Les preuves d'infections par la grippe aviaire chez les chevaux signalent une nouvelle frontière dans les risques de propagation virale, exigeant une action urgente pour surveiller et atténuer la transmission entre espèces.
Lettre de recherche : Preuve d'infections par propagation du virus de la grippe A(H5N1) chez les chevaux, Mongolie. Crédit d'image : kagemusha/Shutterstock
Dans une étude récente publiée dans la revue Maladies infectieuses émergentesles chercheurs ont analysé des échantillons provenant de près de 1 000 chevaux mongols pour détecter la grippe A(H5N1). Les résultats de l'étude ont révélé qu'au moins neuf chevaux étaient porteurs asymptomatiques du virus, première preuve confirmée d'infections par la grippe aviaire chez les chevaux.
L'étude met en évidence la forte probabilité de propagation du virus de la grippe A (IAV) aux chevaux et autres équidés, en particulier dans des régions comme l'Amérique du Nord, où les chevaux rencontrent fréquemment des vaches infectées. Les chercheurs ont noté que les conditions écologiques dans ces régions, telles que les populations de chevaux à haute densité et le virus endémique de la grippe équine (EIV), augmentent encore le risque de réassortiment viral.
De plus, l'étude met en garde contre le réassortiment potentiel de la grippe A(H5N1) avec le virus de la grippe équine (EIV), qui pourrait entraîner une nouvelle épidémie de grippe. Elle recommande aux établissements d'élevage de chevaux de procéder à des enquêtes sérologiques fréquentes sur leurs animaux, garantissant ainsi la détection précoce et le contrôle d'éventuelles épidémies virales.
Sommaire
Arrière-plan
La grippe A(H5N1) est l'un des nombreux « virus de la grippe aviaire (AIV) », connus pour provoquer des infections graves et généralement mortelles des voies respiratoires chez les oiseaux. Appelés familièrement « grippe aviaire », les AIV suscitent un intérêt public croissant en raison de leur capacité alarmante à franchir les barrières de classe et à infecter plusieurs espèces de mammifères (y compris les humains). Le clade 2.3.4.4b de la grippe A(H5N1) est particulièrement capable de ce « débordement génétique », avec son incidence accrue chez les oiseaux correspondant aux infections chez les mammifères tels que les mouffettes, les ours, les ratons laveurs et les renards.
Les scientifiques pensaient auparavant que les infections H5N1, bien que capables de se transmettre des oiseaux aux mammifères, étaient incapables de se transmettre entre mammifères. Malheureusement, les résultats obtenus chez les visons et les renards élevés pour leur fourrure en Europe (2022), parallèlement aux épidémies généralisées de pinnipèdes sauvages, ont prouvé que cette perception commune était fausse. Des épidémies ultérieures chez des bovins laitiers américains provoquées par le génotype B3.13 du H5N1 ont également démontré la capacité du virus à franchir les barrières entre les espèces.
Bien qu’il ait été démontré que les ânes égyptiens souffrent d’infections par l’AIV H5N1, les infections chez les chevaux n’ont jamais été scientifiquement vérifiées.
« Les chevaux sont des hôtes naturels du virus de la grippe équine (EIV). Deux sous-types d'EIV sont apparus, dont 2 souches H3N8 et 1 souche H7N7. On pense que tous les EIV proviennent d'AIV », note l'étude.
À propos de l'étude
La présente étude documente des efforts approfondis et à long terme (juillet 2021 – octobre 2023) pour vérifier génétiquement la présence du H5N1 chez les chevaux mongols. Trois prélèvements par an dans 24 troupeaux (14 de la région d'Ugiinuur de la province d'Arkangai et 10 de la région de Dashinchilen de la province de Bulgan) ont donné lieu à un total de 2 160 échantillons de sérum de cheval.
Ces échantillons ont été inactivés par la chaleur et traités avec des enzymes destructrices de récepteurs, après quoi des tests immuno-enzymatiques (ELISA) ciblant les nucléoprotéines IAV ont été effectués. Des tests de neutralisation du virus ont été effectués pour exclure toute réactivité croisée avec les antigènes EIV, qui pourrait entraîner des faux positifs.
Résultats de l'étude
Sur les 2 160 échantillons de sérum de cheval testés, 997 se sont révélés positifs aux nucléoprotéines pour les antigènes IAV. Les tests ELISA ont confirmé la présence du virus de la grippe A(H5N1) dans 9 échantillons, la première preuve documentée d'infections par l'IAV chez les chevaux. Cependant, les tests de neutralisation du virus n'ont confirmé que deux échantillons avec de faibles titres de 1:20, ce qui suggère un faible niveau d'infection. Parmi les échantillons restants, 960 étaient négatifs pour le H5N1, tandis que les huit autres étaient douteux.
Conséquences
Cette étude met en évidence la capacité des clades IAV à franchir les barrières entre espèces (oiseaux ou autres mammifères) et à infecter les chevaux. Les chevaux sont des hôtes naturels de l’EIV, des virus génétiquement similaires aux IAV et potentiellement capables de se réassortir avec ces derniers. Cela présente la possibilité alarmante de nouveaux sous-types viraux, en particulier dans des régions comme l’Amérique du Nord, où se trouve 30 % de la population mondiale de chevaux, et où les conditions écologiques propices à la propagation du VEI coïncident avec des taux de contact élevés entre les chevaux et les vaches porteuses du VIA.
La présente étude recommande des enquêtes sérologiques fréquentes sur les chevaux et autres équidés (par exemple les ânes) élevés à proximité des vaches laitières. Cela permettrait la détection rapide d’épidémies virales potentielles et fournirait des données permettant d’éclairer les mesures de contrôle visant à prévenir l’émergence de la grippe.
Conclusions
La présente étude rapporte la première preuve scientifiquement vérifiée de la transmission de l'IAV aux chevaux (en Mongolie), soulignant la susceptibilité de ces derniers aux premiers. Il met en garde les éleveurs et les décideurs politiques contre le potentiel de réassortiment viral entre l’IAV et l’EIV, pouvant entraîner la création de souches virales entièrement nouvelles. Il milite pour une surveillance et un dépistage fréquents des chevaux, en particulier dans des régions comme l'Amérique du Nord, qui présentent à la fois de fortes densités de chevaux et des conditions écologiques favorisant le réassortiment viral.