Comparés à d’autres mammifères, les enfants humains dépendent de leurs soignants pendant une période remarquablement longue. Au fil des âges, ils ont développé des « tactiques psychologiques » pour se faire aimer des adultes et ainsi augmenter leurs chances de survie. On pense que cette dépendance prolongée a conduit à l’évolution de mécanismes de signalisation complexes pour aider les nourrissons à attirer et à maintenir l’attention des adultes.
À mesure que les bébés grandissent, leurs méthodes de communication évoluent, passant de simples cris et expressions faciales à des signaux vocaux et cognitifs plus sophistiqués.
Des recherches ont montré que lorsque les enfants sont jeunes, les adultes sont attirés par certains signes d’immaturité dans leur voix et leurs pensées, ce qui les aide à comprendre les besoins des enfants. Une question clé qui n’a pas été étudiée en profondeur est la manière dont les soignants évaluent les signaux vocaux et cognitifs d’un enfant pendant la petite enfance. Par exemple, si la voix d’un enfant semble immature mais que son raisonnement est avancé, quel aspect influence le plus les soignants ?
Pour répondre à cette question, des chercheurs de l’Université Florida Atlantic et de l’Université I Jaume en Espagne ont examiné la manière dont les adultes interprètent ces signaux et la dynamique entre différents types d’indices tels que les expressions faciales, les voix et les signaux cognitifs.
Les chercheurs ont créé deux scénarios principaux : l'un dans lequel les signaux vocaux et cognitifs de l'enfant concordent (condition cohérente) et l'autre dans lequel ils ne concordent pas (condition incohérente). Par exemple, dans une condition cohérente, un enfant peut montrer une voix immature et une pensée magique, où il croit que ses pensées ou ses actions peuvent affecter le monde de manière irréaliste. Au contraire, une condition incohérente peut mettre en scène un enfant avec un raisonnement mature mais une voix immature.
Les participants à l'étude ont écouté des enregistrements d'enfants en train de parler pendant que les chercheurs examinaient la façon dont ils réagissaient à ces enfants. Ils se sont concentrés sur deux types de signes : le son de la voix des enfants et leur façon de raisonner.
Résultats de l'étude, publiés dans la revue Evolution et comportement humain, Les chercheurs ont constaté que les adultes sont plus attentifs à la voix des enfants lorsqu'ils évaluent leur bonheur ou leur impuissance. Cependant, lorsqu'ils évaluent l'intelligence d'un enfant (liée à la pensée magique) ou ses émotions négatives (liées à la pensée naturelle), les adultes se concentrent davantage sur le contenu de ce que dit l'enfant plutôt que sur le ton de sa voix.
Lorsque les signaux vocaux et cognitifs correspondaient, les enfants ayant une voix immature et une pensée magique étaient considérés comme plus impuissants, tandis que ceux ayant une voix mature et un raisonnement logique étaient considérés comme plus intelligents et moins nécessiteux. Lorsque les signaux étaient contradictoires, les adultes se fiaient davantage aux signaux vocaux, en particulier pour évaluer les émotions et l'impuissance. Cela montre comment les signaux vocaux influencent fortement les jugements émotionnels et les besoins de soins perçus, reflétant les façons évoluées dont les enfants utilisent ces signaux pour susciter l'attention.
David Bjorklund, Ph. D., co-auteur de l'étude, président associé et professeur, département de psychologie, Charles E. Schmidt College of Science, Florida Atlantic University
Pendant la petite enfance, les enfants n'utilisent pas le langage, les personnes qui s'occupent d'eux comptent donc beaucoup sur les signaux faciaux et vocaux pour évaluer leurs besoins et leurs émotions. Par exemple, les pleurs ou l'expression faciale d'un bébé peuvent signaler la faim ou l'inconfort, ce qui aide les personnes qui s'occupent d'eux à réagir de manière appropriée.
Il est intéressant de noter que lors de l’évaluation de l’intelligence, les adultes semblent se fier davantage aux signaux cognitifs qu’aux signaux vocaux. Chez les enfants exprimant une pensée naturelle, la maturité de leur raisonnement est particulièrement influente dans les jugements sur leur intelligence. Cependant, ce n’est pas toujours le cas. Pour le raisonnement surnaturel ou magique, l’influence des signaux cognitifs et vocaux est plus mitigée, ce qui suggère que l’interaction entre ces signaux peut varier en fonction du contexte.
« Nos recherches montrent que même si les expressions faciales restent importantes, elles sont moins efficaces pour transmettre certains types d’informations que les signaux vocaux et cognitifs », a déclaré Bjorklund. « Comprendre ces dynamiques peut améliorer notre compréhension des interactions entre les parents et les enfants et éclairer les approches visant à soutenir à la fois les enfants et les parents. »