Cibler les 2 000 premiers jours de vie avec des stratégies globales peut réduire considérablement l’obésité infantile, en s’attaquant à un problème mondial avec des solutions intégrées et multi-comportementales.
Étude : Les facteurs qui affectent l'obésité dès le plus jeune âge et la nécessité de solutions complexes. Crédit photo : Lemonsoup14 / Shutterstock
Dans une étude récente publiée dans la revue Nature Reviews Endocrinologie, Les chercheurs ont rassemblé des données provenant de plus de 175 publications pour élucider l’impact des facteurs de la petite enfance sur le développement ultérieur de l’obésité.
L’étude se concentre sur les preuves issues des niveaux biologiques, socioculturels, environnementaux et individuels et révèle que les 2 000 premiers jours suivant la conception jouent un rôle important dans la modification du risque d’obésité futur.
L’étude souligne en particulier que ces facteurs interagissent de manière complexe, créant un « réseau d’influences » qui varie selon les groupes socio-économiques et ethniques, ce qui rend essentiel d’adapter les efforts de prévention à des populations spécifiques.
Les résultats de l’étude soulignent que l’inculcation d’habitudes visant à atténuer les risques d’obésité chez les enfants avant l’établissement de comportements à risque d’obésité (pendant l’adolescence et l’âge adulte) permettrait d’atténuer considérablement la pandémie mondiale actuelle de surpoids.
Cependant, les interventions traditionnelles qui ciblent des comportements isolés se sont révélées inefficaces, en particulier dans les communautés défavorisées.
Les données suggèrent que des stratégies plus globales et à plusieurs niveaux sont nécessaires pour faire face aux effets combinés des facteurs individuels, familiaux, sociétaux et environnementaux.
De plus, les interventions conventionnelles contre les mauvaises décisions en matière de santé, qui tentent historiquement de traiter les comportements individuellement, peuvent ne pas suffire, car les preuves suggèrent que des stratégies intégrées, multidisciplinaires et multi-comportements complexes sont nécessaires pour gérer efficacement la prise de poids indésirable.
Sommaire
Qu’est-ce que l’obésité et pourquoi devrions-nous nous en préoccuper ?
L'obésité est une maladie chronique caractérisée par un excès de poids corporel (indice de masse corporelle ≥ 30 kg/m2) en raison d’une rétention anormale de graisse.
Bien qu’indépendamment néfaste pour la santé, l’obésité est associée à un risque accru de plusieurs comorbidités potentiellement mortelles, notamment le diabète de type 2 (DT2), les maladies cardiovasculaires (MCV), les complications liées à la reproduction et même plusieurs cancers, soulignant la nécessité de prévenir ou de traiter efficacement cette maladie.
Il est alarmant de constater que, malgré des décennies de recherche et plusieurs initiatives de santé publique promues à l’échelle nationale contre l’obésité, la prévalence de la maladie continue d’augmenter.
Les taux de prévalence mondiaux ont plus que doublé depuis 1990, avec plus de 2,5 milliards d’adultes en surpoids ou obèses en 2022.
Il convient de noter que l’obésité n’est pas répartie de manière uniforme au sein de la population. Les enfants issus de milieux socio-économiques défavorisés, les groupes autochtones et certaines minorités ethniques, comme les communautés hispaniques et polynésiennes, sont touchés de manière disproportionnée, souvent en raison de facteurs tels qu’un accès réduit à une alimentation saine, à des espaces sûrs pour l’activité physique et à des ressources de santé.
Pourquoi devrions-nous nous concentrer sur l’obésité infantile ?
Les observations historiques ont mis en évidence une tendance à l'obésité liée à l'âge. On pensait que les enfants et les adolescents présentaient un risque minimal, qui augmentait à l'âge adulte jusqu'à environ 75 ans, puis stagnait ou diminuait légèrement.
Des recherches plus récentes ont souligné l’importance de la croissance in utero et précoce comme périodes critiques qui affectent profondément les manifestations des maladies chroniques à des stades ultérieurs de la vie.
La théorie des origines développementales de la santé et de la maladie (DOHaD) résume cette hypothèse et souligne l’importance des 1 000 premiers jours suivant la conception comme impératif dans la gestion du risque de maladie chronique.
Cependant, l’étude actuelle étend cette perspective aux 2 000 premiers jours, soulignant que la complexité du développement de l’obésité s’étend à la petite enfance, à mesure que les habitudes de vie telles que l’alimentation et l’activité physique s’enracinent.
Des recherches menées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et la Banque mondiale suggèrent qu’une surveillance et une intervention au cours des cinq premières années de la vie sont impératives : plus de 37 millions d’enfants de moins de 5 ans souffrent actuellement d’obésité infantile.
Étant donné la nature pathologique de la maladie, les enfants obèses vivront avec cette condition toute leur vie. De plus, les habitudes et comportements inculqués au cours des premières années de vie peuvent modifier considérablement le risque d'obésité à l'âge adulte.
Par conséquent, les études actuelles et récentes sur l’obésité suggèrent que l’accent DOHaD soit étendu aux 2 000 premiers jours suivant la conception (de la conception à environ 5 ans).
La genèse et la complexité de l’obésité au début de la vie
L’obésité résulte de l’interaction complexe entre de nombreuses influences individuelles et biologiques (par exemple, la génétique), des comportements (par exemple, la nutrition et les habitudes de sommeil) et des facteurs socioculturels.
Chez les nourrissons et les nouveau-nés, le risque d’obésité peut également être modifié par des facteurs tels que l’allaitement, la santé maternelle et les comportements maternels pendant la grossesse (par exemple, le tabagisme).
Le modèle socioécologique utilisé dans l’étude identifie trois niveaux principaux d’influence : les facteurs individuels et biologiques, socioculturels et environnementaux/systémiques.
Il est important de noter que ces couches ne fonctionnent pas de manière indépendante ; elles créent plutôt un réseau d’interactions qui façonnent le risque d’obésité d’un enfant. Par exemple, les pratiques alimentaires des parents et les habitudes alimentaires familiales interagissent avec des influences sociétales plus larges, telles que le marketing alimentaire et l’accès aux espaces d’activité physique, contribuant ainsi au développement de l’obésité.
« D'après le modèle socioécologique, les facteurs associés à l'obésité en début de vie peuvent être classés en trois groupes : les facteurs individuels et biologiques, les facteurs socioculturels et les facteurs environnementaux et systémiques. Il est important de noter que bon nombre de ces facteurs affectent non seulement le statut pondéral, mais également d'autres facteurs identifiés, créant ainsi un réseau complexe d'interactions. En outre, la prépondérance de la littérature se concentre sur l'examen des résultats de l'obésité définis à l'aide de l'IMC, et les études évaluant la composition corporelle sont rares. »
Alors, que pouvons-nous faire à ce sujet ?
La présente étude propose des lignes directrices pour la prévention de l’obésité à travers quatre stades de développement.
Durant la première étape (in utero – de la conception à la naissance), la nutrition maternelle, la prise de poids (y compris le dépistage de l’obésité) et les comportements liés à la santé (tabagisme, consommation d’alcool) doivent être surveillés pour assurer un développement placentaire optimal et minimiser le risque de complications liées à la grossesse.
La deuxième étape (de la petite enfance à 12 mois) est caractérisée par des considérations sur la nutrition, le comportement en matière de santé et le développement des habiletés motrices.
Les parents doivent être formés pour identifier et traiter la faim chez leur nourrisson. Les mères doivent allaiter leur nourrisson même après avoir introduit des aliments solides (environ 6 mois après la naissance).
Un sommeil adéquat et des routines quotidiennes doivent être progressivement établis et enseignés aux nourrissons (et réaffirmés au cours de l’enfance et de l’adolescence), d’autant plus que les mauvaises habitudes de santé, une fois adoptées, sont difficiles à abandonner.
L'étude préconise en particulier une « action concertée », dans laquelle plusieurs secteurs (par exemple, la santé, l'éducation, l'urbanisme) collaborent pour créer des environnements propices à des modes de vie sains. Par exemple, les politiques favorisant les espaces verts et les quartiers piétonniers peuvent favoriser le jeu actif des tout-petits, tandis que les réformes du système alimentaire peuvent garantir un meilleur accès à des options nutritives.
Au cours de la troisième étape (tout-petits – de un à trois ans), les parents sont encouragés à offrir de nombreuses possibilités de jeu actif (y compris des activités de plein air), améliorant ainsi la forme physique et le développement de la motricité de leurs tout-petits.
Une fois que les tout-petits ont acquis une compréhension de base de la nourriture et ont commencé à développer des préférences alimentaires, ils doivent être inclus dans la préparation et la planification des repas tout en apprenant les avantages et les inconvénients des choix alimentaires sains. En particulier, les sucres ajoutés doivent être réduits au minimum, à la fois pour prévenir l'obésité et pour inculquer une aversion à vie à la consommation excessive de sucre.
Enfin, au cours de la quatrième période (de trois à cinq ans), les enfants doivent être encouragés à participer à des activités physiques associées à des habiletés, notamment le sport et la danse. Leurs habitudes alimentaires doivent être surveillées, régularisées et optimisées pour un développement sain de l’enfant.
Il faut encourager un mode de vie actif et limiter le temps passé devant un écran. L’IMC et d’autres paramètres d’obésité doivent être surveillés pour prévenir le rebond de l’adiposité et réduire le risque d’obésité. Si des marqueurs d’obésité sont présents, des mesures doivent être mises en œuvre pour inverser les marqueurs d’obésité avant qu’ils ne se manifestent pleinement.
Il est important de noter que l’examen appelle à des stratégies adaptées qui tiennent compte des différents besoins des communautés en fonction de leurs contextes socio-économiques et culturels.
Il n’existe pas de solution universelle à l’obésité infantile, et les interventions doivent être flexibles et adaptables à ces contextes variés.
Conclusions
La présente revue rassemble les données disponibles sur la prévalence, les associations de risques et les mesures d’atténuation contre l’obésité infantile, une maladie chronique qui toucherait plus de 37 millions d’enfants dans le monde.
L’étude souligne le besoin crucial d’interventions complexes à plusieurs niveaux qui s’attaquent non seulement aux comportements individuels, mais aussi aux systèmes socio-économiques et environnementaux plus larges qui les façonnent.
Des recherches supplémentaires sur les facteurs de risque, notamment au sein de différentes ethnies, sont nécessaires avant qu’un plan d’action standardisé pour l’enfance puisse être élaboré et promu publiquement.
De telles solutions doivent impliquer une collaboration multisectorielle, garantissant que les systèmes de santé, d’éducation et d’urbanisme travaillent ensemble pour créer des environnements propices à la santé dès la petite enfance.
En attendant, l’étude détaille des lignes directrices simples et de routine qui peuvent être suivies au cours des cinq premières années de la vie des nourrissons pour minimiser leur risque d’obésité, à la fois pendant l’enfance et tout au long de leur vie.