Les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), l’Université de Genève (UNIGE) et leur spin-off Endotelix ont créé la meilleure molécule cible possible pour les anticorps responsables du syndrome des antiphospholipides. Cette découverte permettra de développer un nouveau test de dépistage. Ce syndrome auto-immun conduit à des thromboses responsables d’accidents vasculaires cérébraux et d’infarctus. Il a un impact sérieux sur les femmes enceintes et peut entraîner la mort de leurs fœtus. La fiabilité limitée des tests de dépistage actuels signifie que le diagnostic ne peut être effectué avant l’apparition des premiers signes cliniques. La nouvelle approche des HUG et d’Endotelix augmente la probabilité de détection du syndrome de 40% à 85% et ouvre enfin la porte au dépistage. Vous pouvez en savoir plus dans Recherche et pratique en thrombose et hémostase.
Le syndrome des antiphospholipides (APS) est une maladie auto-immune qui peut provoquer des fausses couches ou la mort du fœtus. Les anticorps se retournent contre certaines protéines (phospholipides, corps gras indispensables à la survie de l’organisme) situées à la surface des cellules ou circulant dans le sang. Ces anticorps sont appelés antiphospholipides.
Alors qu’une étude estime que les antiphospholipides sont responsables d’un SAPL chez 50 à 100 personnes sur 100000, les experts évaluent la prévalence à 1 à 5% de la population mondiale. Pour chaque homme touché, quatre femmes sont touchées. Cette auto-immunité crée des caillots qui sont responsables de thromboses et peuvent perturber la grossesse. Au moins 15% des fausses couches à répétition sont dues à un cas de SAPL. L’APS est maintenant reconnu comme la cause de fausse couche la plus facilement évitable.
« Ce syndrome est aussi très problématique avant la grossesse pour les femmes qui désirent une contraception. Le cocktail de l’APS et de la pilule hormonale provoque l’infertilité dans 90% des cas en dix ans », prévient François Mach, médecin-chef de cardiologie des HUG. Département, professeur au Département de médecine de la Faculté de médecine de l’UNIGE et co-auteur de l’étude.
Si des traitements indirects existent (prise chronique d’anticoagulants), un test de dépistage fiable ferait effet avant que des conséquences dramatiques ne surviennent.
Un test rapide et fiable
Les tests actuels n’ont qu’une sensibilité de 40% pour les antiphospholipides, « ce qui revient à pile ou face », note Karim Brandt, ancien membre du personnel scientifique de la Faculté de médecine de l’UNIGE et directeur scientifique d’Endotelix, responsable de l’étude. . « C’est pourquoi les tests doivent actuellement être corrélés avec les faits cliniques afin de poser un diagnostic précis de l’APS », ajoute-t-il. C’est une situation problématique compte tenu de la gravité des symptômes cliniques.
Son équipe a réussi à mettre au point un nouveau test cent fois plus fin, faisant monter la sensibilité à 85 %. Ce niveau de sensibilité est suffisant pour pouvoir proposer un test rapide, comme les tests antigéniques pour le COVID-19. Il vise principalement le dépistage des femmes souhaitant une grossesse ou une contraception hormonale, et permettra de prescrire des traitements ou des parcours de soins adaptés.
Trouver la meilleure cible
Nous n’avons toujours pas une bonne compréhension des origines de l’APS, à part savoir que, pour des raisons inconnues, des antiphospholipides sont présents dans le sang. Les immunologistes connaissent également l’une de ses cibles : une glycoprotéine circulante appelée Beta2GP1.
La stratégie utilisée par l’équipe de Karim Brandt pour développer ce test de diagnostic a été d’identifier le plus précisément possible la région de la Beta2GP1 ciblée par les antiphospholipides. Leur idée était d’imiter les propriétés de cette région en créant une molécule fictive la plus proche possible des antiphospholipides, c’est-à-dire la recherche de la cible parfaite pour ces anticorps.
Son équipe s’est attelée à l’analyse de 600 molécules (peptides avec différentes séquences d’acides aminés) montrant des similitudes avec la région de la Beta-2GP1 en présence d’antiphospholipides provenant de patients hommes et femmes. Une molécule ayant soixante fois plus d’affinité pour les antiphospholipides que la région cible de la Beta-2GP1 a ainsi été trouvée.
Un anticorps synthétique dirigé contre la Beta-2GP1 a ensuite été créé en laboratoire, grâce à cette molécule. Alliée à la technique d’analyse biochimique ELISA, elle permet un dosage quantitatif et une standardisation des mesures très utile, synonyme d’une grande fiabilité.
Une étude qui servira aux traitements
Un test pour la recherche est déjà disponible et une étude clinique chez l’homme est en cours. S’il réussit, on s’attend à ce qu’il soit mis sur le marché dans un proche avenir. Un kit de dépistage rapide est d’ailleurs en cours de conception avec les partenaires du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de Lyon. « La séquence d’acides aminés ayant une forte capacité d’interaction avec les antiphospholipides, elle pourrait également servir d’inhibiteur direct via des injections mensuelles ou bimensuelles en guise de traitement », conclut Karim Brandt.