De nouvelles recherches démontrent que des doses quotidiennes de berceuses instrumentales peuvent aider les nourrissons prématurés à mieux dormir et à se sentir plus à l’aise dans l’unité de soins intensifs néonatals, ouvrant la porte à des pratiques de soins innovantes qui soutiennent le développement du cerveau.
Étude : Impact de la musique quotidienne sur les scores de confort des prématurés : un essai contrôlé randomisé. Crédit photo : Ratchat / Shutterstock
Des scientifiques du Centre médical universitaire d'Utrecht aux Pays-Bas ont mené une étude pour explorer l'impact de la musique sur le confort, le sommeil et la stabilité physiologique des nourrissons prématurés.
L'étude est publiée dans la revue Recherche pédiatrique.
Sommaire
Arrière-plan
La prématurité augmente considérablement le risque de troubles du développement neurologique chez le nourrisson. L’environnement sensoriel stressant dans lequel évoluent les nourrissons en milieu clinique serait en partie responsable de ces troubles.
L'absence d'informations sensorielles significatives, telles que la voix de la mère, peut entraver la plasticité sensorielle chez les prématurés pendant leur séjour dans l'unité de soins intensifs néonatals. Les expériences sensorielles précoces, telles que les sons à basse fréquence du rythme cardiaque et de la voix de la mère, sont essentielles au bon développement du cerveau. Dans ce contexte, les données indiquent que la plasticité cérébrale fœtale est associée à l'expérience vibroacoustique intra-utérine, notamment aux rythmes réguliers à basse fréquence du rythme cardiaque, de la voix et des bruits digestifs de la mère.
Les nourrissons nés prématurément manquent d’expérience vibroacoustique intra-utérine ; au lieu de cela, ils sont exposés à des stimuli extra-utérins à haute fréquence, qui peuvent affecter négativement le développement de leur système auditif.
Un nombre croissant de preuves indiquent que l’exposition des nourrissons prématurés à des interventions d’enrichissement auditif, telles que la musique, peut être bénéfique pour le traitement sensoriel, la plasticité cérébrale et la régulation des fonctions physiologiques.
Dans cette étude, les scientifiques ont étudié si une intervention musicale quotidienne pouvait améliorer le confort, réduire les troubles du sommeil et stabiliser les fonctions physiologiques des nourrissons prématurés dans les unités de soins intensifs néonatals.
Conception de l'étude
L'étude a été menée auprès de 56 nourrissons prématurés dont l'âge gestationnel à la naissance variait entre 29 et 34 semaines. Ils ont été répartis de manière aléatoire dans le groupe d'intervention musicale et dans le groupe placebo.
Les nourrissons du groupe d'intervention musicale ont été exposés quotidiennement pendant 8 minutes à la berceuse de Brahms pendant une période allant jusqu'à 15 jours. Dans le groupe placebo, les nourrissons ont été exposés au silence dans des conditions identiques.
L'étude a mesuré l'effet de l'intervention musicale sur le confort des nourrissons, leur état veille-sommeil et leurs paramètres physiologiques, notamment la fréquence cardiaque (FC), la fréquence respiratoire (FR) et la saturation en oxygène (SatO2).
Observations importantes
L’analyse des caractéristiques de base a révélé des niveaux de confort similaires dans les deux groupes avant l’intervention. L’analyse post-intervention a montré une amélioration significative du niveau de confort chez les nourrissons qui avaient été exposés à la musique par rapport à ceux qui n’en avaient pas été exposés.
En ce qui concerne l'état veille-sommeil, l'analyse a montré une augmentation significative de la transition de l'état d'éveil à l'état de sommeil dans le groupe d'intervention musicale par rapport au groupe placebo. La transition la plus fréquente observée était celle d'un état d'éveil calme à un état de sommeil calme.
L’analyse des paramètres physiologiques n’a révélé aucun changement significatif dans la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire et la saturation en oxygène du sang après une exposition à la musique.
Importance de l'étude
L’étude révèle que les nourrissons exposés à de la musique instrumentale enregistrée dans les unités de soins intensifs néonatals présentent un confort accru, des transitions de sommeil accrues et des paramètres physiologiques stables.
Les données existantes indiquent que les interventions musicales ont un impact positif sur la maturation cérébrale des prématurés par le biais de mécanismes complexes. Bien que les voies exactes restent floues, les résultats soulignent le rôle neuroprotecteur potentiel de la musique dans les soins néonatals. Les résultats de l’étude actuelle soulignent la nécessité de mener des études mécanistes plus complètes pour clarifier comment la musique peut favoriser les résultats neurodéveloppementaux chez les prématurés.
L’étude actuelle révèle que les nourrissons qui étaient éveillés avant l’exposition à la musique avaient tendance à s’endormir plus fréquemment après l’intervention. La transition la plus fréquemment observée était d’un état d’éveil calme à un état de sommeil calme. Ces résultats soulignent l’importance des interventions musicales pour améliorer le cycle du sommeil chez les nourrissons prématurés.
L’étude n’a pas permis de déceler de différences significatives dans la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire et la saturation en oxygène du sang entre les nourrissons exposés et ceux qui n’y ont pas été exposés. Ces résultats confirment que la musique peut améliorer le confort et le sommeil sans induire de stress ni affecter les signes vitaux.
Dans cette étude, une berceuse instrumentale a été utilisée comme intervention musicale, ce qui a permis d'éviter tout effet de confusion possible lié à la vocalisation et à la sensibilité culturelle, compte tenu du contexte multiculturel des parents des nourrissons. Ces facteurs ont collectivement contribué à prévenir l'hétérogénéité et à accroître la généralisabilité des résultats de l'étude. Il est important de noter que la musique n'a jamais dépassé le niveau de décibels recommandé de 55 dB, conformément aux directives sensorielles néonatales.
Outre ces résultats positifs, l’étude comporte certaines limites. Comme l’ont mentionné les scientifiques, l’étude a été réalisée en aveugle auprès des parents et des infirmières en exposant les nourrissons à de la musique tout au long de la journée. Ainsi, les scientifiques n’ont pas pu prendre en compte les heures d’alimentation ou les soins kangourous récents, qui sont associés à des transitions de sommeil plus rapides et à une meilleure oxygénation du sang du nourrisson.
De plus, l’échelle de vigilance utilisée dans l’étude, bien qu’utile pour évaluer le confort, n’a pas été spécifiquement conçue pour classer les états de sommeil. Cette limitation signifie que les résultats sur le sommeil doivent être interprétés avec prudence.
Les scientifiques soulignent la nécessité de réaliser des études futures pour déterminer de manière plus précise et à long terme l'impact de la musique sur la croissance cérébrale, le confort, le sommeil et les signes physiologiques des prématurés. Ils insistent en particulier sur l'utilisation de la classification comportementale des stades du sommeil pour les prématurés (BeSSPI) récemment validée pour déterminer plus précisément l'état de sommeil et d'éveil des prématurés après une exposition à la musique.
Les scientifiques travaillent actuellement sur un projet visant à explorer l’impact de la même intervention musicale sur le développement structurel et fonctionnel du cerveau chez les nourrissons prématurés.