La dérégulation de la sérotonine joue un rôle dans de nombreux troubles psychiatriques, y compris la dépression sévère et l’anxiété. Dans la revue Angewandte Chemie, une équipe de recherche vient de mettre au point un microcapteur électrochimique implantable qui permet d’étudier en temps réel la dynamique de la sérotonine dans le cerveau. Contrairement aux capteurs précédents, ceux-ci ne sont pas désactivés par le dépôt de produits d’oxydation de la sérotonine car la mesure s’effectue sans circulation de courant.
La sérotonine, également appelée « hormone du bonheur », est l’un de nos neurotransmetteurs les plus importants, régulant de nombreux processus dans notre cerveau, en particulier nos sentiments, mais aussi l’appétit, la mémoire et le sommeil. Une meilleure compréhension de ces processus au niveau moléculaire pourrait améliorer le diagnostic et le traitement des maladies mentales. Les méthodes électrochimiques précédentes fonctionnaient avec une microélectrode, sur laquelle la sérotonine est directement oxydée et le courant résultant est mesuré. Cependant, les produits d’oxydation résultants polymérisent, adhèrent à la surface de l’électrode (encrassement) et désactivent rapidement le capteur (perte de signal d’environ 90 % en 30 minutes).
Une équipe dirigée par Ying Jiang et Lanqun Mao de l’Université normale de Pékin et de l’Académie chinoise des sciences (Pékin, Chine) a maintenant développé un capteur de sérotonine qui fournit des signaux extrêmement stables, même lors d’expériences à long terme, car presque aucun encrassement dû à la sérotonine oligomères se produit. La méthode est basée sur la potentiométrie redox galvanique (GRP), qui est une technique à courant nul.
Le cœur du capteur est une minuscule électrode bipolaire, qui peut être décrite de manière simpliste comme une tige dont une extrémité dépasse dans le liquide mesuré tandis que l’autre se trouve dans une solution d’électrolyte avec des propriétés électrochimiques qui sont précisément ajustées à la molécule d’analyte. Un contact électrique est établi exclusivement par la solution d’électrolyte. A une extrémité de l’électrode, un équilibre électrochimique est établi entre les ions de l’électrolyte dans divers états de charge (dans ce cas : IrCl62–/IrCl63–), à l’autre extrémité, il y a un équilibre entre la sérotonine et sa forme oxydée. En utilisant un dispositif de mesure de la tension, il est possible de mesurer la différence de potentiel qui s’établit spontanément par rapport à une électrode de référence. Cette différence dépend de la concentration de sérotonine. Étant donné que seule la tension est mesurée et qu’aucun courant ne circule, il n’y a presque pas de dépôt de produits de sérotonine oligomère. Des mesures quantitatives sont possibles sur une large gamme de concentrations et sur une longue période de temps.
Des capteurs implantés dans le cerveau de cobayes ont pu suivre en temps réel la libération de sérotonine après stimulation avec des ions potassium. L’équipe a fait une observation intéressante après avoir administré de l’escitalopram, un inhibiteur de la recapture de la sérotonine souvent prescrit pour traiter la dépression sévère et les troubles anxieux. Son activité semble dépendre plus fortement du ralentissement du processus de captation que de la modulation de la concentration extracellulaire de sérotonine. Cette idée pourrait être importante pour le traitement des troubles psychiatriques.