont adaptés aux capacités physiques des pratiquants avec une attention particulière portée sur la progressivité des charges de travail (nombre de répétition et difficulté des mouvements). Les séances démarrent par un échauffement de cinq à dix minutes et se terminent par une dizaine de minutes consacrées aux étirements, à la relaxation et à la respiration, mais aussi au partage d’expérience. Le cœur de la séance propose une large palette d’exercices. Certains mobilisent la vue, l’attention et la coordination pieds-œil nécessaire à l’équilibre et au déplacement, d’autres sont axés sur le rôle des bras dans l’équilibration ou ciblent différents appuis. Des exercices permettent aussi d’améliorer la sensibilité plantaire et l’équilibre par un cheminement dans des parcours standardisés. Le participant travaille également sur ses changements de direction et sa tonicité musculaire.
Le programme PIED
Testé avec succès par un essai clinique chez des personnes âgées vivant à domicile, le programme PIED (Programme Intégré d’Équilibre Dynamique) se déroule sur trois mois à raison de deux séances supervisées par semaine. Il comprend des ateliers de prévention des chutes et des séances d’une heure et demie en groupe de dix à douze personnes. Elles débutent par un échauffement stimulant plusieurs composantes neuromusculaires de l’équilibre. Sont ensuite exécutés des exercices d’équilibre dynamique inspirés notamment du tai-chi, d’autres visant à un renforcement musculaire ou mobilisant les articulations. En fin de séance, des assouplissements favorisent le retour au calme. Les exercices sont simples à réaliser et conçus pour éviter les accidents. Après les avoir appris en séance, le participant est invité à les répéter à domicile au moins deux fois par semaine durant trente minutes. En début et en fin de programme, des tests standardisés sont effectués pour évaluer les capacités initiales des patients, programmer leur progression et évaluer leur progrès. Conçu pour les personnes autonomes à domicile soucieuses de leur santé et préoccupées par les chutes, le programme PIED requiert un certificat médical attestant de l’absence de contre-indication à la pratique du sport, valable trois ans sous réserve de modification notoire de l’état de santé. La Fédération Française Sports pour Tous propose ce programme à ses licenciés.
Le programme HIFE
Programme d’exercices fonctionnels de haute intensité, HIFE (High-Intensity Functional Exercise) s’adresse aux personnes âgées vivant en résidence médicalisée. Validé là encore par un essai randomisé, il propose sur une période de quatre mois trente-deux séances supervisées de cinquante à soixante minutes dans des groupes de quatre à six personnes. HIFE comprend des exercices physiques ciblés sur les fonctions d’équilibration et le renforcement musculaire des membres inférieurs. Des accessoires et des objets sont nécessaires à leur réalisation, comme des ceintures lestées réglables de 0,5 à 12 kilogrammes, des chaises avec et sans accoudoirs, des steps, des plots, des tapis, une barre, des balles et des coussins. Pour faciliter la compréhension des exercices et leur réplication hors des séances de groupes, un manuel d’utilisation est accessible en ligne.
Les mécanismes d’action
Les cinq programmes sollicitent les mêmes mécanismes biopsychologiques. Le participant améliore ses fonctions d’équilibration perceptives (appelée visuo-vestibulaire), proprioceptive (liée à la capacité, consciente ou inconsciente, de connaître la position exacte de son corps et de ses membres sans faire appel aux cinq sens), mais aussi effectrice (autrement dit musculo-articulaire). Il optimise sa fonction musculaire (masse, force et puissance) et ses capacités locomotrices dans des environnements variés. Il va aussi pouvoir reconsidérer les lieux et les habitudes de son quotidien susceptibles de provoquer une chute accidentelle.
Bénéfices
Ces programmes améliorent l’équilibre, la coordination et la force musculaire des jambes, donc la capacité motrice, ce qui se manifeste notamment par une plus grande vitesse aux tests de marche. Ils contribuent à éviter l’exposition à des situations à risque de chute (sol glissant, escalier…), à repenser l’aménagement du domicile (salle de bain par exemple) et à adopter des comportements sécuritaires (chaussures adaptées par exemple). L’aptitude à détecter des environnements à risque augmente, tout comme la confiance dans ses facultés à faire face aux chutes. Le participant devient plus motivé à bouger, mais, surtout, le risque de chute accidentelle grave dans l’année qui suit le programme est divisé par deux tandis que celui des blessures ne nécessitant pas une hospitalisation est réduit de 35 %. En général, 70 % des participants continuent à pratiquer les exercices un an après la fin d’une des INM, attestant d’une bonne adhésion et satisfaction.
Quels sont les risques ?
Proposer des exercices physiques à des personnes âgées susceptibles de chuter peut évidemment conduire à des chutes provoquant des blessures. Des études constatent des plaies et des contusions, mais elles sont rares et de faible gravité. L’essai clinique évaluant le programme Ossebo indique ainsi seulement cinq chutes avec blessures sans gravité sur une centaine de participants. Une blessure grave entraînant une fracture et une hospitalisation n’est pas à exclure, mais le risque est très faible dans ces INM encadrées par des professionnels qualifiés.
Conseils pratiques
Soyez attentif à ce que votre pratique se fasse sans douleur autre que celles associées à un effort physique classique (essoufflement sans sensation d’asphyxie, contraction musculaire, courbatures post-exercice, raideur musculo-tendineuse post-exercice, fatigue mentale due à une concentration et une attention soutenues…). Avant d’entamer l’INM, demandez un certificat médical de non contre-indication à l’activité physique et mentionnez toujours vos problèmes d’arthrose, d’ostéoporose, ostéo-articulaires, musculo-tendineux ou cardiovasculaires. Arrêtez la pratique en cas de douleur à la poitrine, de difficulté respiratoire aiguë, de vertige, de douleur musculaire aiguë. Dans tous les cas, mentionnez-la à l’encadrant. Ces INM doivent s’effectuer dans un lieu bien éclairé sans jamais négliger les temps d’échauffement au début des séances et de récupération à la fin. Consacrez-y au moins cinq minutes. N’oubliez pas non plus de boire de l’eau sans attendre d’avoir soif, avant, pendant et après vos séances. Gardez vos lunettes, votre appareil auditif, et utilisez des chaussures adaptées et des vêtements amples. Si vous chutez de façon répétée, servez-vous d’un coussin protecteur de hanche. Enfin, ayez bien en tête le 112, numéro des secours à appeler en cas de problème.
À qui s’adresser ?
Un kinésithérapeute, un enseignant en activités physiques adaptées (APA) ou un éducateur sportif formé à l’INM.