Une équipe de chercheurs de l’Académie chinoise des sciences a découvert des preuves convaincantes d’un lien génétique entre le trouble bipolaire de type I (BD-I) et l’épilepsie, révolutionnant potentiellement notre compréhension de ces conditions neuropsychiatriques complexes. L'étude, publiée dans Psychiatrie Génomique le 30 septembre 2024, révèle des variantes génétiques partagées et une relation causale entre les deux troubles, ouvrant de nouvelles voies de recherche et de traitement.
Dirigée par le Dr Ming Li de l'Institut de zoologie de Kunming, l'étude a utilisé les données de l'étude d'association pangénomique (GWAS) provenant de populations européennes, comprenant plus de 26 000 cas d'épilepsie et 25 000 cas BD-I, ainsi que leurs contrôles respectifs. Les chercheurs ont utilisé des méthodes statistiques avancées pour découvrir les fondements génétiques partagés par ces conditions neurologiques apparemment distinctes.
Les principales conclusions de l’étude comprennent :
1. Une corrélation génétique positive significative (rg = 0,154) entre BD-I et épilepsie
2. Identification d'environ 1 300 variantes génétiques influençant les deux conditions
3. Découverte de six locus génomiques indépendants significativement liés au BD-I et à l'épilepsie
4. Un effet causal notable de l'épilepsie sur le BD-I (P = 0,0079)
Nos découvertes fournissent une nouvelle réflexion sur le lien entre l'épilepsie et le trouble bipolaire, qui s'aligne sur l'observation clinique selon laquelle les stabilisateurs de l'humeur sont efficaces dans le traitement des deux maladies.
Dr Ming Li, Institut de zoologie de Kunming
L’une des découvertes les plus intrigantes est le rôle du gène SP4, qui a montré de fortes associations avec le BD-I et l’épilepsie. La protéine SP4, modulée par l'activité neuronale, a été associée à la gestion des troubles de l'humeur grâce à sa stabilisation par le lithium, un stabilisateur d'humeur courant. Ce lien soulève une question importante : le gène SP4 pourrait-il être une cible clé pour développer des traitements plus efficaces contre le trouble bipolaire et l’épilepsie ?
Les implications de l'étude s'étendent au-delà de ces deux conditions. En démontrant des fondements génétiques communs, cela suggère que d’autres troubles neuropsychiatriques pourraient avoir plus en commun qu’on ne le pensait auparavant. Cela nous amène à une question intrigante : comment ce chevauchement génétique pourrait-il éclairer notre compréhension d’autres troubles cérébraux, tels que la schizophrénie ou les troubles du spectre autistique ?
En outre, la recherche met en évidence le potentiel des approches de médecine personnalisée. Comme le souligne le Dr Li, « la compréhension des fondements génétiques de ces troubles pourrait conduire à des traitements plus ciblés, basés sur le profil génétique d'un individu ». Cela soulève une autre question cruciale : comment pouvons-nous traduire ces connaissances génétiques en stratégies de traitement pratiques et personnalisées pour les patients atteints de BD-I ou d'épilepsie ?
L’étude met également en lumière la relation complexe entre la régulation de l’humeur et l’activité épileptique dans le cerveau. Compte tenu des facteurs génétiques communs, les chercheurs réfléchissent désormais : quels mécanismes neurobiologiques spécifiques relient l'instabilité de l'humeur dans le trouble bipolaire aux perturbations électriques observées dans l'épilepsie ?
Bien que les résultats soient révolutionnaires, les chercheurs reconnaissent leurs limites, notamment l’accent mis sur les populations européennes et le recours aux données publiques GWAS sans informations spécifiques au sexe. Cela ouvre des pistes pour de futures recherches : comment ces associations génétiques se manifestent-elles dans différents groupes ethniques, et existe-t-il des facteurs génétiques spécifiques au sexe en jeu dans le développement du BD-I et de l'épilepsie ?
À mesure que la communauté scientifique assimile ces découvertes, le potentiel d’une recherche collaborative en neurologie et en psychiatrie devient évident. Cette étude pourrait-elle catalyser une nouvelle ère de recherche interdisciplinaire visant à comprendre et à traiter des troubles cérébraux complexes ?