De nouvelles recherches révèlent que l'incapacité du cerveau à auto-surveiller les signaux moteurs joue un rôle clé dans les hallucinations liées à la schizophrénie, offrant ainsi de nouvelles perspectives sur les mécanismes à l'origine de ces distorsions perceptuelles.
Étude: Une transformation motrice-sensorielle altérée est à l'origine des hallucinations auditives. Crédit d’image : PeopleImages.com/Yuri A/Shutterstock.com
Dans une étude récente publiée dans la revue Biologie PLOSdes chercheurs étudient comment une altération de l'autosurveillance liée à des dysfonctionnements dans les copies des signaux moteurs contribue aux hallucinations auditives dans la schizophrénie.
Sommaire
Perception contre réalité
Nos perceptions de l'environnement proviennent de stimuli sensoriels externes tels que les images, les sons, l'imagination et le rappel de souvenirs. La surveillance des différentes sources de ces perceptions est vitale, des hallucinations apparaissant lorsque celles-ci échouent et le cerveau est incapable de séparer la source de la perception.
Cette auto-surveillance des différentes sources de perception est réalisée grâce à des modèles internes directs, dans lesquels des copies de signaux moteurs tels que la décharge corollaire (CD) ou la copie d'effet (EC) sont impliquées dans l'inhibition ou l'amélioration du traitement sensoriel. Ces copies de signaux moteurs améliorent ou suppriment le traitement sensoriel, ce qui permet de distinguer les sensations générées en interne des stimuli sensoriels externes.
Dans les maladies mentales comme la schizophrénie, les patients souffrent souvent d’hallucinations auditives. Des preuves récentes suggèrent que des dysfonctionnements distincts de la MC et de la CE, plutôt qu'un seul échec inhibiteur, pourraient être perturbés et, par conséquent, provoquer des hallucinations auditives chez ces patients.
À propos de l'étude
Dans la présente étude, les chercheurs examinent les déficiences spécifiques de la fonction inhibitrice de la MC et de la fonction d'amélioration de la CE qui contribuent aux hallucinations auditives ressenties par les personnes atteintes de schizophrénie.
Au total, 40 patients schizophrènes ont été divisés en deux groupes selon que le patient avait ou non eu des hallucinations auditives verbales. Des tâches de préparation générale et de préparation spécifique ont été utilisées pour déterminer comment la préparation de la parole affecte la perception. Ces tâches ont été conçues pour explorer comment le CD et l'EC influencent les réponses auditives au cours des différentes étapes de la préparation du discours.
Dans les deux tâches, les participants à l’étude ont reçu des repères visuels et ont dû parler tout en entendant des sondes auditives sous forme de tons ou de syllabes.
La tâche de préparation générale impliquait un repère visuel sans information linguistique ; par conséquent, les participants n’étaient pas conscients de ce qu’ils diraient. Les sondes auditives, introduites dans la moitié des essais, consistaient en l'une des quatre syllabes auditives « ba », « ka », « ga » ou « pa » ou un ton pur d'un kHz.
Dans la tâche de présentation spécifique, le signal visuel consistait en une syllabe spécifique que les participants préparaient à prononcer avec des sondes auditives qui correspondaient ou étaient différentes de la syllabe du signal visuel.
Les essais de base incluaient la parole sans préparation et l'écoute passive des sondes sans parler. Les temps de réaction pour parler ont été enregistrés pour chaque participant et analysés pour déterminer l'impact des différentes conditions de tâche sur les temps de réponse.
L'activité cérébrale a également été enregistrée à l'aide d'un électroencéphalogramme (EEG), toutes les données étant filtrées pour éliminer les artefacts tels que les mouvements oculaires. Les réponses cérébrales aux sondes auditives ont ensuite été analysées pour explorer l'influence des signaux moteurs sur le traitement sensoriel.
Les données cliniques et démographiques ont également été analysées à l’aide de divers outils statistiques.
Résultats de l'étude
La dérégulation des copies du signal moteur impliquant l'inhibition de la CD et l'amélioration de la CE a provoqué des erreurs d'autosurveillance, conduisant à des hallucinations auditives chez les patients schizophrènes. La modélisation informatique de l'étude a révélé que la combinaison d'un CD « cassé » et d'un CE « bruyant » chez les patients souffrant d'hallucinations auditives pourrait expliquer leur incapacité à distinguer avec précision les signaux auditifs internes et externes.
L'échec du système CD à inhiber les réponses auditives pendant la préparation générale de la parole a conduit à des hallucinations auditives verbales, car les patients avaient du mal à faire la différence entre les sons externes et les sons générés en interne. Le modèle a montré qu'une CD altérée entraînait un échec dans la suppression des réponses neuronales lors de la préparation générale de la parole, contribuant ainsi aux difficultés de différenciation des sons générés en interne des sons externes. La fonction CD altérée confirme les résultats d'études antérieures sur la suppression sensorielle réduite dans la schizophrénie, indiquant ainsi que l'absence de signaux inhibiteurs était associée à d'autres symptômes négatifs, tels qu'une motivation réduite à agir.
L'absence de suppression de la réponse auditive dans les tâches générales de préparation de la parole suggère que la fonction CD n'était pas efficace dans les deux groupes de patients. Cependant, les tâches spécifiques de préparation de la parole ont indiqué que les patients sans hallucinations verbales auditives présentaient des réponses neuronales améliorées aux sons de la parole préparés, alors que ceux ayant des hallucinations auditives avaient des réponses accrues aux sons non préparés, indiquant ainsi une fonction EC améliorée.
Conclusions
Les résultats de l'étude suggèrent qu'une combinaison de CD altérée et de CE « bruyante » chez les patients atteints de schizophrénie a entraîné l'incapacité de distinguer les signaux auditifs internes et externes, provoquant ainsi des hallucinations auditives. Le modèle informatique des chercheurs soutient cette conclusion en simulant la dynamique neuronale impliquée, montrant comment des dysfonctionnements distincts dans la MC et la CE conduisent à différents modèles de traitement auditif chez les patients hallucinants et non hallucinants. Ainsi, les mécanismes cérébraux d'auto-surveillance et d'interprétation du feedback sensoriel peuvent être perturbés chez les patients schizophrènes souffrant d'hallucinations auditives.