Dans un article récent publié dans le Journal européen de nutrition clinique, les chercheurs ont fait part de leurs inquiétudes concernant les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concernant l’utilisation d’édulcorants sans sucre (NSS) et ont appelé à une réévaluation.
Perspective : Ligne directrice de l’OMS sur l’utilisation d’édulcorants sans sucre : un besoin de reconsidération. Crédit d’image : Towfiqu ahamed barbhuiya/Shutterstock
Arrière-plan
Sur la base d’une revue systématique et d’une méta-analyse (SRMA), le Département de nutrition et de sécurité alimentaire de l’OMS a récemment publié une ligne directrice sur l’utilisation du NSS.
Il mentionne explicitement que les essais contrôlés randomisés (ECR) et les études de cohortes prospectives ont montré différents effets de l’utilisation du NSS. Les premiers ont montré une réduction de l’adiposité après l’utilisation du NSS, tandis que les seconds suggèrent une association avec un risque accru de maladie chronique et d’adiposité.
Selon les recommandations de l’OMS en question, l’utilisation du NSS ne fonctionne pas pour la gestion du poids ou pour réduire le risque de maladies non infectieuses, alors que la seconde est une recommandation conditionnelle.
La première préoccupation des auteurs était que l’OMS accordait plus de poids aux résultats des études observationnelles qu’aux ECR, et leur deuxième préoccupation concernait les méthodologies appliquées dans ces études observationnelles. [referred to as baseline (or prevalent) analysis]ce qui augmente le risque de biais.
Le SRMA de l’OMS a obtenu des résultats cohérents avec plusieurs autres SRMA montrant que le NSS réduisait l’apport énergétique par rapport aux sources de calories équivalentes, ce qui était bénéfique pour la perte de poids et la gestion de l’indice de masse corporelle (IMC).
Au contraire, des études de cohortes prospectives incluses dans le SRMA de l’OMS suggèrent des dangers liés à la consommation de NSS. Ils ont montré des associations à la fois positives et négatives entre l’utilisation du NSS et l’IMC, l’obésité, le diabète de type 2 (DT2), les maladies cardiovasculaires (MCV) et la mortalité toutes causes confondues. L’approche GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development, and Evaluation) donne une plus grande certitude aux preuves issues des ECR en raison de leur protection contre les biais.
Les études de cohortes prospectives sont moins protégées contre les biais et ne parviennent pas à établir un lien de causalité entre l’intervention et le résultat ; ainsi, ils commencent avec une faible certitude dans GRADE. De plus, la communauté des chercheurs du NSS a convenu que les études de cohortes prospectives utilisant une analyse courante pour étudier la relation du NSS avec les effets cardiométaboliques présentaient un risque élevé de biais en raison de trois facteurs : le regroupement des comportements, la causalité inverse et la confusion résiduelle.
Le SRMA de l’OMS a reconnu ces limites dans les études de cohortes prospectives. Cependant, les lignes directrices de l’OMS considèrent ces associations négatives liées à la consommation de NSS comme authentiques. Grâce aux progrès des méthodologies analytiques utilisées dans ces études, certaines limites soulevées par les analyses courantes ont été surmontées.
Les exemples incluent une évaluation séquentielle pour mesurer les changements d’exposition et une analyse de substitution modélisant le NSS comme substitut aux sucres caloriques. Dans l’ensemble, ces méthodes analytiques robustes permettent une évaluation plus précise des avantages cardiométaboliques du NSS tout en contrôlant les facteurs de confusion et en capturant la substitution calorique comme prévu. De plus, les études utilisant ces méthodes ont fourni des preuves biologiquement plausibles reflétant les résultats des essais NSS.
Récemment, Lee et al. a publié un SRMA de 14 études de cohortes prospectives sur la consommation de NSS qui utilisaient des évaluations séquentielles et une analyse de substitution et ajustées en fonction de l’adiposité initiale tout en modélisant le NSS comme substitut aux boissons sucrées. Cette SRMA a montré qu’une augmentation de l’apport en NSS était associée à une réduction du poids corporel et du tour de taille mais aucun effet indésirable sur le DT2. En outre, il a montré que le remplacement des boissons NSS par des boissons sucrées réduisait le poids, le risque d’obésité, de maladie coronarienne, toutes causes confondues, et la mortalité par maladies cardiovasculaires sans montrer d’effets indésirables sur le DT2.
Conclusions
Dans l’ensemble, l’OMS a complètement ignoré les analyses de changement et de substitution ainsi que les données des ECR, qui sont généralement bien reconnues et acceptées dans la recherche en nutrition. Le SRMA de l’OMS n’a cité qu’une seule étude utilisant une approche de substitution alimentaire pour montrer une diminution de 12 % du risque de maladie coronarienne avec les boissons NSS.
Le rejet des données probantes des ECR et le recours à des études de cohortes prospectives biaisées manquaient de raisonnement biologique et s’écartent de l’approche précédente de l’OMS. Dans le même temps, le groupe d’étude sur le diabète et la nutrition de l’Association européenne pour l’étude du diabète a recommandé l’utilisation du NSS comme stratégie de réduction des risques cardiométaboliques. Des recherches récentes suggèrent que l’utilisation des NSS pourrait ne pas être la cause d’un préjudice mais plutôt une réponse à un risque accru de maladie. Il est donc urgent de reconsidérer la base de données factuelles et les lignes directrices de l’OMS sur l’utilisation des NSS.