Les déplacements planifiés sont essentiels à notre vie quotidienne et nécessitent souvent une exécution différée. En tant qu’enfants, nous nous tenions accroupis et prêts mais attendions le cri de « GO! » avant de sprinter depuis la ligne de départ. En tant qu’adultes, nous attendons que le feu passe au vert avant de faire un virage. Dans les deux situations, le cerveau a planifié nos mouvements précis mais supprime leur exécution jusqu’à un signal spécifique (par exemple, le cri de « GO! » ou le feu vert). Maintenant, les scientifiques ont découvert le réseau cérébral qui transforme les plans en action en réponse à ce signal.
La découverte, publiée dans la revue scientifique Cellule, résulte d’une collaboration de scientifiques du Max Planck Florida Institute for Neuroscience, du HHMI’s Janelia Research Campus, de l’Allen Institute for Brain Science et d’autres. Dirigés par les co-premiers auteurs, le Dr Hidehiko Inagaki et le Dr Susu Chen, et l’auteur principal, le Dr Karel Svoboda, les scientifiques ont cherché à comprendre comment les signaux de notre environnement peuvent déclencher un mouvement planifié.
Le cerveau est comme un orchestre. Dans une symphonie, les instruments jouent divers airs avec des tempos et des timbres différents. L’ensemble de ces sons façonne une phrase musicale. De même, les neurones du cerveau sont actifs selon divers schémas et moments. L’ensemble des activités neuronales est à l’origine d’aspects spécifiques de notre comportement. »
Dr Hidehiko Inagaki, co-premier auteur, Max Planck Florida Institute for Neuroscience
Par exemple, le cortex moteur est une zone du cerveau qui contrôle le mouvement. Les modèles d’activité dans le cortex moteur sont radicalement différents entre les phases de planification et d’exécution du mouvement. La transition entre ces modèles est essentielle pour déclencher le mouvement. Pourtant, les zones cérébrales contrôlant cette transition étaient inconnues. « Il doit y avoir des zones cérébrales agissant comme conducteur », a décrit le Dr Inagaki. « Ces zones surveillent les signaux environnementaux et orchestrent les activités neuronales d’un schéma à l’autre. Le chef d’orchestre s’assure que les plans sont convertis en action au bon moment ».
Pour identifier le circuit neuronal qui sert de conducteur pour initier le mouvement planifié, l’équipe a simultanément enregistré l’activité de centaines de neurones pendant qu’une souris effectuait une tâche de mouvement déclenchée par un signal. Dans cette tâche, les souris ont été entraînées à lécher vers la droite si les moustaches étaient touchées ou vers la gauche si les moustaches n’étaient pas touchées. Si les animaux léchaient dans la bonne direction, ils recevaient une récompense. Cependant, il y avait un hic. Les animaux devaient retarder leur mouvement jusqu’à ce qu’un son, ou « go cue », soit joué. Seuls les mouvements corrects après le départ seraient récompensés. Par conséquent, les souris maintiennent un plan de la direction dans laquelle elles lècheront jusqu’au signal de départ et exécuteront ensuite le léchage prévu.
Les scientifiques ont ensuite corrélé les schémas d’activité neuronale complexes aux étapes pertinentes de la tâche comportementale. Les chercheurs ont découvert que l’activité cérébrale se produisait immédiatement après le signal de départ et pendant le passage entre la planification motrice et l’exécution. Cette activité cérébrale provient d’un circuit de neurones dans le mésencéphale, le thalamus et le cortex.
Pour tester si ce circuit agissait comme un conducteur, l’équipe a utilisé l’optogénétique. Cette approche a permis aux scientifiques d’activer ou d’inactiver ce circuit à l’aide de la lumière. L’activation de ce circuit pendant la phase de planification de la tâche comportementale a fait passer l’activité cérébrale de la souris de la planification motrice à l’exécution et a provoqué le léchage de la souris. D’un autre côté, éteindre le circuit pendant la lecture de la queue de go supprimait le mouvement marqué. Les souris sont restées dans une phase de planification motrice comme si elles n’avaient pas reçu le signal de départ.
Ce travail du Dr Inagaki et de ses collègues a identifié un circuit neuronal essentiel pour déclencher le mouvement en réponse aux signaux environnementaux. Le Dr Inagaki explique comment leurs découvertes démontrent des caractéristiques généralisables du contrôle comportemental. « Nous avons trouvé un circuit qui peut changer l’activité du cortex moteur de la planification motrice à l’exécution au moment approprié. Cela nous donne un aperçu de la façon dont le cerveau orchestre l’activité neuronale pour produire un comportement complexe. Les travaux futurs se concentreront sur la compréhension de la façon dont ce circuit et d’autres réorganisent l’activité neuronale dans de nombreuses régions du cerveau. »
Outre ces avancées fondamentales dans la compréhension du fonctionnement du cerveau, ces travaux ont des implications cliniques importantes. Dans les troubles moteurs, tels que la maladie de Parkinson, les patients éprouvent des difficultés dans les mouvements auto-initiés, y compris des difficultés à marcher. Cependant, l’ajout d’indices environnementaux pour déclencher des mouvements, tels que des lignes sur le sol ou des tonalités auditives, peut considérablement améliorer la mobilité d’un patient. Ce phénomène, connu sous le nom de kinésie paradoxale, suggère que différents mécanismes dans le cerveau sont recrutés pour les mouvements auto-initiés et les mouvements déclenchés par des signaux. Découvrir les réseaux cérébraux impliqués dans les mouvements déclenchés par des signaux, qui sont relativement épargnés dans la maladie de Parkinson, peut aider à optimiser le traitement.