La première question que je me pose en tant que rééducateur lorsqu’on me confie un enfant présentant un accident vasculaire cérébral (AVC) ayant entrainé une pathologie neurologique (par exemple un syndrome pyramidal) :
- S’agit-il d’une atteinte récente (par exemple 3 semaines après un accident vasculaire cérébral) ?
- Ou au contraire d’une atteinte ancienne (par exemple 3 ans après un accident vasculaire cérébral) ?
Dans les atteintes récentes, les progrès neurologiques sont parfois étonnants, les symptômes diminuent d’intensité et même parfois disparaissent de semaine en semaine, quelle que soit la technique de rééducation utilisée.
C’est probablement à ce stade que la plasticité cérébrale est la plus efficace. De plus, d’autres éléments positifs interviennent, par exemple :
- La diminution de l’œdème péri-lésionnel.
- La levée de la sidération de certains neurones qui ne sont pas détruits par la lésion mais qui sont provisoirement « inhibés ».
Dans ces cas favorables, même les techniques les plus farfelues donnent de bons résultats, à condition de ne pas empêcher les gestes fonctionnels ou ludiques spontanés des membres pathologiques.
Nous avons été parmi les pionniers à préconiser la marche comme moyen de rééducation efficace à une époque où il était courant d’interdire aux patients de marcher.
Voir la vidéo (datant de 1991) intitulée : « Hémiplégie : rééducation par la marche. »
Actuellement, l’HAS recommande de faire marcher le patient le plus rapidement possible après l’AVC et de continuer cet entrainement à toutes les phases dès la prise en charge.
Il s’agit d’une recommandation de grade B : http://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2012-11/11irp01_synt_avc_methodes_de_reeducation.pdf
Nous avons mis au point des protocoles de rééducation de la marche qui sont simples et d’une efficacité étonnante. La sensibilité de ces programmes est telle que les petits progrès du patient si importants pour son moral et sa motivation sont valorisés et enregistrés à chaque séance de rééducation.
Inversement dans les atteintes neurologiques anciennes, la récupération neurologique vraie est terminée, il s’agit d’une affection chronique.
Il faut être clair avec tous les intervenants, y compris le patient et sa famille. Si, à ce stade, il persiste encore des symptômes neurologiques gênant la motricité, la rééducation ne peut pas les guérir, comme le prétend Doman G. dans son livre tristement célèbre « Les guérir est un devoir ». Éditions de l’Épi. Paris 1980.
Il existe un grand nombre de charlatans et d’exploitent la crédulité humaine, de marchands d’espoir.
Cette idée de guérison est très rependue parmi les patients, leur famille et même chez certains professionnels de santé.
Elle retarde l’acceptation du handicap, le travail de deuil nécessaire dans ce type de pathologie et la réadaptation de ces patients. Les oriente vers des techniques parallèles douteuses et couteuses sans efficacité réelle.
Contrairement aux idées répandues par Doman, ses disciples et ses imitateurs, la plasticité cérébrale ne peut pas tout, elle ne peut pas guérir le patient qui présente des séquelles malheureusement définitives lorsque des symptômes neurologiques persistent toujours à ce stade.
Cependant, le patient peut progresser à l’intérieur de son handicap.
Il restera handicapé, mais il peut faire des progrès en exploitant ses possibilités résiduelles.
La rééducation à ce stade a parfois été décrite comme « l’art d’accommoder les restes » (Francis LAURENT).
La prise en charge bien comprise de ces patients permet des progrès fonctionnels, ludiques, artistiques et sportifs surprenants qui ne leur permettent pas de guérir mais qui augmentent leur champ d’action.
Sommaire
Particularités des syndromes pyramidaux chroniques de l’enfant
Les troubles orthopédiques s’aggravent avec la croissance
En effet, chez ces enfants, l’os grandit plus vite que le muscle. Ce phénomène (bien étudié par TARDIEU et collaborateurs) est responsable d’une diminution des amplitudes.
En particulier, les muscles polyarticulaires sont de plus en plus gênants, avec un corps musculaire petit et des tendons trop longs.
Exemples :
- L’aggravation, avec la croissance, des déformations du pied en varus équin avec griffe des orteils.
- L’allongement du tendon patellaire (anciennement tendon rotulien). De ce fait, la rotule se retrouve au-dessus de la trochlée. Le quadriceps est trop petit. Même lorsque ses fibres musculaires se contractent de manière maximale, le genou ne peut réaliser une extension totale : il y a un « angle mort ». L’opération chirurgicale consistant à raccourcir le tendon patellaire a pour but de retrouver une extension plus complète.
- L’ouverture de la main qui ne peut se faire que lorsque le poignet est en hyperflexion, etc.
Heureusement, grâce à la prise en charge multidisciplinaire à long terme de ces patients associant étirements, toxine botulinique, appareillage et éventuellement chirurgie, on peut minimiser les conséquences de ces troubles orthopédiques.
Le retard lié à de multiples interventions chirurgicales
A cause de ces troubles « neuro-orthopédiques », ces enfants subissaient autrefois de multiples interventions chirurgicales plus ou moins traumatisantes.
Or, l’expérience a montré qu’il faut environ un an pour que ces enfants retrouvent l’indépendance qu’ils avaient avant leur intervention chirurgicale.
De ce fait, si on les opère chaque année, on perd le bénéfice de l’intervention et la progression est quasiment nulle.
Pour éviter ce problème, les chirurgiens ont mis en place des interventions multi-sites.
Plusieurs chirurgiens opèrent en même temps différentes articulations, ce qui permet de diminuer le nombre d’anesthésies, et le nombre d’opérations.
Cependant, il ne faudrait pas multiplier les interventions multi-sites au point qu’elles deviennent aussi fréquentes que les « petites » interventions d’autrefois. En effet, le traumatisme chirurgical serait encore pire car une intervention multi-sites est plus invasive qu’une intervention normale…
L’évolution psychomotrice de l’enfant
Le développement au cours de la croissance de son intelligence, de sa volonté, de sa coordination, etc… lui permet également de faire des progrès et d’apprendre de nouvelles habiletés motrices.
Par exemple, il pourra si les séquelles ne sont pas trop importantes et les interventions chirurgicales pas trop fréquentes :
- Apprendre à nager, à faire de l’équitation ou une autre activité physique adaptée, à utiliser un ordinateur, à manier un fauteuil électrique ou un appareillage en toute sécurité (si ces aides sont indiquées)…
- Suivre une scolarité
Les motivations de l’enfant pour la rééducation ne sont pas les mêmes que celles de l’adolescent ou de l’adulte
Avant 6 ans environ, la participation de l’enfant ne peut être vraiment efficace qu’à travers le jeu.
Il faut utiliser « la commande indirecte », par exemple : ne pas demander de marcher, mais plutôt d’aller promener la poupée dans un déambulateur aménagé en landau, etc…
A partir de 6 ans environ le jeune patient peut également effectuer un véritable travail comme un adulte pendant un temps limité. Cependant, les activités ludiques et sportives restent indispensables.
Par exemple, on peut utiliser les jeux de ballon qui restent une valeur sure de la motivation ludique de l’enfant et de l’adolescent.
Ils permettent de travailler :
- L’équilibre assis, debout, à la marche et même à la course pour les enfants ayant bien récupéré
- La coordination oculo-manuelle (attraper, lancer, jongler…), oculo-pédestre (shooter, dribler, passer…)
- Et également de lutter contre le déconditionnement à l’effort aérobie
Les jeux utilisant la réalité virtuelle sont également très appréciés des grands enfants et adolescents. Ils peuvent être utilisés comme moyens de rééducation. Leur efficacité a été démontrée par de nombreux travaux et publications.
On trouve des applications vraiment motivantes comme le volley-ball virtuel, les jeux de raquette virtuelle, le bowling, la boxe virtuelle, etc…
Notion de paramètre de contrôle lors de la rééducation de la marche :
Cette notion avait été prévue par la théorie de l’auto-organisation des mouvements depuis de nombreuses années, mais elle n’avait fait jamais l’objet de recherches au niveau de la rééducation de la marche.
Cette « loi » stipule que « lorsqu’on agit sur un paramètre de contrôle, on modifie l’ensemble du système »
Le paramètre de contrôle a été identifié pour la marche des patients de neurologie.
En début de progression, c’est-à-dire chez les patients dont le périmètre de marche est inférieur à 500 mètres et/ou durée de la déambulation inférieure à 30 minutes sans aucun arrêt pour se reposer.
Le périmètre de marche avec ou sans aide technique (déambulateur, canne tripode, canne simple, releveur, etc…) se comporte comme le véritable paramètre de contrôle de la performance.
Ce qui signifie que lorsqu’on augmente le périmètre de marche, d’autres paramètres importants s’améliorent simultanément et automatiquement :
- Le coût énergétique de la marche diminue
- La demande attentionnelle diminue
- Les paramètres spatiaux et temporels de la marche s’améliorent
- De ce fait, l’équilibre locomoteur est meilleur
Le rééducateur doit éviter de toucher le patient pour ne pas nuire à l’auto-organisation des mouvements, mais il lui fournit les aides techniques adaptées à son cas particulier (déambulateur, cannes, appareillage…).
Il assure aussi sa sécurité en le rattrapant en cas de perte d’équilibre incontrôlée. Le patient peut prendre son temps, l’essentiel à ce stade étant de ne pas perdre l’équilibre.
En résumé :
- La quantité de pratique améliore la qualité gestuelle par auto-organisation des mouvements du patient
- Les conseils et les corrections de la marche sont souvent inutiles, voir contre-productifs
Le protocole de rééducation que nous proposons et qui intègre toutes ces notions est d’une sensibilité et d’une traçabilité inégalée par rapport à tous les autres bilans existants. Il permet de valoriser les petits progrès du patient à chaque séance de rééducation.
Il s’agit du « RQPMAT » : Protocole de « Rééducation Quantifiée du Périmètre de Marche Avec Traçabilité »
Par exemple, lorsque le périmètre de marche passe de 350 mètres à 351 mètres. Ces petits progrès sont très importants pour la motivation du patient et ils lui permettent de se fixer un objectif pour la séance de rééducation suivante. Dans notre exemple, il faudra faire plus de 351 mètres !
Tous ces progrès s’affichent automatiquement sur un graphique si l’on reporte les performances sur la fiche de suivi informatique de ce protocole que l’on peut télécharger gratuitement sur Internet : http://reeducationtransmissiondessavoirs.hautetfort.com/archive/2013/01/09/rqpmat-protocole-de-reeducation-quantifiee-du-perimetre-de-m.html.
En fin de progression
Lorsque le périmètre de marche est supérieur à 500 mètres, ou que le patient devient capable de marcher plus de 30 minutes sans pause : La vitesse de marche devient le nouveau paramètre de contrôle.
Pour des raisons de planning et de gestion des horaires, le rééducateur ne peut consacrer plus de 30 minutes à la rééducation régulière de la marche. C’est une chance puisque la Fédération Française de Cardiologie recommande 30 minutes d’activité aérobie par jour.
De ce fait, le fameux test des 6 minutes de marche chronométrée n’est pas suffisant pour lutter efficacement contre le déconditionnement à l’effort aérobie que présente la majorité de ces patients.
Il en résulte que pour pouvoir encore progresser à ce stade grâce à l’auto-organisation des mouvements, il faut un autre protocole permettant :
- D’utiliser le nouveau « paramètre de contrôle » en calculant la vitesse de marche de manière très précise
- Et de lutter contre le déconditionnement à l’effort aérobie en utilisant un temps de marche d’au moins 20 minutes et si possible de 30 minutes
Il s’agit du protocole RQM (Rééducation Quantifiée de la Marche) qui est, lui aussi, disponible gratuitement sur Internet : http://reeducationtransmissiondessavoirs.hautetfort.com/archive/2012/02/14/reeducation-quantifiee-de-la-marche-rqm.html.
L’entrainement sur tapis de marche avec harnais de suspension permet
- Au patient de travailler en toute sécurité
- Et au rééducateur de gagner du temps, puisque pendant que le patient marche avec un harnais, le rééducateur peut effectuer d’autres tâches, tout en le surveillant et en l’encourageant de temps en temps. Il doit en particulier lui faire prendre conscience de la progression en exploitant la Connaissance des Résultats (CR).
Par exemple : hier vous avez marché 450 mètres, aujourd’hui vous êtes déjà à 400 mètres et il faut continuer pour dépasser votre record précédent. Je noterai cette nouvelle performance dans votre dossier.
Quelle suspension ?
Moins la suspension est importante et plus l’activité du patient se rapproche des conditions réelles de marche.
L’idéal étant d’avoir une suspension nulle. Le harnais joue alors un simple rôle de sécurité en cas de chute, comme pour les sportifs qui pratiquent l’escalade. Ils sont encordés avec un harnais de sécurité, mais ils essaient au maximum d’éviter la chute et donc l’utilisation du harnais.
Quand retirer le harnais ?
Les spécialistes de l’apprentissage moteur déconseillent toute aide manuelle ou mécanique lors de l’apprentissage d’une nouvelle activité, car cela fausse les informations proprioceptives ressenties par le patient et lui donne un sentiment de sécurité et de facilité très artificiel.
De ce fait, le harnais doit être retiré dès que le risque de chute incontrôlée sur le tapis disparait.
Grâce à la connaissance des réactions du patient, le rééducateur est la personne la plus compétente pour juger de ce moment crucial. Il devra tout de même veiller à ce que le patient ait une maitrise parfaite de ce qu’il faut faire s’il désire s’arrêter. En général, un gros bouton rouge est à la portée du patient sur lequel il lui suffit d’appuyer.
Des techniques comme le Lokomat ou le Gait Trainer devraient être réservés au début de progression quand le patient n’arrive pas à avancer seul.
En effet, plus la machine aide le patient, plus l’activité est passive, ce qui est peu favorable à l’apprentissage.
Inversement, moins la machine aide le patient et plus il a d’activité propre. Ce qui est plus favorable à l’apprentissage et à la progression.
Les spécialistes de l’apprentissage moteur nous apprennent que toute aide manuelle (du rééducateur) ou mécanique (par appareil comme le Lokomat ou autre) nuit à l’auto-organisation des mouvements.
Rééducation sur un simple tapis de marche sans suspension ni aide manuelle du rééducateur
Après le stade initial, et dès que possible il vaut mieux ne pas aider le patient ni avec un appareil sophistiqué comme le Lokomat, ni manuellement. Si on utilise un tapis de marche, il vaut mieux utiliser un tapis normal pour travailler l’équilibre locomoteur de manière plus active et plus autonome.
A ce stade de fin de progression
En ce qui concerne l’équilibre locomoteur, la marche très lente sur un tapis de marche en se tenantaux poignées est comparable à la marche avec déambulateur.
La véritable difficulté vient de la régularité de la vitesse du tapis de marche qui rend l’exercice plus difficile.
La marche sur le tapis sans se tenir est beaucoup plus difficile, même à vitesse lente. Elle correspond à la marche sans canne et présente même une difficulté supplémentaire car la régularité de la vitesse du tapis de marche est telle qu’il s’agit vraiment d’un exercice de fin de progression.
Résumé de la progression de la rééducation sur le tapis de marche
- Dans un premier temps, marche avec appui des deux mains (ou de la seule main valide si le membre supérieur hémiplégique est trop atteint pour être utilisé). On augmente progressivement la durée de la marche sur tapis. But : marcher lentement, sans se presser et sans perdre l’équilibre de plus en plus longtemps et jusqu’à 30 minutes sans pause
- Dans un deuxième temps, on augmente la vitesse de marche
- Dans un troisième temps, on diminue l’appui des mains : par exemple, la main est simplement posée sur l’appui
- Quatrième temps : sans appui des mains. Passer à cette étape nécessite une diminution provisoire de la vitesse
- Augmenter progressivement la vitesse en gardant comme objectif : 30 minutes de marche sans interruption et sans perdre l’équilibre
Tous ces paramètres (qui sont affichés sur le tableau de bord du tapis de marche) seront notés sur la fiche du patient pour effectuer une progression et donner au patient une Connaissance de ses Résultats (CR).
On peut une nouvelle fois utiliser la fiche RQM pour conserver ces résultats de manière pratique et pédagogique grâce aux graphiques qui illustrent les moindres petits progrès et donc augmentent la motivation du patient.
Merci aux auteurs de cet article : Roland SULTANA (Kinésithérapeute Cadre de Santé) et Gilbert HEURLEY (Médecin MPR)
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