Au Pakistan, le harcèlement au travail à l’encontre des femmes entraîne un épuisement émotionnel et une insatisfaction au travail chez les travailleuses, révèle une nouvelle étude.
Une étude de l’Université d’Australie du Sud révèle que le harcèlement au travail nuit considérablement à la productivité et entrave le développement économique au Pakistan, où les femmes sont considérées comme des subordonnées.
Plus de 300 travailleuses des secteurs de l’éducation et de la santé au Pakistan ont été interrogées sur le harcèlement sexiste au travail.
Les résultats d’entretiens approfondis ont révélé que les femmes avaient subi divers comportements d’intimidation à leur encontre, notamment des brimades verbales, émotionnelles, sociales et physiques/sexuelles, telles que des taquineries occasionnelles, des insultes, des retraits de responsabilités, une dévaluation du travail et un isolement social.
Les femmes sont touchées de manière disproportionnée par le harcèlement au travail : 30 % d’entre elles dans le monde en sont victimes (OMS 2021), ce qui représente un coût pouvant atteindre 4 % du PIB dans les pays moins développés (Banque mondiale 2022).
La main-d’œuvre pakistanaise est majoritairement masculine (83 %), la participation des femmes diminuant de 24 % à 22 % entre 2016 et 2022 (Banque mondiale, 2022).
Connie Zheng, professeure associée au Centre pour l'excellence sur le lieu de travail de l'UniSA, affirme que les cultures dominées par les hommes, comme la société pakistanaise, influencent le niveau de tolérance à l'égard de l'intimidation.
Le harcèlement au travail est normalisé dans la société pakistanaise et se produit dans le cadre de conversations informelles ou pour le plaisir des autres.
Nous avons entendu dire que des témoins se joignaient souvent à eux, perpétuant le comportement, et que les femmes concernées se sentaient en colère et faibles. Il était également évident que les femmes étaient souvent considérées comme des objets sexuels et jouaient des rôles de soumission sur le lieu de travail.
Connie Zheng, professeure associée du Centre pour l'excellence en milieu de travail de l'UniSA
Une participante a partagé son expérience d'intimidation sexuelle de la part de son superviseur masculin qui « ne se contentait pas de me toucher, mais me demandait également d'avoir une relation avec moi, m'appelait dans son bureau et faisait des commentaires inappropriés ».
D'autres ont raconté leur expérience avec des collègues masculins qui se montraient agressifs par frustration et jalousie lorsqu'ils étaient mis au défi par leurs homologues féminines. « Ils ne voient pas une femme se lever… alors ils essaient de la briser en l'agressant verbalement ou en faisant pression sur elle. »
Le professeur agrégé Zheng affirme que les résultats de l'étude, menée en collaboration avec l'Université internationale de Riphah et l'Université nationale des langues modernes au Pakistan, ont identifié une grande tolérance à l'égard de l'intimidation.
« Dans les cultures dominées par les hommes, les femmes qui travaillent subissent souvent des pressions de la part de leur famille et de la société lorsqu'elles rencontrent des problèmes sur leur lieu de travail. Les victimes sont blâmées, ce qui les conduit à garder le silence au lieu de s'exprimer », explique-t-elle.
« D'un autre côté, de nombreuses femmes qui travaillent craignent des répercussions, comme le licenciement, si elles dénoncent le harcèlement. Elles subissent donc le harcèlement et les mauvais traitements pour subvenir aux besoins de leur famille. La tolérance est également affichée par les organisations et les institutions elles-mêmes, perpétuant le silence.
Selon la professeure agrégée Zheng, un aspect étonnamment positif a été identifié chez certaines femmes qui travaillent au Pakistan. Au lieu d'être abattues par le harcèlement, elles ont été poussées à faire mieux.
« Malgré l'humiliation qu'elles subissent, les femmes ont obtenu de bons résultats au travail, ce qui constitue une arme à double tranchant. L'intimidation peut inciter les travailleuses à dépasser les attentes, car elles sont potentiellement motivées par le désir de faire leurs preuves », explique-t-elle.
« Pourtant, les exigences excessives du travail ont des conséquences à long terme sur la santé mentale. Une personne ne peut pas travailler dans un environnement très stressant pendant un certain temps. »
L’étude révèle des préjugés sexistes systémiques favorisant les hommes et souligne la nécessité de réels changements pour remédier aux disparités entre les sexes et protéger les travailleuses contre l’intimidation.
Selon la professeure agrégée Zheng, les organisations qui offrent des opportunités sociales telles que des activités et des rencontres informelles peuvent contribuer à favoriser la cohésion et à mettre en lumière les problèmes sur le lieu de travail. Les réseaux de soutien social sur les lieux de travail peuvent également offrir aux femmes un espace sûr pour s'exprimer lorsqu'elles sont confrontées à du harcèlement.
« La lutte contre le harcèlement n’est pas seulement une responsabilité des organisations, elle relève aussi de l’autonomisation des individus », affirme-t-elle. « Les femmes qui subissent du harcèlement au travail doivent avoir les moyens de garder confiance en elles et d’être suffisamment fortes pour affronter les harceleurs. Le silence n’est pas une option. »