La maladie cœliaque est une maladie immunitaire de l'intestin qui touche plus de 1% de la population. Elle se caractérise par une intolérance au gluten qui provoque une inflammation de l'intestin, des douleurs abdominales et de la diarrhée, et peut entraîner une perte de poids et des carences chez les patients.
Un consortium de recherche international associant des équipes de l'Université McMaster (Canada), de l'INRAE, de la Sorbonne Université Paris, de l'INSERM, des Hôpitaux publics de Paris (AP-HP) et de l'Université de Wageningen (Pays-Bas) a montré que le microbiote intestinal des patients cœliaques présente un défaut de production de composés actifs résultant de la dégradation du tryptophane par des micro-organismes.
Leurs conclusions, publiées le 21 octobre dans Médecine translationnelle scientifique, montrent qu'un apport alimentaire en tryptophane ou une supplémentation en probiotiques capables de métaboliser cet acide aminé diminue les lésions intestinales de la maladie cœliaque chez l'animal et offre de nouvelles perspectives thérapeutiques chez l'homme.
La maladie cœliaque se caractérise par une intolérance au gluten, une protéine largement présente dans notre alimentation et notamment dans certaines céréales comme le blé. Les patients qui souffrent de cette maladie doivent suivre un régime strict et restrictif conçu pour exclure le gluten et ainsi améliorer leurs symptômes. Plusieurs facteurs sont impliqués dans le déclenchement de cette maladie et ils sont notamment génétiques et immunitaires.
La maladie étant caractérisée par une inflammation de l'intestin, les scientifiques ont décidé de se pencher sur le rôle du microbiote intestinal. Chez les sujets sains, certaines bactéries du microbiote utilisent spécifiquement le tryptophane (un acide aminé présent dans l'alimentation) pour produire de nouveaux composés appelés dérivés d'indole qui activent les AhR (Aryl hydrocarbon Receptors) présents sur les cellules de l'intestin.
L'activation de ces récepteurs génère des effets bénéfiques tels que le renforcement de la barrière intestinale ou la stimulation de l'immunité, qui atténuent alors l'inflammation intestinale et préservent l'équilibre du microbiote intestinal. Dans d'autres maladies intestinales inflammatoires (maladie de Crohn et colite ulcéreuse), l'équipe de recherche avait précédemment mis en évidence des modifications du microbiote, et notamment un défaut de production de ces dérivés du tryptophane et donc une réduction de l'activation de l'AhR.
Métabolisme défectueux du tryptophane dans la maladie cœliaque
Les scientifiques ont analysé des échantillons de selles provenant d'une cohorte de 29 patients – qui souffraient de la maladie cœliaque active ou avaient la maladie et avaient été traités pendant 2 ans avec un régime sans gluten – et de volontaires en bonne santé sans maladie cœliaque.
Leurs résultats ont révélé que chez les patients atteints de maladie cœliaque active, il était seulement possible de détecter une quantité réduite de dérivés du tryptophane indole et une activation diminuée de AhR. En plus de l'inflammation, l'équipe a également observé des changements dans le microbiote intestinal qui ont entraîné une diminution du nombre de micro-organismes métabolisant le tryptophane et produisant les dérivés d'indole nécessaires pour activer AhR.
Un apport de tryptophane et de probiotiques pour améliorer les symptômes de la maladie cœliaque
Chez des souris modèles développant une maladie similaire à la maladie cœliaque, les scientifiques ont modulé le régime de deux manières: ils ont administré un apport supplémentaire de tryptophane (qui se trouve généralement dans les aliments protéinés tels que la viande, le foie, la volaille, le poisson, les produits laitiers, séchés. fruits, soja, etc.) ou ils leur ont donné la bactérie probiotique Lactobacillus reuteri qui produit des dérivés d'indole à partir du tryptophane.
Leurs résultats ont montré qu'un régime enrichi en tryptophane provoquait des modifications du microbiote de ces animaux, caractérisées par une augmentation des micro-organismes produisant des dérivés d'indole qui activaient AhR. Lorsque les souris étaient exposées au gluten, l'inflammation intestinale de celles recevant un régime enrichi en tryptophane était réduite par rapport à celles recevant un régime standard.
Les mêmes résultats ont été observés chez les rongeurs qui ont reçu le Lactobacillus reuteri probiotique. De plus, le régime enrichi en tryptophane ou la bactérie probiotique a permis des améliorations significatives des lésions de la maladie cœliaque chez les souris lorsqu'elles étaient exposées au gluten.
Cette étude ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques pour les patients atteints de la maladie cœliaque dont le seul traitement à l'heure actuelle est un régime sans gluten strict et restrictif. Un brevet a été déposé par l'Université McMaster et l'INRAE conjointement avec l'Université de la Sorbonne, l'INSERM et l'AP-HP, afin de protéger une approche thérapeutique basée sur la modulation de l'activation de AhR par une alimentation riche en tryptophane et des probiotiques pour traiter la maladie cœliaque.
Des études complémentaires sont désormais nécessaires pour confirmer ces résultats chez l'homme, mais cette nouvelle option thérapeutique permettrait d'améliorer les symptômes et la qualité de vie des patients atteints de la maladie cœliaque. Les probiotiques contiennent des micro-organismes vivants (bactéries, levures, etc.) qui exercent un effet bénéfique sur la personne qui les ingère.
La source:
Référence du journal:
Lamas, B., et al. (2020) La production de ligand du récepteur d'hydrocarbure aryle par le microbiote intestinal est diminuée dans la maladie cœliaque entraînant une inflammation intestinale. Médecine translationnelle scientifique. doi.org/10.1126/scitranslmed.aba0624.