Le nombre de personnes décidant d’aller se faire soigner ou subir diverses interventions à l’étranger est en constante augmentation. Ce phénomène est observable à l’échelle du globe et pose d’innombrables questions, notamment d’ordre éthique et économique. Une chose est certaine : le tourisme médical explose et les risques de la chirurgie esthétique aussi !
Sommaire
Un phénomène qui s’amplifie
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon les analyses du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP ou plus communément France Stratégie), le nombre des patients français qui se rendent à l’étranger afin de recevoir des soins médicaux serait passé de 7,5 millions en 2007 à 16 millions en 2012 !
D’après le Collectif Inter-Associatif sur la Santé (CISS), environ 2% de nos concitoyens auraient déjà séjourné hors de France pour s’adonner à la pratique du tourisme médical.
Les soins dentaires sont les plus plébiscités et nombreux sont les ressortissants français à franchir les frontières pour se rendre dans des établissements hongrois, roumains et espagnols, qui se sont spécialisés sur ce créneau.
La chirurgie esthétique, opération non moins risquée que sur le sol hexagonal, bien au contraire, arrive juste derrière, avec les soins ophtalmologiques. La Tunisie et la Turquie sont les territoires les plus prisés pour ces deux pratiques.
Chirurgie esthétique : les risques de se rendre à l’étranger
Les causes de cette situation sont multiples, au premier rang desquelles le coût. Il est vrai que la chirurgie esthétique est un acte cher, qui n’est pas pris en charge par la Sécurité sociale, ni les mutuelles de santé, en dehors des prescriptions à visée thérapeutique.
C’est pourquoi de plus en plus d’individus, freinés par des tarifs prohibitifs, choisissent l’étranger, où les prix sont bien plus attractifs. Mais attention ! Sous couvert de réaliser de substantielles économies, cette décision peut s’avérer dangereuse. Les risques de la chirurgie esthétique sont autant présents en Tunisie et ailleurs qu’en France. Le tourisme médical n’est pas la panacée pour tout le monde !
Sans compter que les dégâts provoqués par une chirurgie esthétique ratée peuvent être catastrophiques et sont parfois irréparables, les problèmes qui peuvent survenir sont de deux ordres :
- pour une opération à moindre frais, la prise en charge du patient est mineure et les clients sont très vite renvoyés chez eux, trop vite même. Rentabilité oblige, la période de repos post-opératoire n’est dans la plupart des cas jamais respectée et met la santé des patients en grand danger ;
- en cas de problème (médical ou administratif – assurance), les recours juridiques sont très compliqués à faire aboutir. Les démarches doivent naturellement être effectuées dans le pays de séjour et non en France. Si le chirurgien n’est certifié par aucun ordre professionnel – ce qui est malheureusement courant – les chances de dédommagement sont nulles.
Risques de la chirurgie esthétique et du tourisme médical : l’effroyable exemple de Leigh Aiple
Outre une expérience totalement ratée, sachez encore que les risques de la chirurgie esthétique peuvent être bien plus importants et même dramatiques.
Leigh Aiple, un Australien de 31 ans, est récemment décédé après une opération de chirurgie esthétique ayant entraîné des complications.
En passant par une société néo-zélandaise spécialisée dans le tourisme médical, le jeune homme s’était rendu dans une clinique de Kuala Lumpur, en Malaisie, afin de subir diverses interventions : une abdominoplastie, une liposuccion et une blépharoplastie.
Quelques heures après avoir été opéré, Leigh Aiple se plaint de vertiges et de gonflements douloureux au niveau des jambes. Mais l’équipe médicale le renvoie chez lui, en Australie. À la descente de l’avion, souffrant de maux de ventre et présentant des plaies ouvertes, il est admis en urgence dans un service spécialisé mais décède malheureusement d’une embolie pulmonaire.
Outre les dangers du tourisme médical – la question des conditions d’hygiène et de sécurité prête ici matière à débat – le destin tragique de Leigh Aiple illustre de manière dramatique les risques réels de la chirurgie esthétique.
Le tourisme médical, un marché porteur
L’appât du gain
Le tourisme médical constitue un marché en plein développement, évalué aux alentours de 60 milliards d’euros à travers le monde.
La manne financière est donc considérable pour les établissements qui s’inscrivent dans le schéma de la mondialisation des soins, qui connaît une progression tendancielle remarquable : chaque année, les États-Unis enregistrent ainsi une augmentation de 7% de personnes venant se faire soigner sur leur sol, tandis que pour les pays émergents, ce chiffre monte à 14% !
À l’inverse, 6 millions d’Américains seraient allés se faire opérer à l’étranger en 2015, alors qu’ils n’étaient que 750 000 en 2007. Le tourisme médical s’analyse désormais par le prisme de l’échange de flux à l’échelle du globe.
Les dernières estimations à l’intérieur de l’OCDE (qui ne prennent donc pas en compte les destinations exotiques comme l’Inde, la Thaïlande ou la Malaisie), quoique pas très récentes, montrent que la portée du tourisme médical et des services associés pesaient déjà 7 milliards de dollars en 2011, contre 4,6 milliards de dollars en 2009.
La logique économique face à l’éthique
Devant les enjeux contemporains liés au tourisme médical, la France n’a pas tardé à lancer un programme visant à attirer à l’intérieur de ses frontières une clientèle au pouvoir d’achat bien réel. Il n’est malheureusement plus question ici des dangers pour la santé des personnes ou des risques potentiels de la chirurgie esthétique. La logique du porte-monnaie l’a depuis longtemps emporté sur le débat d’idées et de fond quant à l’intérêt réel de la retouche plastique…
Certes, l’accueil des patients étrangers en France n’est pas une nouveauté. Les hôpitaux hexagonaux reçoivent traditionnellement les individus les plus démunis et facilitent leur prise en charge.
Les politiques s’en mêlent
Pourtant, l’action publique initiée en la matière paraît assez éloignée de cet idéal : dans le but de voir le pays tirer son épingle du jeu dans le domaine du tourisme médical, le ministère des affaires étrangères a annoncé, en août 2015, diverses mesures. Sous l’impulsion de Laurent Fabius et Marisol Touraine, une task force a été créée afin de favoriser l’accueil des patients étrangers solvables.
« Développer l’attractivité médicale des établissements de santé français est une nécessité. Le marché international de l’offre de soins présente des perspectives de croissance majeures, susceptibles d’engendrer des retombées substantielles en matière d’activité économique, de création d’emplois et de recherche en France », ont affirmé les deux ministres.
Des économistes soutiennent que 30 000 emplois pourraient voir le jour en France si le tourisme médical venait à se développer à grande échelle dans les 5 prochaines années.
Certains établissements n’ont pas attendu pour s’engager et prendre les devants. L’hôpital de Calais a par exemple signé en début d’année une convention avec le système de santé publique britannique dans le but de recevoir des ressortissants de la Perfide Albion…
Vouloir réaliser des économies coûte que coûte quand il s’agit de santé peut s’avérer un mauvais choix. Le tourisme médical a ses limites. En France ou hors des frontières hexagonales, les risques de la chirurgie esthétique sont bien présents, bien qu’il soit difficile de mettre en avant un tel discours, dans un contexte de libéralisation internationale des soins encouragée par les pouvoirs publics.