TrialTranslator révèle l’écart de survie des patients à haut risque et ouvre la voie à une meilleure recherche sur le cancer.
Étude: Évaluation de la généralisabilité des résultats des essais en oncologie à des patients du monde réel à l'aide d'émulations d'essais basées sur l'apprentissage automatique. Crédit d’image : Komsan Loonprom/Shutterstock.com
De nombreux résultats d’essais sur le cancer ne se généralisent pas bien aux patients du monde réel. Une équipe de recherche a exploré ce problème avec TrialTranslator, un cadre d’apprentissage automatique qui teste systématiquement la généralisabilité des résultats des ECR sur le cancer. Résultats publiés dans Médecine naturelle.
Sommaire
Faible généralisabilité des résultats des ECR
Les essais contrôlés randomisés (ECR) sont considérés comme la référence en matière d'évaluation des thérapies contre le cancer. Cependant, leurs résultats ne parviennent souvent pas à être transposés dans des contextes réels, laissant les patients, les médecins et les organismes de réglementation des médicaments préoccupés par la généralisabilité limitée de ces résultats.
En oncologie, les durées de survie réelles et les bénéfices thérapeutiques sont souvent nettement inférieurs à ceux rapportés dans les ECR, la survie globale médiane (mOS) étant parfois réduite jusqu'à six mois. Les nouveaux agents anticancéreux, tels que les inhibiteurs de points de contrôle, sont également moins performants lorsqu’ils sont appliqués aux diverses populations de patients observés en dehors des essais cliniques.
Raisons de la différence
L’une des principales raisons de cette lacune réside dans les critères d’éligibilité restrictifs souvent utilisés dans les ECR, qui créent des populations étudiées qui ne reflètent pas la diversité des patients du monde réel. Les participants aux essais sont souvent plus jeunes, en meilleure santé et moins susceptibles de souffrir de comorbidités.
Des préjugés non officiels, tels que la sélection préférentielle basée sur la race ou le statut socio-économique, peuvent également influencer le recrutement. Ces limites ne tiennent pas compte de l’hétérogénéité des patients du monde réel, dont les résultats peuvent varier considérablement, même avec des protocoles de traitement identiques.
La présente étude visait à résoudre ce problème en améliorant la prédiction des résultats réels des traitements contre le cancer évalués dans les ECR de phase 3. Pour ce faire, les chercheurs ont développé TrialTranslator, un cadre d’apprentissage automatique (ML) conçu pour évaluer systématiquement la généralisabilité des résultats des ECR.
En tirant parti des dossiers de santé électroniques (DSE) et des algorithmes avancés de ML, le cadre identifie les modèles et les phénotypes susceptibles d'influencer les résultats du traitement, permettant ainsi une évaluation plus nuancée des avantages en matière de survie parmi divers groupes de patients.
À propos de l'étude
À l’aide d’une base de données nationale complète de DSE de Flatiron Health, les chercheurs ont appliqué TrialTranslator pour évaluer 11 ECR marquants. Ces essais portaient sur quatre des cancers solides avancés les plus courants : le cancer du sein métastatique (mBC), le cancer métastatique de la prostate (mPC), le cancer colorectal métastatique (mCRC) et le cancer du poumon non à petites cellules avancé (aNSCLC).
Chaque ECR a été imité en identifiant des patients du monde réel présentant des types de cancer, des profils de biomarqueurs et des schémas thérapeutiques correspondants.
Les patients ont été stratifiés en trois phénotypes pronostiques (risque faible, risque moyen et risque élevé) en fonction de leurs scores de risque de mortalité dérivés des modèles ML. Le cadre a ensuite évalué les résultats de survie, y compris la mOS et la durée de survie moyenne restreinte (RMST), pour comparer les effets du traitement sur ces phénotypes avec les résultats rapportés dans les ECR originaux.
Principales conclusions : un écart de résultats dépendant du risque
L'étude a révélé une disparité frappante entre les résultats des ECR et les résultats réels :
- Patients à risque faible et moyen : ces phénotypes ont démontré des durées de survie et des avantages thérapeutiques étroitement alignés sur les résultats de l'ECR. Par exemple, les patients à faible risque ont souvent bénéficié de bénéfices de survie similaires à ceux rapportés dans les essais cliniques, avec seulement une réduction mineure de la mOS (environ deux mois).
- Patients à haut risque : En revanche, les phénotypes à haut risque ont montré des résultats significativement moins bons. Les bénéfices en matière de survie étaient nettement réduits – 62 % inférieurs aux estimations des ECR – et se situaient souvent en dehors des intervalles de confiance de 95 % rapportés dans les essais initiaux. Sept des onze essais émulés n'ont pas réussi à démontrer une amélioration cliniquement significative de la survie (supérieure à trois mois) pour les patients à haut risque.
Dans l'ensemble, les essais imités ont systématiquement estimé des résultats de survie qui étaient, en moyenne, 35 % inférieurs à ceux rapportés dans les ECR. Cette disparité met en évidence les défis liés à la transposition des résultats des essais à des populations réelles plus hétérogènes.
Validation robuste des résultats
La robustesse de ces résultats a été confirmée par une validation approfondie. Les analyses de sous-groupes, les simulations de données semi-synthétiques et les critères d'éligibilité alternatifs ont démontré des résultats cohérents, renforçant la fiabilité de TrialTranslator. Les analyses de sensibilité ont également montré que des critères d'éligibilité plus stricts avaient peu d'impact sur les disparités observées, ce qui suggère que le pronostic des patients, plutôt que les critères d'inclusion, joue un rôle plus critique dans la détermination des résultats du traitement.
Implications pour l'oncologie
Ces résultats soulignent la nécessité d’un changement de paradigme dans la conception et l’interprétation des essais cliniques. Les ECR actuels négligent souvent l’hétérogénéité pronostique des patients du monde réel, ce qui contribue à leur généralisabilité limitée. Les patients à haut risque, en particulier, sont mal desservis par les essais existants, car leurs résultats s'écartent considérablement des résultats des ECR.
Des outils comme TrialTranslator offrent une solution prometteuse. En intégrant les données dérivées du DSE au phénotypage basé sur le ML, ils peuvent fournir des prédictions personnalisées des bénéfices du traitement au niveau de chaque patient. Cela permet une prise de décision clinique plus éclairée, aidant les patients et les cliniciens à définir des attentes réalistes quant aux résultats du traitement.
De plus, ces outils pourraient révolutionner la conception des essais en donnant la priorité au pronostic des patients par rapport aux critères d’éligibilité traditionnels. En stratifiant les patients en fonction des phénotypes de risque, les futurs essais pourraient mieux représenter l’ensemble des patients atteints de cancer et fournir des estimations plus précises de l’efficacité du traitement.
Conclusion
« Cette étude met en évidence le rôle important que joue l'hétérogénéité pronostique dans la généralisabilité limitée des résultats des ECR », concluent les auteurs. Alors que les patients à risque faible ou moyen peuvent bénéficier comme prévu des thérapies anticancéreuses, les patients à risque élevé voient souvent leurs gains de survie diminués.
Les frameworks basés sur le ML comme TrialTranslator pourraient aider à combler cette lacune, en permettant des essais plus inclusifs et de meilleurs résultats dans le monde réel. Avec des outils comme celui-ci, l’oncologie peut se rapprocher d’approches thérapeutiques véritablement personnalisées qui tiennent compte des divers besoins des patients du monde réel.