Le quotidien Le Monde vient récemment de pointer du doigt une mesure qui était jusque là passée inaperçue et pourtant clairement explicitée dans le dernier projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Rendue publique début décembre, une des mesures du texte présenté par son rapporteur prévoit en effet d’exclure certains accidents chirurgicaux de l’indemnisation assurée par la solidarité nationale. Engendrés par les dérives, les dommages de la chirurgie esthétique en font partie.
La loi du 4 mars 2002, dite « Loi Kouchner », avait introduit il y a bientôt quinze ans un système d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, comprenant les infections nosocomiales, sujet brûlant à l’époque. Ce dispositif d’indemnisation fonctionnait à plein régime, même dans le cas où la responsabilité du professionnel de santé n’était pas engagée.
Les malheureux patients victimes d’erreurs médicales étaient alors en droit de présenter une demande auprès de l’ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux), sous condition d’appréciation des préjudices subis, qui devaient présenter des seuils de gravité suffisants.
Il devait ensuite être établi que ce préjudice résultait d’un acte de prévention, de diagnostic ou de soins ayant entraîné des conséquences anormales. Sans que la finalité de l’acte ne soit prise en compte… Dans la pratique, l’ensemble des actes médicaux étaient ainsi couverts par ce système d’indemnisation à grande échelle, y compris ceux du secteur de la chirurgie esthétique, dont les dommages étaient ainsi couverts par l’assurance publique.
Sommaire
Une mesure restrictive pour les victimes des dommages de la chirurgie esthétique
Mais à partir de cette année, les victimes d’erreurs d’actes de chirurgie esthétique ne seront plus indemnisées par l’État. Telle est en substance l’une des mesures inscrites dans le nouveau projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) qui vient d’être récemment dévoilé.
La loi de finance de la sécurité sociale 2015, adoptée le 1er décembre dernier par l’Assemblée Nationale introduit en effet l’article L. 1142-3-1 du Code de la santé publique. Le texte stipule clairement l’exclusion des victimes des dommages engendrés par les actes de chirurgie esthétique du bénéfice de l’indemnisation par la solidarité nationale :
« Art. L. 1142-3-1. – I. – Le dispositif de réparation des préjudices subis par les patients au titre de la solidarité nationale […] n’est pas applicable aux demandes d’indemnisation de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi. »
Dans son article 50, le nouveau projet de loi de financement de la Sécurité Sociale 2015 prévoit en effet de priver d’indemnisation les victimes d’accidents survenus lors d’actes « dépourvus de finalité préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice ».
C’est donc la fin de l’indemnisation de l’aléa thérapeutique par l’argent public. Reste maintenant à différencier les actes qui relèvent d’une part de la finalité préventive ou thérapeutique ou reconstructrice, d’autre part de la pure logique esthétique à vocation non curative.
L’indemnisation des dommages créés par la chirurgie esthétique est terminée
Le législateur se défend
Dorénavant, les victimes d’opérations de chirurgie esthétique ayant entraîné des dommages ne seront donc plus indemnisées par la solidarité nationale en cas d’accident dit « non fautif », à savoir lorsque la responsabilité de l’autorité médicale n’est pas en cause.
Les pourfendeurs de la loi pointent déjà du doigt les économies budgétaires réalisées sur le dos de la santé publique et de l’intérêt général des citoyens, affirmation dont se défend Olivier Véran, député PS de l’Isère et rapporteur du PLFSS : « Il ne s’agit pas de faire des économies mais de distinguer clairement les actes thérapeutiques des actes non thérapeutiques », a déclaré ce dernier, précisant que la rédaction de cet article de loi avait été difficile.
La mesure ne devrait en effet rapporter à l’État français que tout au plus 800 000 euros chaque année. Soulignons que, l’an passé, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux a déboursé plus de 70 millions d’euros, avec une moyenne d’indemnisation de 98 915 euros par dossier.
Retour vers le passé pour les uns, solution d’avenir pour les autres
Avant la loi de 2002, la responsabilité incombait aux victimes d’accidents médicaux de prouver l’existence d’une faute de l’établissement ou du professionnel de santé afin de percevoir une indemnisation. La réparation financière était impossible lorsqu’aucune partie n’était déclarée fautive.
Les choses avaient donc largement évolué en faveur des patients depuis la loi de 2002, les victimes d’accidents « sans coupable » étant prises en charge par la solidarité nationale, notamment par la Sécurité Sociale. Si l’’article 50 du PLFSS ne change rien à ce principe, il en restreint néanmoins le champ des actes pouvant donner lieu à une indemnisation par l’ONIAM. Le débat sur l’indemnisation par la solidarité nationale des victimes des dommages de la chirurgie esthétique est ouvert et ne fait que commencer.
Le nouvel article de la loi de financement de la Sécurité Sociale fait déjà du bruit. Ce sont les conditions de la prise en charge des erreurs commises par les praticiens, et surtout la visée de l’acte chirurgical en lui-même qui prêtent au contentieux. Une situation qui ne serait peut-être pas aussi sensible si les dérives, les dangers et les dommages inhérents à la pratique de la chirurgie esthétique n’étaient pas si nombreux…