Sommaire
Le problème de santé
La dépression est un trouble mental courant et persistant, hélas sous-diagnostiqué et dont la gravité est sous-estimé. Elle a pour symptômes la tristesse, la perte d’intérêt et de plaisir, une faible estime de soi, un sentiment de culpabilité, des troubles du sommeil et de l’appétit. Près de trois cent cinquante millions de personnes souffraient d’une dépression nerveuse dans le monde en 2012, avec une morbidité et une mortalité importante. Le nombre d’années de vie perdues en incapacité se situait en 2013 autour de six cent seize millions pour un trouble dépressif modéré, et de cinquante-deux millions pour un trouble majeur. Entre 1990 et 2013, l’augmentation de ces deux types de dépression a été de 53 %, chiffre qui témoigne d’une maladie se répandant dangereusement. La France compte désormais 7,8 % de personnes dépressives chez les quinze/soixante-quinze ans. Les raisons sont multifactorielles : violence sexuelle ou physique, problèmes parentaux ou inter-parentaux, perte d’emploi, précarité, solitude, maladies… Pour traiter cette maladie, les médicaments antidépresseurs peuvent aider mais ne sont pas toujours la solution en raison de leur efficacité limitée et de leurs effets secondaires.
L’étude de référence
Une méta-analyse a recensé les études comparant l’efficacité respective de nouvelles psychothérapies dans le traitement d’un épisode dépressif majeur. Quinze essais randomisés ont inclus neuf cent quarante-six participants, sept pour la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (MBCT), quatre pour la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) et quatre pour la psychothérapie positive. Toutes s’avèrent efficaces pour réduire les symptômes dépressifs comparativement au groupe contrôle. Les auteurs constatent toutefois un effet moindre de la psychothérapie positive et encouragent l’utilisation de la MBCT ou de l’ACT dans le traitement de la dépression nerveuse.
La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (MBCT)
Descriptif de la MBCT
La MBCT adaptée au traitement de la dépression nerveuse et de ses récidives se déroule en deux mois avec huit séances de deux heures et demie, à raison d’une par semaine en groupe de six à douze participants dirigés par un ou deux thérapeutes. Les patients se voient aussi proposer des exercices de quarante-cinq minutes à réaliser six jours par semaine durant tout le traitement. La méthode contient une formation théorique et pratique à la méditation de pleine conscience et l’usage de techniques de thérapie cognitive. Elle s’attache à favoriser une régulation émotionnelle en augmentant la conscience du participant de son expérience du moment présent. Sont enseignées des compétences encourageant à se désengager de routines cognitives dysfonctionnelles devenues quasi-automatiques, en particulier les schémas intrusifs de pensées négatives et d’autodévalorisation. Le but est de réduire les symptômes actuels, mais aussi les risques de rechute.
Les mécanismes d’action
Des chercheurs ont tenté d’identifier les ingrédients actifs de la MBCT en s’appuyant sur les données disponibles. Les résultats positifs s’expliquent par des effets à quatre niveaux. D’abord sur les pensées négatives répétitives induites par un schéma mental mêlant rumination (orientée vers le passé) et inquiétude (pour l’avenir). La pleine conscience aide à s’en débarrasser en se recentrant sur le présent. Le développement de l’auto-compassion conduit ensuite à améliorer le traitement de la dépression. Vivre des moments agréables et des expériences enrichissantes, comme le permet la MBCT, est également bénéfique. Enfin, le dernier ingrédient actif est l’impact sur la réactivité cognitive et émotionnelle, qui diminue l’exposition au stress.
Bénéfices de la MBCT
La MBCT ciblée a montré son efficacité pour traiter la dépression et prévenir les récidives avec une réduction du risque de 65 %. En s’intéressant aux patients pour lesquels les antidépresseurs n’ont pas eu d’effet, un essai randomisé va plus loin en démontrant une amélioration des symptômes dépressifs et de la qualité de vie à neuf, puis dix-huit semaines après la fin de la thérapie, en comparaison avec un groupe contrôle ayant suivi un programme psychoéducatif. La Haute Autorité de Santé reconnaît cette INM comme efficace dans le traitement d’une dépression modérée à sévère.
Quels sont les risques de la MBCT ?
Un élément incontrôlable est la constitution du groupe, des participants pouvant partager leurs pensées dépressives par contagion psychologique. Un patient traité par MBCT n’est par ailleurs pas à l’abri d’une rechute. Maladie souvent chronique, la dépression nerveuse impose une vigilance à long terme.
Conseils pratiques
N’initiez pas une MBCT si vous pensez impossible de pouvoir vous accorder des temps quotidiens de méditation : il s’agit d’un engagement. Si vous êtes dans une période où les signes dépressifs ou anxieux sont trop intenses, évitez également de commencer cette thérapie. Elle vous exposerait à des émotions excessivement désagréables.
À qui s’adresser ?
Un psychiatre ou psychologue clinicien formé à la méthode MBCT.
La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT)
Descriptif de l’ACT
Thérapie cognitivo-comportementale individuelle pour les patients en dépression modérée à sévère, l’ACT comprend habituellement seize à vingt sessions sur une période de trois à quatre mois, avec deux séances hebdomadaires pour les deux à trois premières semaines de traitement, puis une à deux séances ensuite. Cette psychothérapie encourage à accepter ce que l’on ne contrôle pas et à s’engager dans d’autres pensées et actions. Elle vise à enrichir sa vie en contribuant à une plus grande flexibilité psychologique et une meilleure correspondance avec ses propres valeurs. Le patient apprend à tolérer le fait que les émotions et pensées négatives sont naturelles et que l’on ne doit pas s’en sentir coupable. Une fois capable de les accepter, on est plus libre de les laisser glisser pour s’en éloigner sans s’attarder ni s’acharner à lutter contre, avec une orientation mentale et comportementale plus positive. Le praticien aide à mieux appréhender la façon de penser et de ressentir avec des exercices et des stratégies de pleine conscience du moment présent. Le patient apprend ainsi à accepter ses pensées sans les juger, mais aussi à les évaluer pour déterminer si elles servent ses objectifs de vie. Si ce n’est pas le cas, un travail peut être mener pour susciter de nouvelles pensées assorties d’actions plus positives correspondant aux valeurs qu’il souhaite incarner.
Les mécanismes d’action
Les humains étant les seuls être vivants capables de créer des relations entre les mots et les idées, ils peuvent associer des concepts comme l’échec ou l’inutilité et anticiper des résultats négatifs dans l’avenir. L’ACT apprend à reconnaître et à s’éloigner de ces schémas de pensée. Elle fait comprendre que si ces pensées négatives sont naturelles et même appropriées à des situations particulières, elles ne définissent pas pour autant une personne et ne doivent pas l’empêcher de vivre. En vous rendant attentif à votre discours intérieur sur des événements traumatisants et certains aspects de votre existence, le thérapeute vous aide à développer des stratégies de changement conformes à vos objectifs et vos valeurs. En évaluant les modèles mentaux qui ont émergé dans le passé, vous pourrez éviter de répéter des schémas négatifs à l’avenir. Sans lutter contre vos émotions, mais en apprenant à les reconnaître pour ce qu’elles sont et à travailler avec pour atteindre une vie plus épanouissante.
Bénéfices de l’ACT
Une méta-analyse incluant dix-huit essais cliniques et mille quatre-vingt-huit participants confirme la réduction des symptômes dépressifs chez les adultes suivant la thérapie ACT spécifique, avec des bénéfices persistant trois mois après son terme. Un essai randomisé auprès de quatre-vingt-deux patients dépressifs sévères montre une efficacité un an après. L’ACT a pour principal avantage d’aider à lutter contre un trouble mental handicapant comme la dépression sans utiliser nécessairement de médicaments, en apprenant à changer son rapport aux pensées et émotions négatives et à choisir des actions concrètes qui se rapprochent de ses buts et désirs profonds. Cette thérapie peut aussi aider à réduire les doses de médicaments de patients souffrant de dépression sévère qui ont dû en prendre immédiatement. La Haute Autorité de Santé recommande également l’INM parmi les psychothérapies efficaces dans le traitement d’une dépression nerveuse modérée à sévère.
Quels sont les risques de l’ACT ?
Là encore, la rechute dépressive est possible. Comme les médicaments, aucune INM à visée thérapeutique ne fonctionne à cent pour cent.
Conseils pratiques
La méthode ACT vous permet de prendre conscience de votre soi par introspection et d’adopter des actions et des comportements conformes à vos valeurs. Par conséquent, soyez le plus authentique et sincère possible avec le praticien dans l’exploration de votre monde intérieur, sans quoi des dilemmes émergeront.
À qui s’adresser ?
Un psychiatre ou un psychologue clinicien formé à la méthode ACT.