Les virus de la grippe d'origine porcine présentent des mutations qui résistent aux médicaments antiviraux, ce qui pose un risque de pandémie et souligne le besoin urgent d'une surveillance continue et de stratégies de traitement actualisées.
Étude : Sensibilité aux antiviraux des virus de la grippe A d'origine porcine isolés chez l'homme, États-Unis. Crédit d’image : NIAID
Dans une étude récente publiée dans la revue Maladies infectieuses émergentesdes chercheurs des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) aux États-Unis d'Amérique ont analysé les séquences génomiques des virus de la grippe A d'origine porcine. Ils ont mené des analyses phénotypiques pour établir des lignes de base de sensibilité spécifiques aux sous-types pour les médicaments antiviraux. Les résultats contribuent de manière significative aux efforts de préparation en cas de pandémie en cours, soulignant la nécessité d’une surveillance vigilante des virus de la grippe A d’origine porcine, qui constituent une menace continue de réassortiment et le potentiel de nouvelles souches pandémiques.
Ils ont constaté que presque tous les virus possédaient le marqueur de résistance S31N M2, que deux présentaient des mutations de substitution liées à la résistance au baloxavir et que seule la substitution I38M réduisait de manière significative la sensibilité au baloxavir de 27 fois. Ces résultats soulignent l’importance de comprendre les profils de résistance aux antiviraux dans les virus d’origine porcine, car les mutations et réassortiments génétiques pourraient réduire l’efficacité des traitements antiviraux actuels.
Sommaire
Arrière-plan
Les virus de la grippe porcine A, constitués des sous-types H1N1, H1N2 et H3N2, sont enzootiques à l'échelle mondiale et peuvent se mélanger aux virus humains et aviaires, conduisant à des réassortiments potentiellement pandémiques.
Depuis la fin des années 1990, les virus porcins nord-américains ont acquis une cassette de gènes internes à triple réassortiment (TRIG) provenant de virus porcins humains, aviaires et classiques. Le virus pandémique A(H1N1)pdm09 de 2009 est issu de ce réassortiment et a depuis été réintroduit chez les porcs, augmentant ainsi la diversité virale.
L’introduction continue de souches pandémiques humaines dans les populations porcines crée des opportunités de réassortiment supplémentaire, ce qui complique les efforts de préparation de la santé publique et met en évidence la menace zoonotique posée par ces virus.
Les variantes de virus d'origine porcine sont surveillées dans le cadre du Règlement sanitaire international de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en raison de leur potentiel à générer de nouvelles souches pandémiques. Les médicaments antiviraux contre la grippe sont confrontés à des défis liés aux mutations génétiques, aux réassortiments et à la résistance aux antiviraux, en particulier pour les bloqueurs de la matrice 2 (M2). La résistance aux inhibiteurs de la neuraminidase et la menace persistante de souches résistantes aux antiviraux soulignent la nécessité d'une surveillance continue et d'une évaluation des risques liés aux virus de la grippe porcine. En particulier, l’étude fournit des données cruciales sur les lignes de base spécifiques aux sous-types pour la sensibilité aux médicaments, une étape clé dans le raffinement des méthodologies mondiales de tests de sensibilité aux antiviraux.
À propos de l'étude
Toutes les procédures ont été réalisées dans des laboratoires renforcés de niveau de biosécurité 2. Divers réactifs et méthodologies ont été utilisés pour tester les variantes des virus grippaux. Les inhibiteurs de la neuraminidase (NAI) tels que l'oseltamivir, le zanamivir, le peramivir et le laninamivir ont été dissous dans de l'eau distillée stérile, tandis que l'acide baloxavir a été préparé dans du diméthylsulfoxyde.
Des anticorps monoclonaux à large réactivité croisée FI6v3 et CR9114 ont été utilisés pour les évaluations de neutralisation, et l'antisérum de furets a été traité avec une enzyme destructrice de récepteurs avant utilisation. L’étude a révélé un large éventail d’activités de neutralisation pour ces anticorps dans tous les sous-types, certains virus variants présentant une neutralisation faible ou inexistante, même à des concentrations élevées d’anticorps. Cette variabilité souligne les défis liés au développement de thérapies par anticorps monoclonaux contre les virus de la grippe d'origine porcine, car les différences antigéniques en dehors des épitopes connus peuvent réduire leur efficacité.
Les expériences de contrôle ont utilisé des panels de virus de référence de sensibilité aux antiviraux du CDC. Pour l'analyse génétique, des séquences du génome entier ont été générées et analysées.
Résultats et discussion
De janvier 2013 à avril 2024, 167 infections humaines causées par des variants du virus de la grippe ont été signalées dans 22 États américains, notamment des cas A(H1N1)v, A(H1N2)v et A(H3N2)v.
L'analyse génétique de 147 variantes de virus a identifié des marqueurs moléculaires liés à la résistance aux antiviraux. Tous sauf un variant présentaient une substitution conférant une résistance (S31N) dans la protéine M2, alors qu'aucun marqueur connu pour les inhibiteurs de la neuraminidase (NAI) n'a été détecté. L'étude fournit des informations essentielles sur les mécanismes de résistance aux antiviraux, en soulignant l'importance de la surveillance moléculaire dans l'identification des marqueurs susceptibles d'affecter les résultats du traitement.
Cependant, A/Iowa/02/2021 (H1N1)v avait la substitution S247N, ce qui réduit l'inhibition de l'oseltamivir pour A(H5N1). Quelques substitutions liées à une sensibilité réduite au baloxavir ont également été trouvées dans la protéine acide polymérase.
Les évaluations de sensibilité ont montré que tous les virus variants conservaient leur sensibilité aux NAI, la plupart présentant une puissante inhibition par l'oseltamivir, le zanamivir, le peramivir et le laninamivir. Le virus A(H1N2)v présentait des valeurs de concentration inhibitrice demi-maximale (CI50) plus élevées que les autres sous-types.
Pour le baloxavir, A/Iowa/33/2017 (H1N1)v a montré une sensibilité 27 fois inférieure en raison de la substitution I38M, tandis que les autres virus n'ont montré aucun effet. Cette réduction significative de la sensibilité au baloxavir met en évidence le potentiel de mutations de résistance pouvant compromettre l'efficacité antivirale, en particulier dans les virus d'origine porcine.
L'analyse antigénique a indiqué que les variantes virales récentes présentaient une réactivité réduite aux virus vaccinaux candidats, ce qui indique une évolution antigénique des virus de la grippe d'origine porcine. Les tests de neutralisation utilisant des anticorps monoclonaux humains ciblant l’hémagglutinine (HA) ont révélé une efficacité de neutralisation variable selon les sous-types, le CR9114 étant légèrement plus efficace contre A(H1)v. Cependant, la grande variabilité de l’efficacité de la neutralisation suggère que les vaccins candidats actuels pourraient nécessiter une mise à jour pour suivre le rythme des changements antigéniques observés dans les virus d’origine porcine.
Dans l'ensemble, l'étude met en valeur la nécessité d'une surveillance continue de la sensibilité aux antiviraux des virus grippaux variantes afin de garantir que les stratégies thérapeutiques restent efficaces contre les souches émergentes.
Bien que l'étude améliore notre compréhension de l'épidémiologie, de la sensibilité et de la menace potentielle des variants du virus de la grippe, elle est limitée par des tests viraux incomplets, des difficultés d'interprétation des données phénotypiques et une variabilité dépendante des tests dans les résultats de sensibilité aux antiviraux. L'étude note que l'interprétation des données phénotypiques est particulièrement difficile en raison du manque de corrélats standardisés pour la résistance et la variabilité des tests cliniquement pertinentes. Les résultats soulignent l’importance d’établir des lignes de base spécifiques aux sous-types et d’harmoniser les méthodologies de laboratoire pour améliorer la précision des évaluations de la sensibilité aux antiviraux.
Conclusion
En conclusion, l’étude propose une approche pour normaliser les méthodologies de test des virus de la grippe porcine et améliorer l’interprétation des résultats de laboratoire, améliorant ainsi notre compréhension des virus qui présentent une menace potentielle de pandémie. En affinant les tests de sensibilité aux antiviraux et en suivant l’évolution antigénique des virus d’origine porcine, la recherche offre des informations essentielles sur la préparation de la santé publique et l’évaluation des risques de pandémie.