Une nouvelle étude publiée dans la revue eBioMédecine prédit si l’introduction généralisée d’un vaccin contre le groupe A Streptocoque (Strep A) pourrait réduire l’utilisation d’antibiotiques pour les maux de gorge.
Étude: Consommation d’antibiotiques pour les maux de gorge et effet potentiel d’un vaccin contre le streptocoque du groupe A : une revue systématique et une étude de modélisation. Crédit d’image : goodluz/Shutterstock.com
Introduction
La plupart des maux de gorge résultent d’infections virales ; cependant, le streptocoque A est la principale cause de pharyngite bactérienne aiguë ou d’amygdalite. Cliniquement, les maux de gorge d’origine virale et bactérienne sont associés à des symptômes similaires. Il est à la fois coûteux et long de différencier les infections virales des infections bactériennes au moyen de tests de diagnostic, limitant ainsi leur utilisation dans les contextes les plus pauvres.
Dans certains cas, ces infections peuvent entraîner des complications graves, notamment le syndrome de choc toxique streptococcique (SCT), le rhumatisme articulaire aigu culminant en cardiopathie rhumatismale et la glomérulonéphrite post-streptococcique. En conséquence, des antibiotiques de précaution contre le Strep A sont souvent prescrits, celui-ci étant respectivement la deuxième et la troisième cause de prescription d’antibiotiques en Europe et aux États-Unis.
Le développement d’un vaccin contre le streptocoque A a été proposé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme une priorité mondiale..»
Qu’a montré l’étude ?
L’étude actuelle estime les taux actuels de consommation d’antibiotiques pour les maux de gorge en termes absolus et relatifs, identifie les antibiotiques prescrits pour cette indication et estime la réduction qui pourrait potentiellement suivre le déploiement des vaccins contre le streptocoque A.
Les chercheurs ont analysé environ 100 études sur l’utilisation d’antibiotiques contre les maux de gorge provenant de 38 pays. En moyenne, cinq cures d’antibiotiques ont été prescrites pour les maux de gorge pour 100 populations par an.
De plus, une cure d’antibiotiques sur 20 était utilisée dans le monde, ce taux d’utilisation atteignant jusqu’à une sur sept dans certains pays. Le taux moyen chez les jeunes était d’environ 13, tandis que chez les adultes, il était de six pour 100 habitants par an.
Sur la base des estimations de 2020 des taux de prescription empiriques, on estime que 37 millions de traitements antibiotiques ont été prescrits chaque année pour traiter les maux de gorge. En 2020, environ neuf millions d’enfants âgés de cinq à 14 ans ont reçu des antibiotiques contre les maux de gorge. Parmi ceux-ci, environ 50 % étaient une réponse à des infections diagnostiquées à Strep A, qui provoquent environ 600 millions de cas de maux de gorge chaque année.
Les études sur les taux de prescription ont été principalement réalisées dans les pays à revenu élevé (HIC), les plus courants étant les États-Unis, le Royaume-Uni et deux pays scandinaves. Les pays d’origine de ces études représentaient environ un dixième de la population mondiale de tous âges et la moitié de la population des pays à revenu élevé.
Ces pays représentaient environ 5 % des enfants du monde, contre plus de la moitié des enfants des HIC et seulement 1 % des pays à revenu intermédiaire. Les pays à faible revenu (PFR) n’étaient pas représentés.
Les pénicillines étaient le plus souvent prescrites pour les maux de gorge, les macrolides, les lincosamides et d’autres bêta-lactamines étant également couramment prescrits. L’amoxicilline-clavulanate était le plus fréquemment mentionné parmi les antibiotiques non utilisés conformément aux directives nationales en vigueur.
Les antibiotiques sont souvent prescrits en raison de la pression du patient, de ses attentes ou de la peur de perdre ou de gâcher une bonne relation patient-praticien. Cependant, la prescription d’antibiotiques à des patients qui n’en bénéficieront probablement pas peut avoir des effets importants sur la santé.
Supposons qu’un vaccin efficace soit introduit contre le streptocoque A, offrant une protection d’environ 10 ans et atteignant une couverture de 80 %. Dans ce cas, on estime que cela permettrait d’éviter près de trois millions de traitements antibiotiques prescrits pour les maux de gorge chez les enfants âgés de cinq à 14 ans, le groupe dont les taux d’utilisation sont maximaux. Cette estimation représente plus de 30 % des prescriptions actuelles, en supposant que les prestataires prescriront toujours au rythme actuel en cas de maux de gorge.
La vaccination pourrait également réduire les prescriptions d’antibiotiques contre les maux de gorge en prévenant une proportion significative des infections à Strep A. Cela réduirait les prescriptions d’antibiotiques pour les maux de gorge d’au moins 7,5 millions par an.
Les vaccins pourraient réduire les prescriptions d’antibiotiques de plus de 40 % grâce à une couverture et une efficacité accrues. Les HIC réduiraient considérablement la prescription d’antibiotiques pour les maux de gorge, en particulier aux Pays-Bas, où les taux de prescription sont faibles.
Quelles sont les implications ?
Il reste difficile de confirmer l’utilisation mondiale d’antibiotiques contre les maux de gorge et la quantité de ces antibiotiques utilisée pour traiter les infections à Strep A.
Notamment, aucune étude n’a été réalisée dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFI) malgré les taux relativement plus élevés de complications graves post-Strep A dans ces pays. Il est donc crucial d’explorer l’utilisation des antimicrobiens pour le mal de gorge dans ces pays, car cela pourrait être une cause potentielle de résistance aux antimicrobiens.
L’étude actuelle ne tient pas compte de l’immunité collective contre le streptocoque A ni de la possibilité d’un besoin moindre d’utilisation globale d’antibiotiques pour les maux de gorge. La diminution de l’efficacité du vaccin au fil du temps n’a pas non plus été modélisée.
Néanmoins, les résultats de l’étude indiquent que l’introduction d’un vaccin efficace contre le streptocoque A pourrait réduire d’au moins 33 % les prescriptions d’antibiotiques pour les maux de gorge. L’ampleur de cette réduction varierait en fonction des modifications des comportements de prescription des prestataires de soins de santé et des changements dans la consommation d’antibiotiques.
Ainsi, l’impact de la vaccination sur les taux de prescription d’antibiotiques est aussi élevé, voire supérieur, que l’effet de l’amélioration des paramètres du vaccin, notamment la couverture vaccinale, l’efficacité ou la durée de la protection.