Dans un article scientifique récent publié dans la revue Actes de l’Académie nationale des sciencesles chercheurs ont exploré comment les caractéristiques structurelles et les connotations émotionnelles de la musique peuvent évoquer des sensations dans différentes parties du corps et si ces effets sont cohérents entre les individus de différentes cultures.
Leurs résultats mettent en évidence la nature subjective de l’écoute de musique tout en montrant que certaines associations entre la musique et les réponses émotionnelles et corporelles qu’elle suscite transcendent les frontières culturelles.
Étude : Cartes corporelles des sensations musicales à travers les cultures. Crédit d’image : fizkes/Shutterstock
Sommaire
Arrière-plan
Certaines réponses universelles à la musique émergent dès la petite enfance, notamment le fait de bouger le pied et de hocher la tête. On sait que la musique active les régions du cerveau qui contrôlent les réponses sensori-motrices même sans mouvement et peut modifier le système nerveux autonome (SNA) en affectant la respiration, la fréquence cardiaque et la température corporelle. Parallèlement, il peut provoquer des réponses endocrinologiques telles que la modification des niveaux d’ocytocine et de cortisol.
La nature omniprésente de ces réponses suggère que la musique pourrait remplir une fonction évolutive importante mais encore inconnue. Cette hypothèse est renforcée par l’observation selon laquelle la musique et la danse sont au cœur de la vie sociale dans les cultures du monde entier. Des recherches antérieures ont montré qu’il existe des similitudes interculturelles dans les émotions non liées à la musique, mais la cohérence des sensations corporelles évoquées par la musique d’une culture à l’autre n’a pas été examinée.
À propos de l’étude
Dans cette étude, les chercheurs ont exploré comment les caractéristiques acoustiques et émotionnelles de la musique induisent différentes sensations corporelles subjectives. Pour voir si ces effets étaient cohérents d’une culture à l’autre, l’étude a inclus à la fois des participants occidentaux d’Europe occidentale et des États-Unis, ainsi que des participants d’Asie de l’Est venant de Chine.
La base de données musicale comprenait 72 chansons, dont la moitié étaient occidentales et l’autre moitié chinoise. Les chansons ont été classées comme tristes, joyeuses, tendres, agressives, tendres et groovy (dansantes). Chaque participant a réalisé 12 essais ; dans chacun, un clip musical était diffusé et on leur donnait le contour noir d’un corps humain. On leur a demandé de marquer les parties du corps qui, selon eux, étaient stimulées par la musique.
Topographies des sensations corporelles évoquées par chaque catégorie de chansons chez les auditeurs d’Asie occidentale et orientale. Les cartes montrent les régions dont l’activation a augmenté lors de l’écoute de chansons de chaque catégorie (en moyenne sur les chansons de chaque catégorie, P < 0,05 FDR corrigé). Les coefficients de corrélation indiquent la corrélation entre les BSM des participants occidentaux et est-asiatiques pour chaque émotion.
Les chercheurs ont utilisé ces chiffres pour générer des cartes des sensations corporelles (BSM). Celles-ci ont été analysées pour quantifier l’effet des différentes catégories musicales, en tenant compte du groupe culturel (occidental/asiatique de l’Est) des auditeurs. Dans une expérience distincte, il a été demandé à un groupe différent de participants d’évaluer les chansons du même ensemble de données en fonction de leur sympathie, de leur familiarité, de leur tristesse, de leur bonheur, de leur agressivité, de leur tendresse et de leur groovyness, ainsi que de leur niveau d’énergie, de détente et d’irritation.
Résultats
Les sentiments subjectifs envers la musique des participants est-asiatiques et occidentaux étaient fortement corrélés, ce qui suggère que les individus des deux cultures avaient des expériences émotionnelles cohérentes. La principale différence concernait la familiarité, car les participants occidentaux connaissaient mieux les chansons occidentales que les chansons d’Asie de l’Est, et vice versa.
Les résultats des BSM ont indiqué que les participants ressentaient les effets des chansons tristes ou tendres au niveau de la tête et de la poitrine ; En particulier chez les participants occidentaux, l’effet des chansons effrayantes s’est fait sentir dans les tripes. Les effets des chants dansants et joyeux se faisaient sentir sur tout le corps mais se concentraient principalement dans les membres. Les musiques qualifiées d’agressives étaient également ressenties sur tout le corps, mais surtout dans la tête.
La principale différence entre les participants est-asiatiques et occidentaux aux BSM était que les premiers ont signalé une activation plus cohérente de la tête, des jambes et des bras dans toutes les catégories. Les participants des pays occidentaux ont également déclaré se sentir plus constamment activés au niveau de la poitrine pour les chansons tristes et tendres.
Les matrices de similarité ont montré des niveaux élevés de corrélation et de corrélation croisée entre les participants d’Asie de l’Est et d’Occident pour les BSM et les évaluations de la dimension émotionnelle. Notamment, les mêmes caractéristiques musicales étaient associées à des dimensions d’irritation, d’agressivité, de peur, d’énergie, de danse, de tendresse, de tristesse et de bonheur par les individus des deux cultures. Par exemple, la tendresse et la tristesse étaient associées à de légers changements harmoniques, à une faible rugosité et à des tonalités claires, tandis que des tonalités peu claires et des rythmes complexes étaient associés à la peur ou à l’agressivité.
(A) BSM pour PC1 (Valence) et PC2 (éveil) chez les participants d’Asie occidentale et orientale (P < 0,05 FDR corrigé). (B) Partitions PC en termes de chansons.
Conclusions
Ces résultats indiquent que les émotions et les sensations corporelles évoquées par la musique sont cohérentes dans toutes les cultures. Ils soulignent également comment la musique peut faire ressortir des sensations corporelles fortes mais subjectives, fortement associées à l’expérience émotionnelle et auditive.
Les auteurs notent que leur étude est limitée par le fait qu’elle se concentre uniquement sur deux cultures distantes (mais non isolées) et ne peut donc pas capturer d’autres variations dépendantes de la culture. Des recherches futures pourraient enrichir cet ensemble de connaissances en considérant plusieurs groupes culturels et en examinant comment leurs réponses varient les unes des autres selon un continuum de distance. Une autre limite fondamentale est que les informations sur les sensations corporelles étaient autodéclarées – les futurs travaux dans ce domaine pourraient également collecter des données sur les changements physiologiques.