Dans un article récent publié dans Le microbe Lancet, les chercheurs ont discuté de la liste des agents pathogènes fongiques prioritaires (FPPL) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Ils ont mis en lumière les disparités entre le classement de la liste et le fardeau réel des maladies fongiques et ont proposé une liste de priorités révisée tenant compte des disparités régionales.
La liste des pathogènes fongiques prioritaires de l’OMS : une réévaluation cruciale pour revoir la priorisation. Crédit d'image : Kateryna Kon/Shutterstock
Sommaire
Arrière-plan
L’OMS a publié la première liste d’agents pathogènes fongiques prioritaires en octobre 2022 pour relever les défis du diagnostic, du traitement et de la recherche des maladies fongiques. Le processus de priorisation impliquait des examens systématiques, des avis d'experts et la prise en compte de critères spécifiques, conduisant à l'établissement de niveaux d'intensité pour chaque agent pathogène. Le classement final a été déterminé au moyen d’enquêtes et de méthodes de mise à l’échelle, soulignant l’urgence de lutter contre les infections fongiques parallèlement à la résistance bactérienne.
Tout en reconnaissant l'importance du FPPL de l'OMS, les chercheurs de la présente étude suggèrent qu'il pourrait ne pas représenter de manière adéquate le fardeau de certains agents pathogènes fongiques et proposent une hiérarchisation révisée.
Mucorales
Bien que classés comme groupe hautement prioritaire par l'OMS, les Mucorales pourraient constituer une menace plus grande qu'on ne le pense actuellement. L’incidence de la mucormycose a augmenté pendant la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), en particulier en Inde, avec des estimations dépassant de loin celles des pays à revenu élevé. Le diabète apparaît comme le principal facteur de risque. Le fardeau croissant du diabète en Inde et en Asie du Sud-Est suggère une augmentation potentielle des cas de mucormycose dans la région. Les défis diagnostiques et les incertitudes liées au traitement aggravent encore la menace, ce qui nécessite des recherches approfondies et des efforts de sensibilisation du public.
Candida spp.
Candida spp. les infections touchent plus de 600 000 personnes par an, avec un taux de mortalité de 30 à 40 %, mais leur priorité dans le FPPL ne reflète peut-être pas pleinement leur signification clinique. Candida glabrata et Parapsilose à Candida, associés à des niveaux de priorité inférieurs, gagnent en reconnaissance en raison respectivement de l’émergence d’une résistance aux antifongiques et de capacités de production de biofilm. Préoccupations concernant les souches de virus résistantes au fluconazole C. parapsilose conduisant à des épidémies dans les hôpitaux avec des taux de mortalité élevés soulignent la nécessité de déployer des efforts de contrôle des infections.
Histoplasma spp.
L'histoplasmose, causée par Histoplasma capsulatum, présente une répartition mondiale plus large qu'on ne le pensait auparavant, avec de nouveaux foyers de maladie observés en Amérique du Nord, en Afrique et en Europe. Une étude a rapporté une incidence élevée d’histoplasmose aux États-Unis, ce qui suggère une endémicité généralisée. Cependant, une capacité de diagnostic inadéquate et une faible suspicion clinique contribuent au sous-diagnostic et à la sous-déclaration, en particulier en Afrique et en Asie du Sud-Est. Un accès amélioré aux outils de diagnostic et aux thérapies antifongiques est crucial pour lutter contre l’histoplasmose.
Fusarium spp. et agents responsables de l'eumycétome
Fusarium spp. les infections sont rares et touchent des personnes hautement immunodéprimées, avec des taux d’incidence ne dépassant pas 6 %. Malgré les incertitudes quant aux stratégies de traitement optimales et l'augmentation potentielle future des populations sensibles, Fusarium les infections représentent une menace mondiale moindre que la mucormycose ou la candidémie. De même, l’eumycétome, bien qu’il manque des données précises sur son incidence mondiale, constitue une préoccupation majeure dans les pays à revenu faible ou intermédiaire en raison de taux de morbidité élevés, de directives thérapeutiques limitées et de rechutes fréquentes.
Coccidioides et Paracoccidioides spp.
La coccidioïdomycose étend ses zones d'endémie en raison du changement climatique, avec une sous-déclaration importante en raison de l'absence de statut à déclaration obligatoire dans de nombreuses régions. La paracoccidioïdomycose, répandue en Amérique du Sud et en Amérique centrale, est confrontée à des défis de diagnostic en raison de révisions taxonomiques et d'une surveillance limitée. Lomentospora prolifique et Scédosporium spp.Les ., bien que rares, présentent des risques nosocomiaux, mais leur priorité par rapport à la coccidioïdomycose et à la paracoccidioïdomycose semble disproportionnée, compte tenu de leur plus faible incidence et de leur impact sur la santé publique. Talaromyces marneffeiendémique en Asie du Sud-Est, constitue une menace sérieuse pour les personnes immunodéprimées, soulignant l'urgence d'améliorer les outils de diagnostic et d'accorder une attention particulière à la recherche.
Cryptococcus spp.
Cryptococcus néoformans, une cause fréquente de maladie cryptococcique chez les individus immunodéprimés, en particulier ceux atteints d'une infection avancée par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), entraîne une morbidité et une mortalité importantes dans le monde entier. Inversement, Cryptococcus gattiiautrefois considérée comme endémique dans des régions spécifiques, s'est propagée à l'échelle mondiale et présente des défis cliniques uniques, justifiant un statut de priorité plus élevé. Pneumocystis jirovecii est responsable de pneumonie principalement dans les populations immunodéprimées.
Proposition d’amélioration du FPPL de l’OMS
L'approche uniforme de la FPPL ne tient pas compte de la nature et de la répartition variées des infections fongiques. Pour résoudre ce problème, les chercheurs proposent une personnalisation des priorités par région en utilisant les régions de l’OMS comme proxy. Ils suggèrent quatre agents pathogènes majeurs pour une priorisation cruciale à l’échelle mondiale : Cryptococcus, Aspergillus spp., Candida spp. et Pneumocystis jirovecii. De plus, ils préconisent des ajustements dans la priorisation en fonction de considérations régionales. Par exemple, Coccidioides et Paracoccidioides spp.. devraient être considérés comme des agents pathogènes hautement prioritaires dans les Amériques, tandis que Mucorales pourrait justifier une priorité critique en Asie du Sud-Est et en Méditerranée orientale. Histoplasma spp.. devraient également bénéficier d’une plus grande priorité dans les Amériques et en Afrique. En outre, Talaromyces marneffei devrait bénéficier d’une priorité plus élevée dans les régions de l’Asie du Sud-Est et du Pacifique occidental. Les agents pathogènes dont la charge de morbidité est moindre peuvent être placés dans le groupe de priorité moyenne.
Conclusion
Le FPPL est une initiative mondiale louable mais manque de personnalisation en fonction des régions géographiques, négligeant potentiellement la véritable menace posée par certains agents pathogènes fongiques dans des zones spécifiques. Les efforts visant à relever ces défis sont cruciaux pour améliorer la sensibilisation mondiale, la recherche et, à terme, le contrôle des infections fongiques.