Dans une étude récente publiée dans le Actes de la Royal Society B : Sciences biologiquesun groupe de chercheurs a étudié les substrats neuronaux et les processus mentaux sous-jacents au rougissement en réponse à l'auto-observation.
Sommaire
Arrière-plan
Le rougissement, une rougeur involontaire du visage liée à des émotions conscientes de soi comme la gêne et la fierté, était considéré par Darwin comme « l'expression la plus humaine de toutes ». Malgré cela, ses mécanismes sous-jacents restent flous. Les théories divergent quant à savoir si le rougissement est un processus cognitif de niveau supérieur impliquant une introspection ou une réponse automatique à l'exposition sociale. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre pleinement les voies neuronales et les processus cognitifs spécifiques qui contribuent au rougissement et à la conscience de soi.
À propos de l'étude
Soixante-trois adolescentes âgées de 16 à 20 ans vivant à Amsterdam ont participé à la présente étude, recrutées via les réseaux sociaux et le bassin d'étudiants de l'Université d'Amsterdam. Ignorant qu'elles chanteraient au karaoké, les participantes ont été informées uniquement d'une tâche sociale consistant à regarder une vidéo dans un scanner d'imagerie par résonance magnétique (IRM). Le recrutement initial comprenait un questionnaire en ligne sur les symptômes de l'anxiété sociale, invitant celles ayant des scores élevés ou faibles.
Sur 63 participants, 49 ont participé à la séance d'IRM ; les autres n'étaient pas éligibles en raison de facteurs tels que des piercings ou des dispositifs intra-utérins (DIU). Neuf ont été exclus en raison d'erreurs de données d'IRM fonctionnelle (f), ce qui laisse 40 participants (Mage = 19,3 ans, sd = 1,10). Un participant n'avait pas de données sur la température des joues et un autre n'avait pas de données sur la gêne autodéclarée. Les participants ont été indemnisés pour leurs frais de déplacement et 30 euros ou trois crédits d'études. Le comité d'éthique de la faculté des sciences sociales et comportementales de l'université d'Amsterdam a approuvé l'étude.
Les participants ont visité le laboratoire à deux reprises. La première fois, ils ont chanté au karaoké tout en étant enregistrés. La deuxième fois, ils ont regardé ces vidéos, ainsi que des vidéos d'un autre participant et d'un chanteur professionnel, dans un scanner IRM pendant que la température des joues était mesurée pour évaluer le rougissement. Les données comportementales et physiologiques ont été analysées à l'aide d'une régression à effets mixtes et d'une analyse de variance à mesures répétées bayésienne (ANOVA). Les données IRMf ont été prétraitées à l'aide d'une analyse d'images neurologiques fonctionnelles (AFNI), avec des analyses capturant les substrats neuronaux associés aux changements de température des joues et à l'activité évoquée par la tâche, en utilisant des corrélations inter-sujets pour mesurer les similitudes d'activité cérébrale.
Résultats de l'étude
L'étude a examiné les effets de différentes conditions de visionnage sur le rougissement et a constaté des différences significatives dans la température des joues. Les modèles à effets mixtes ont révélé une augmentation notable du rougissement dans la condition d'auto-visionnage (se regarder chanter), avec une température des joues significativement plus élevée par rapport aux conditions de visionnage professionnel et d'autres personnes.
Français La condition d'auto-observation a suscité la réponse de rougissement la plus élevée (β = 0,022, p = 0,0049), tandis que la condition professionnelle a montré une légère diminution de la température et que l'autre condition n'a montré aucun changement significatif. Des tests appariés au sein du modèle ont confirmé que les réponses de rougissement étaient significativement plus élevées dans la condition Self par rapport à la condition Professional (β = 0,033, p = 0,003). Une ANOVA bayésienne à mesures répétées a confirmé ces résultats, montrant des preuves solides de l'impact de la condition Self sur le rougissement (BF10 = 17,3), tandis que les autres conditions sont restées plus proches de zéro.
En termes d'activité cérébrale, les analyses dépendantes de la tâche ont révélé que se regarder chanter activait les régions associées à l'éveil émotionnel et à la saillance (cortex cingulaire moyen, insula antérieure et cortex préfrontal dorsolatéral) et réduisait l'activité dans les régions du réseau en mode par défaut (cortex cingulaire postérieur, cortex préfrontal médian et lobule pariétal inférieur). La condition professionnelle activait principalement les régions auditives. Une analyse essai par essai a montré que l'augmentation de la température des joues était liée à l'activité des noyaux des nerfs crâniens et du noyau du raphé, indiquant une base neurale pour le rougissement.
Une analyse plus poussée a révélé que les participants qui rougissaient davantage présentaient une activité plus forte dans le cervelet (lobule V) et le lobule paracentral gauche. Inversement, des associations négatives ont été trouvées dans les circonvolutions angulaires et le fusiforme droit. L'interaction entre le rougissement et la condition indiquait que la réponse du cervelet était plus prononcée dans la condition Self, et que la réponse du lobule paracentral gauche était plus forte dans la condition Self que dans la condition Professional.
De plus, les participants qui rougissaient davantage présentaient une corrélation inter-sujets (ISC) plus élevée dans les cortex visuels précoces, indiquant une activité neuronale synchronisée liée au contenu de la vidéo.
Conclusions
Pour résumer, afin d’examiner les corrélats neuronaux du rougissement, les participants ont regardé des vidéos préenregistrées d’eux-mêmes en train de chanter au karaoké pendant que leur rougissement physiologique et leur activité cérébrale étaient mesurés. Le rougissement était plus élevé lorsque les participants se voyaient chanter par rapport aux autres. Ceux qui rougissaient davantage présentaient une activation accrue dans le lobe paracentral gauche et le cervelet (lobule V) et un traitement plus synchronisé dans les cortex visuels précoces.
Ces résultats suggèrent que le rougissement est associé à un traitement et une activation liés à soi dans les zones cérébrales impliquées dans l’éveil émotionnel et l’attention aux stimuli pertinents pour soi. Cela étaye l’idée que le rougissement peut être déclenché par des processus émotionnels pré-réflexifs plutôt que par la mentalisation. L’étude met en évidence le rôle de l’éveil émotionnel et de l’engagement attentionnel dans le rougissement, contribuant ainsi à la compréhension de la conscience de soi.