La chirurgie plastique dans un but purement esthétique est-elle légitime pour les enfants et/ou les adolescents ?
Sommaire
Introduction
La frontière entre la chirurgie réparatrice et la chirurgie esthétique est parfois très floue même s’il est classique de définir la chirurgie esthétique comme une chirurgie destinée à améliorer une apparence a priori d’emblée normale. Cette définition brève se heurte à la question de la normalité dont nous savons qu’elle est relative en matière d’apparence. Les effets favorables de la chirurgie esthétique ont été bien compris par les patients qui la demandent et les praticiens qui la réalisent. D’ailleurs, plusieurs études déjà anciennes ont bien montré la corrélation entre l’amélioration de l’estime de soi (self-esteem), de la qualité de vie, de l’image corporelle et la réalisation d’une chirurgie esthétique.
Néanmoins chez les patients jeunes ou très jeunes dont le développement physique et psychique n’est pas achevé, elle doit être réalisée avec beaucoup de précaution. Aux États-Unis, même si les patients de moins de 18 ans ne représentent que 2 % des interventions à visée esthétique, les recommandations de prudence pour la prise en charge de ces patients sont largement diffusées. Le docteur Gabrielle Caswell, présidente de « the cosmetic physicians society of Australia » considère également que la chirurgie esthétique doit être strictement réservée aux adolescents ayant un grand retentissement physique ou psychologique.
Pourtant le recours à la chirurgie esthétique, notamment chez l’adolescent, semble augmenter même si les données ne sont pas disponibles dans tous les pays. Aux États-Unis, 14 000 gestes à visée esthétique (interventions chirurgicales et procédés micro-invasifs tels que la dermabrasion, la toxine botulique, le peeling chimique ou le laser épilatoire) étaient réalisés chez des adolescents en 1996 et 203 000 en 2009 dont 33 600 interventions chirurgicales. En 2012, le nombre d’actes de chirurgie esthétique atteignait 63 623 chez des personnes de moins de 19 ans. Si les chiffres semblent augmenter considérablement, ils doivent cependant être mis en perspective avec l’augmentation globale de la demande de chirurgie esthétique chez les adultes reflétant une évolution sociétale globale. Dans un éditorial de 2005, Rohrich attirait déjà l’attention sur le danger de l’interprétation trop rapide des chiffres. Il indiquait notamment la diminution de la pose d’implant mammaire chez les adolescentes de 2003 à 2004.
Chez le jeune enfant, les parents seront le plus souvent les décideurs au terme des consultations successives mais il faut garder à l’esprit que le patient, aussi jeune soit-il, demeure maître de son corps. Chez l’adolescent, il est coutume de retenir que celui-ci réfléchit comme un adulte mais agit comme un enfant. Ainsi est-il sage de préconiser une grande prudence avant de retenir une indication opératoire de chirurgie esthétique chez le patient de moins de 18 ans et nous proposons de développer plusieurs thèmes sur ce sujet.
La demande des patients
Lors de la consultation, le praticien doit conduire le patient à préciser le plus clairement possible les motifs de sa demande de chirurgie esthétique. Ces motifs peuvent être simples ou multiples mais sont le plus souvent intriqués. Chez de jeunes enfants, ces motifs sont généralement exprimés par les parents et non pas par le patient lui-même, ce qui peut biaiser l’entretien. La demande n’est donc pas toujours facile à cerner. Pour ces patients avant l’adolescence, l’utilisation de l’art thérapie, par le biais d’outil tel que le dessin, peut être une aide mais impose une formation particulière à ces outils. Chez les plus grands, en complément de la consultation, un entretien plus classique avec une psychologue peut aider à cette verbalisation. Parfois ce sont des difficultés scolaires ou d’intégration sociale qui conduisent les parents à solliciter un rendez-vous. Dans tous les cas, et tels que le mentionnent les critères américains, la demande doit être claire et répétitive avant d’accepter de réaliser un geste chirurgical. Dans notre pratique médicale, les motifs suivants ont été rencontrés.
Être plus beau ou belle
Ce motif est particulièrement délicat à cerner car le concept de beauté est défini par des critères que l’on peut qualifier d’introuvables. Les Grecs ont été les premiers en occident à se soucier spécifiquement de la beauté en cherchant à en définir les critères. Dans l’antiquité, la beauté était étroitement liée à l’ordre fondé sur la mesure et la proportion. Cette théorie antique des proportions idéales est ensuite réactivée à la renaissance, en particulier en Italie. Ainsi, Leonard de Vinci a largement étudié le corps humain à l’aide d’outils mathématiques en utilisant, par exemple, le compas définissant ainsi un idéal anthropométrique. Albrecht Dürer s’est éloigné de cet archétype unique et a tenté de définir « un éventail beaucoup plus large de types physiques caractéristiques qui puissent s’échapper de la laideur ». Si les canons de la beauté ont varié avec les époques, il existe néanmoins une constante qui réside dans l’attrait et le consensus pour la symétrie. Celle-ci selon la théorie de Darwin serait perçue comme signe de vigueur et de bonne santé et par déduction intuitive de bon patrimoine génétique. Cependant, il est impensable d’extraire l’idée de beauté de tout contexte temporel et social. De plus, les canons de beauté comme les modes émanent généralement des classes privilégiées. Par exemple, le teint pâle était de mise en Europe car témoignait ainsi de l’éloignement de l’aristocratie, des activités extérieures des classes modestes. Aujourd’hui au contraire le teint hâlé est le reflet de la capacité à s’exposer au soleil pendant le temps de repos et de vacances. Chez la femme, la silhouette ronde et pulpeuse a été la référence de la bourgeoisie opulente avant la période de l’amincissement jusqu’à la garçonne des années 20, préfigurant la mode unisexe et l’éclectisme contemporain. Néanmoins les rondeurs sont volontiers valorisées dans les sociétés sous-alimentées alors qu’elles suscitent railleries voire rejet dans les sociétés d’abondance. L’influence de la beauté physique sur le développement de l’enfant est bien connue depuis ce concept développé dans les années 70 qui suppose que « ce qui est beau est bon ». À l’inverse, le laid serait mauvais et devrait être puni. Les avantages à être beau sont incontestables et ce principe est bien perçu par les jeunes patients et notamment les adolescents qui naturellement peuvent ainsi devenir demandeurs de chirurgie à visée d’embellissement.
Être réparé et que « cela ne se voit plus »
Ce motif concerne plutôt la chirurgie de séquelles de malformations telle que les fentes faciales ou de traumatisme. Cependant la frontière entre ces deux domaines demeure assez imprécise. Prenons l’exemple d’un patient suivi pour une fente labio-narinaire et maxillaire. À la fin du traitement primaire comportant la fermeture de la lèvre, du palais et de la gencive, il est fréquent que le patient demande une rhinoplastie pour changer la forme de la pyramide nasale. Lorsqu’il existe un authentique trouble de ventilation, elle est alors qualifiée de chirurgie fonctionnelle. À l’inverse, lorsqu’il n’y a aucun trouble fonctionnel ou que la demande concerne un aspect du nez qui n’a pas toujours de rapport direct avec la fente, par exemple une bosse de l’arête nasale, la rhinoplastie est alors plutôt considérée comme morphologique. Le plus souvent les demandes sont intriquées à la fois fonctionnelle et esthétique et visent à supprimer les stigmates de l’anomalie d’origine et/ou du traumatisme. C’est la quête de la restitution ad integrum souvent alimentée par la blessure narcissique et le poids de la culpabilité des parents, en particulier en cas de malformation congénitale.
Se sentir mieux dans sa peau
Chez les adolescents consultants pour une éventuelle chirurgie esthétique, Larson et Gosain distinguent deux types de motivations, externes et internes. Les premières traduisent la recherche de l’approbation des autres (« je serai plus apprécié, je plairai davantage ») alors que les motivations internes seraient davantage liées à un désir profond d’amélioration de l’image corporelle (« j’aurai plus confiance en moi »). À vrai dire, il nous semble que ces deux profils peuvent être intriqués. Ainsi, lorsque le patient améliore sa confiance en soi, il aura probablement plus de facilité dans la régulation de ses interactions sociales.
Être normal et être comme les autres
Pour l’adolescent et même chez le plus jeune enfant, la norme permet d’être accepté par le groupe ou du moins de ne pas être rejeté. Ainsi, nous observons volontiers une différence entre les aspirations des adultes qui cherchent à être plus beau, « plus compétitif », alors que les adolescents chercheront surtout à se fondre dans le groupe en adhérant aux standards proposés par celui-ci. Ainsi, les objectifs poursuivis par les adolescents qui ont recours à la chirurgie esthétique sont différents de ceux des adultes. Ces derniers cherchent à être mieux dans leur peau alors que les adolescents cherchent à ressembler davantage à leur pairs afin d’être intégrés dans le groupe social caractéristique de l’adolescent. Ils ont parfois, dans certains groupes, une image erronée de leurs pairs et de la normalité, influencée par l’image au sens large (jeux vidéo, animations, films voire pornographie). Ils tentent alors, en groupe, de ressembler à cette image déconnectée de la réalité.
Ressembler à quelqu’un
Chez l’enfant, le processus de construction de l’image corporelle débute très tôt. Le rôle des parents et de l’entourage immédiat est évidemment essentiel. Mais les images véhiculées par la société ont également un impact fort à travers les jeux, les représentations proposées à l’image des poupées par exemple, les personnages des livres et films destinés aux enfants. Le rôle des médias est incontestablement très fort, en particulier grâce à l’accès Internet généralisé qui diffuse largement images et informations sans tri ni filtre auprès d’une population souvent avide de spectaculaire. La consultation avec le spécialiste est ainsi souvent d’emblée parasitée, ou du moins biaisée par l’accès à des informations parfois cohérentes mais par ailleurs mal présentées, mal comprises ou, pire, fausses et tronquées.
De plus, le rapport au média a sensiblement modifié la perception des patients de ce qui serait un idéal de beauté, modifiant de fait les attentes vis-à-vis de la chirurgie esthétique. Ainsi certains jeunes patients peuvent chercher à être plus proche, voir plus ressemblant d’une personnalité admirée. Ainsi Maltby et Day ont montré que les personnes vénérant une célébrité, une star, ont davantage recours à la chirurgie esthétique que ceux n’ayant pas ce fonctionnement de culte de la personnalité.
Les gestes demandés
Malheureusement, nous ne disposons pas de données françaises concernant le nombre et le type de geste de chirurgie esthétique réalisés sur des patients de moins de 18 ans. Aux États-Unis en 2013, selon les données de l’American Society of Plastic Surgery, 63 623 gestes de chirurgie esthétique ont été réalisés chez des adolescents de 13 à 19 ans et 155 941 procédures esthétiques qualifiées de mini-invasives. La rhinoplastie représentait près de 50 % des gestes esthétiques avec 30 672 interventions. La cure d’oreilles décollées (qui peut aussi être réalisées chez des enfants plus jeunes que 13 ans) représentait 10,7 % des gestes avec 6871 interventions. La chirurgie mammaire est également un domaine largement concerné chez la jeune fille (8234 poses de prothèses mammaires chez des patientes de 18 à 19 ans, 4600 réductions mammaire chez des patientes de 13 à 19 ans). Le garçon est également concerné par la chirurgie mammaire avec 5866 cures de gynécomastie.
La place des parents
Les obligations légales
Comme pour tout geste opératoire et a fortiori parce qu’il s’agit de patients mineurs, les obligations légales doivent être scrupuleusement respectées. Le consentement éclairé, le document d’autorisation d’opérer une personne mineure et le devis doivent être signés par les parents. En cas de prise de photographies, il est utile de demander la signature d’un document cédant les droits à l’image. En outre, si les photos sont utilisées pour une publication ou une communication, le respect du secret médical et la confidentialité doivent être respectés. Ces contraintes légales ne doivent pas nous faire oublier que le patient, même mineur, est maître de son corps et apte à donner son avis sur le geste proposé voire de le refuser. Le chirurgien doit avant tout répondre au souhait du patient et non au désir éventuel d’« enfant parfait » des parents.
La consultation parfois plus difficile en présence des parents
Lors de l’interrogatoire, il est essentiel de cerner qui est le vrai demandeur de la consultation : le jeune patient ou ses parents ? Par exemple, certains parents consultent pour une cure d’oreilles décollées alors que l’enfant lui-même ne souhaitent pas vraiment ce geste, a peur de sa réalisation ou des douleurs et contraintes postopératoires. Cette demande résulte de la confrontation de l’enfant rêvé et de l’enfant réel. Il est prudent et nécessaire de ne répondre qu’aux demandes de l’enfant lui-même.
Au moment de l’adolescence, l’entretien et l’examen peuvent être perturbés par d’éventuels conflits et difficultés de communication parents/enfant propres à cette période de leur évolution. Parfois des conflits entre les parents compliquent encore la situation. Dans ces cas l’intervention d’une psychologue peut être une aide utile. Enfin l’examen physique dénudé est parfois délicat en présence des parents, par exemple, pour l’examen des seins d’une jeune fille accompagnée en consultation par son père. Cependant pour des raisons légales et de bons sens, il est conseillé d’éviter d’examiner seul et sans témoin un ou une adolescente en particulier lorsque l’examen impose de dévoiler des zones anatomique perçues comme intimes.
Les parents peuvent aussi être une aide
Parfois ce sont les parents qui tentent d’exprimer le vécu de l’enfant qui, lui, reste mutique, évoquant les difficultés en milieu scolaire où l’enfant peut être l’objet de discrimination ou de moqueries du fait d’une particularité anatomique.
Les parents sont également d’importants relais des questions pratiques et organisationnelles. Ainsi, ils sont habituellement attentifs à l’information qui est donnée à propos de risques et des contraintes de la chirurgie. Ceci contribue à aider le jeune patient à rester dans le principe de réalité. Cette approche est parfois difficile car la stabilité émotionnelle n’est pas toujours acquise et la maturité insuffisante. L’adolescent a parfois tendance à vouloir « tout et tout de suite et sans contrainte ». Par exemple, les parents peuvent aider une adolescente qui envisage une réduction mammaire à intégrer que cette chirurgie a des conséquences définitives telles que les cicatrices ou la réduction du volume ainsi que d’éventuelles conséquences aléatoires telle que les difficultés d’allaitement.
La chirurgie est-elle dangereuse ou délicate ?
Sur le plan strictement physique
Sur le plan strictement physique et disons technique, il n’y a, le plus souvent, pas de risque particulier si l’on excepte le problème de l’évolution inflammatoire des cicatrices. Les jeunes patients sont volontiers en bonne santé, sans antécédents particuliers et aptes à subir une anesthésie générale ou locale dans de bonnes conditions. Notamment les comorbidités fréquemment rencontrées chez l’adulte telle que le tabagisme chronique et ancien ou l’obésité sévère sont moins souvent rencontrées. Néanmoins les patients jeunes peuvent aussi présenter des comorbidités qu’il faut identifier en préopératoire. Ainsi, Soleimani et al. ont rapporté que les patientes de 12 à 20 ans opérées de réduction mammaires aux États-Unis présentaient au moins une comorbidité dans environ 30 % des cas. Il s’agissait de maladie pulmonaire chronique, de consommation de drogues, d’obésité, de désordres hydro-électrolytiques, ou d’anémie. Dans tous les cas la prise en charge doit être conforme aux bonnes pratiques afin de minimiser au maximum le risque de complications.
La chirurgie réalisée sur un être en croissance
La notion d’image corporelle est une notion assez ancienne particulièrement étudiée par Schilder qui a insisté sur la combinaison de la satisfaction globale de la qualité de vie de l’individu, l’image du corps et l’estime de soi. Définie comme la perception subjective que l’individu a de son propre corps, cette image est l’objet de changements considérables au moment de la puberté, période où le corps subit de grandes modifications. Néanmoins, Rauste-von Wright a montré que la satisfaction des adolescents vis-à-vis de leur image corporelle s’améliorait spontanément entre les âges de 11 à 18 ans sans chirurgie plastique. Il est donc prudent de bien évaluer la demande du patient et de la corréler à des critères cliniques objectifs lors de la consultation.
La chirurgie ne cible que des « problèmes chirurgicaux »
Distinguer « complexe » et « dépression »
Même si Rankin et al. ont rapporté chez la femme adulte une amélioration de la symptomatologie dépressive à 6 mois d’un geste de chirurgie esthétique, il est prudent de distinguer ce qu’en termes populaire nous nommons un complexe lié à une disgrâce réelle ou ressentie, d’une authentique dépression. Dans ce cas, une prise en charge adaptée est fortement recommandée et l’indication opératoire doit être mûrement pesée. La fragilité psychique a d’ailleurs été reportée chez les patientes ayant recours à une pose d’implant mammaire avec une incidence de tentative de suicide plus élevée que pour le reste de la population.
Dépister une pathologie psychiatrique sous-jacente
Si la chirurgie dite esthétique peut contribuer à améliorer l’estime de soi et la confiance en soi d’un jeune patient elle aura potentiellement un impact différent chez un individu souffrant d’une pathologie psychiatrique identifiée. S’il n’y a pas de contre-indication absolue, il est cependant nécessaire de prendre contact avec le psychiatre responsable de la prise en charge afin de coordonner les approches. De plus la gestion des thérapeutiques médicamenteuses si elles existent devra être prudente notamment afin d’éviter les interactions médicamenteuses, en particulier avec les molécules utilisées pour l’anesthésie générale. À l’inverse, dans notre expérience, la dysmorphophobie contre-indique la réalisation d’une chirurgie de ce type. La difficulté réside cependant dans l’établissement du diagnostic qui repose sur un faisceau d’arguments.
La demande de chirurgie peut être un appel pour un autre problème
Chez les jeunes patients, certaines demandes de chirurgie esthétique ou même réparatrice peuvent masquer une situation personnelle plus complexe. Nous avons par exemple eu le cas d’une jeune fille consultant pour une brûlure de la peau du sein qu’elle s’était infligée elle-même afin d’initier une prise en charge d’une authentique anomalie thoracique avec asymétrie mammaire sévère. Ailleurs une adolescente nous consultait pour une demande de nymphoplastie dans un contexte d’attouchement dans la petite enfance. Ces situations, certes assez rares ne doivent pas être méconnues et les obligations du professionnel de santé face à une éventuelle maltraitance doivent être respectées. Un contact avec l’assistante sociale du secteur de la famille permet parfois d’accéder à des informations complémentaires. Enfin, dans certains cas exceptionnels de maltraitance avérée le signalement auprès du juge des enfants est une nécessité.
Les précautions et points de difficultés
Avec la chirurgie
Problème de l’hypertrophie cicatricielle et de l’inflammation au moment de la puberté
Le jeune âge et la période pubertaire sont des facteurs de risque pour l’apparition de ces cicatrices hypertrophiques. En période de modification hormonale importante, les cicatrices sont volontiers plus rouges, épaisses et de maturation plus longue. Sur les seins, le T inversé de la réduction mammaire peut être très visible. Même après maturation, des séquelles de cicatrices hypertrophiques peuvent être observées avec notamment des cicatrices larges. L’âge n’est pas le seul facteur de risque et il est prudent de maîtriser les autres facteurs tels que la tension excessive sur la cicatrice, le tabagisme actif ou passif, la réaction à corps étrangers et l’infection de la plaie. L’éducation thérapeutique prend toute sa place dans ces situations et l’adhésion du jeune patient est nécessaire pour prévenir ces évolutions cicatricielles défavorables.
Se reconnaître et s’apprécier après le geste
Qu’il s’agisse d’adolescents, d’enfant ou d’adulte, les chirurgiens sont habitués à accompagner les patients en postopératoire, patients qui mettent souvent un certain temps à évaluer voire à apprécier le résultat du geste. Au départ, les stigmates du geste tels que les ecchymoses ou l’œdème sont encore présents et perturbent l’appréciation de la nouvelle apparence. La patience s’impose et le suivi est nécessaire pour accompagner cette période d’appropriation d’un nouveau corps modifié. Kamburoğlu et Ozgür ont montré qu’il existait une corrélation entre la satisfaction postopératoire et l’estime de soi, l’image corporelle et la qualité de vie globale chez des adolescents ayant réalisés une chirurgie esthétique.
Simis a comparé 184 adolescents et jeunes adultes de moins de 22 ans à un groupe témoin de 684 jeunes équivalents et a montré que les adolescents avaient une vision réaliste de leur corps et du défaut justifiant la chirurgie. Il a également montré que les patients ayant recours à la chirurgie plastique avaient une estime de soi plus faible que le groupe témoin du même âge. Sarwer a rapporté une amélioration de la perception que les patients adultes avaient de la zone concernée par l’intervention mais n’a pas retrouvé d’amélioration significative de l’image corporelle globale. À l’inverse, Zuckerman et Abraham ne retrouvent pas de preuve scientifique de l’amélioration de l’estime de soi à long terme après chirurgie esthétique du sein. Les données scientifiques sont donc contradictoires et les études insuffisantes pour conclure formellement.
Problème de la croissance non achevée
Les interventions réalisées sur un corps en croissance peuvent avoir un impact sur la croissance. Cette notion est bien connue des chirurgiens prenant en charge les fentes faciales et les conduisent à modifier leur choix stratégiques. En effet, les cicatrices palatines entravent la croissance du maxillaire. La prudence s’impose donc lorsqu’il s’agit d’un geste dit facultatif comme un geste à visée esthétique. Pour certains gestes, il est préférable de différer la date opératoire même si l’enfant consulte très jeune. Par exemple la cure d’oreilles décollées est proposée après l’âge de 7 ans, lorsque le pavillon aura achevé la majeure partie de sa croissance.
Pour la chirurgie de la silhouette, la notion de variation pondérale est importante. En effet, le poids des jeunes femmes se modifie encore sensiblement entre 18 et 23 ans. De plus certaines anomalies observées telle qu’une discrète asymétrie mammaire peuvent dans certains se résoudre spontanément. Chez le garçon la gynécomastie péri-pubertaire est fréquente et peut également parfois régresser sans intervention. Dans d’autres cas une intervention chirurgicale est manifestement nécessaire.
Enfin, Simis et al. ont montré que l’estime de soi et les indices de qualité de vie chez l’adolescent s’améliorent spontanément au fil des années chez le patient même sans chirurgie.
Avec l’adolescent
Les jeunes patients ont volontiers des difficultés à accepter les contraintes pré, péri et postopératoires et encore plus de difficultés à admettre les risques de complications propres à chaque geste. Par exemple, en cas de réduction mammaire chez une adolescente, celle-ci doit intégrer la possibilité d’hématome précoce imposant une reprise opératoire même si la fréquence est faible, inférieure à 5 %.
Il est par ailleurs souvent difficile de gérer l’impatience qui caractérise l’adolescence. Le « tout et tout de suite » est souvent un leitmotiv incompatible avec la lenteur de la récupération après une intervention, la diminution progressive des oedèmes et la disparition des ecchymoses de la région opérée. De plus il est habituel d’observer comme chez l’adulte une confusion entre la plaie cicatrisée et fermée obtenue en trois semaines environ et l’évolution des cicatrices qui impose des mois de patience et de pétrissages locaux.
Avec les parents
Les parents sont habituellement plus conscients que leurs enfants du risque de complication. Cette crainte de la survenue d’une complication peut conduire à une réticence forte vis-à-vis d’un geste opératoire qui est possiblement considéré comme facultatif ou futile. Cependant dans certaines situations le chirurgien peut expliquer que la demande esthétique n’est pas forcément superflue et peut contribuer à une réelle amélioration physique et psychique du ou de la patiente.
Pour certains patients, la prise en charge chirurgicale peut permettre au praticien de suggérer un suivi psychologique et/ou psychiatrique même si cette démarche n’est pas toujours bien acceptée tant l’appellation « psychiatrique » est souvent confondue par les familles avec l’idée de déraison et de folie. Ailleurs, cette proposition peut être au contraire bien accueillie car elle émane d’un professionnel médical. En tous cas, c’est parfois une occasion à ne pas manquer. Un premier contact avec un thérapeute peut être initié lors de l’hospitalisation. Ailleurs, en particulier pour les plus jeunes, l’orientation vers la prise en charge dans un centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) est une solution mais les délais d’attente sont souvent très longs. Enfin, un contact avec la psychologue scolaire peut également être utile ou suggéré.
Lors de l’hospitalisation et pendant les consultations il est important et parfois délicat de faire comprendre aux parents la notion d’intimité et de pudeur. S’il est déconseillé d’examiner seul un jeune patient, il est aussi déconseillé de malmener la pudeur du patient lors de l’examen, les pansements, les suites. Cette question est particulièrement sensible lorsqu’il s’agit d’examiner des zones à connotation sexuelle telle que les seins ou la vulve en présence des parents, du sexe opposé ou du même sexe d’ailleurs.
Conclusion
La chirurgie esthétique peut être proposée à un ou une jeune patient ou adolescent mais avec prudence et dans tous les cas avec une analyse précise de la demande, un dépistage des pathologies associées notamment psychiatrique, une information adaptée, une prise en charge empathique et enfin le respect des règles de bonne pratique professionnelle. Dans ce contexte, La qualité des entretiens préopératoires et la bonne relation avec le chirurgien sont des points clés de la satisfaction du patient. Le colloque singulier de la consultation permet d’établir une relation de confiance. C’est également le moment d’insister sur le fait que la chirurgie est certes un art, somme toute assez proche de l’artisanat basé sur un bon « savoir-faire », mais qu’il ne s’agit en aucun cas de magie. Dans cet esprit, il n’existe pas de chirurgie sans cicatrice et la cicatrice est par essence définitive. Cette notion est parfois difficile à admettre par les patients et leur famille. La preuve par l’exemple peut être un outil utile, ainsi l’évocation du nombril, cicatrice inaugurale, sera bien comprise par les patients même très jeunes et par leur parents.
Si l’art chirurgical nécessite un réel savoir-faire, il ne donnera de bon résultat que si l’indication est bien posée. Tout n’est pas possible chez tout le monde et cette notion de bonne indication est également difficile à faire admettre à certains patients, surtout s’ils ont été bercés par l’idée répandue que « plus tard, ils auront de la chirurgie esthétique pour effacer la disgrâce ». Ce stéréotype très répandu ne facilite pas toujours le travail du chirurgien qui doit rectifier l’information et encore plus particulièrement lorsqu’il s’agit d’un jeune patient.
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