Dans une revue récente publiée dans Psychiatrie Moléculaireun groupe d’auteurs a décodé l’architecture génétique de la schizophrénie, exploré son chevauchement avec d’autres troubles et abordé les défis et les orientations futures d’une recherche génétique inclusive et avancée.
Sommaire
Arrière-plan
La schizophrénie, un trouble psychiatrique dont la prévalence au cours de la vie est de 1 %, se caractérise par un spectre complexe de symptômes qui perturbent les fonctions cérébrales. Le diagnostic de la schizophrénie, basé sur des symptômes divers et des frontières floues avec d’autres pathologies, souligne son hétérogénéité, compliquant le traitement géré principalement par des antipsychotiques.
Ces médicaments ne parviennent toutefois pas à traiter tous les symptômes et sont inefficaces pour environ 30 % des patients, ce qui souligne le besoin urgent de meilleures thérapies.
Des recherches plus approfondies sont essentielles en raison de l’héritabilité et de la complexité élevées de la schizophrénie, des frontières floues avec d’autres troubles psychiatriques et du bien-être, des limites des traitements actuels et du besoin urgent de progrès thérapeutiques ancrés dans une compréhension plus profonde de sa génétique et de sa physiopathologie.
Architecture génétique de la schizophrénie
Variantes génétiques courantes et leur influence
De récentes études d’association pangénomiques à grande échelle (GWAS) révèlent le rôle de variantes communes dans la schizophrénie, avec plus de 300 000 individus mettant en évidence 287 associations, y compris le locus du gène ZNF804A.
Ces variantes, chacune avec des effets mineurs, expliquent collectivement une variance minimale du trouble, soulignant l’extrême polygénicité de la schizophrénie. Beaucoup restent inconnus, souvent situés à proximité de gènes vitaux pour le fonctionnement cérébral et la structure synaptique, ce qui indique leur importance potentielle dans la maladie.
Importance des variantes génétiques rares
Les variantes rares du nombre de copies (CNV) jouent un rôle central dans la schizophrénie, des anomalies telles que la délétion 22q11.2 posant des facteurs de risque importants, bien que dans un nombre limité de cas. À l’inverse, certaines CNV, notamment la duplication 22q11.2, présentent des attributs protecteurs contre la schizophrénie, marquant ainsi une frontière thérapeutique potentielle.
De plus, le séquençage de l’exome souligne l’influence de variantes codantes rares (RCV) dans la schizophrénie. Les VCR spécifiques liées à la maladie restent insaisissables en raison des contraintes de recherche ; cependant, une agrégation de ces variantes dans des gènes neurologiquement pertinents parmi les individus affectés met en évidence des pistes prometteuses pour des investigations et des interventions imminentes.
Comprendre l’héritabilité de la schizophrénie : connaissances et inconnues
Contributions génétiques et lacunes dans la compréhension
La schizophrénie, un trouble psychiatrique complexe, a une héritabilité estimée entre 60 et 80 %, principalement attribuée à des allèles héréditaires. Cependant, la répartition de cette héritabilité entre les différents allèles n’est pas entièrement comprise.
Les données actuelles révèlent que les allèles détectables via GWAS contribuent de manière significative à environ 25 % de l’héritabilité, tandis que les RCV et les grandes CNV rares représentent chacune environ 2 %.
Malgré ces connaissances, il existe un écart important entre l’héritabilité expliquée et les estimations issues des études génétiques classiques, ce qui suggère l’existence d’allèles non encore détectables avec la technologie actuelle.
Les progrès dans les technologies de séquençage du génome entier et à lecture longue devraient combler cette lacune, en fournissant des informations sur les allèles non codants rares et d’autres facteurs génétiques insaisissables.
L’impact de l’ascendance sur les études génomiques
La recherche sur la schizophrénie implique principalement des participants d’origine européenne, ce qui met en évidence un manque de diversité. Des études impliquant d’autres ascendances, comme les Asiatiques de l’Est, suggèrent une architecture génétique commune à travers les populations.
Cependant, l’efficacité de la notation des risques polygéniques, un outil ayant des applications potentielles en matière de soins de santé, varie considérablement selon les ethnies. S’attaquer à ce biais eurocentrique est crucial pour des soins de santé équitables et pourrait améliorer la découverte en raison des variations des fréquences alléliques d’une population à l’autre.
Pléiotropie et risques génétiques superposés
Le chevauchement génétique, ou pléiotropie, est évident parmi les troubles psychiatriques, les allèles à risque partagés indiquant des points communs biologiques. La schizophrénie présente une corrélation génétique significative avec le trouble bipolaire, et les deux affections partagent des caractéristiques cliniques. Cependant, ils ne sont pas entièrement synonymes, ce qui indique des fondements biologiques distincts.
De plus, le risque génétique de la schizophrénie chevauche davantage les troubles neurodéveloppementaux (TND) comme la déficience intellectuelle, l’autisme et le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), en particulier concernant les allèles rares.
Hétérogénéité symptomatique et observations transdiagnostiques
Le spectre symptomatique de la schizophrénie, dont les expressions cognitives et psychiatriques varient, s’aligne partiellement sur les scores de risque polygénique individuels. L’absence de cette tendance dans les symptômes positifs met en évidence la diversité étiologique de la maladie, nécessitant des approches de recherche génétique étendues.
Déficience cognitive et schizophrénie : une interaction complexe
Les déficits cognitifs, caractéristiques de la schizophrénie, affectent profondément la vie des patients, avec environ 5 % de la susceptibilité à la schizophrénie potentiellement liée à des allèles communs influençant la cognition.
Malgré le lien génétique négatif de la schizophrénie avec les capacités cognitives, les scores de risque polygénique (PRS) donnent lieu à des prédictions cognitives incohérentes parmi les individus affectés. Des variations génétiques spécifiques, notamment les CNV et les variantes ultra-rares, sont associées à une performance cognitive réduite.
Il est intéressant de noter que le déclin cognitif prémorbide est principalement corrélé aux scores généraux de risque polygénique du quotient intellectuel (QI PRS), avec un impact minimal des allèles courants spécifiques à la schizophrénie, mais une influence notable des allèles à risque rares.
La relation entre la prédisposition génétique à la schizophrénie et la trajectoire cognitive après son apparition nécessite une exploration plus approfondie.
Comprendre la résistance aux évolutions et aux traitements dans la schizophrénie
Les indicateurs d’une trajectoire de schizophrénie plus grave, comme des hospitalisations fréquentes ou prolongées, montrent une forte corrélation familiale et une association avec un PRS de schizophrénie élevé. La relation entre les variantes génétiques courantes et la schizophrénie résistante au traitement (TRS) reste ambiguë, potentiellement en raison de variations dans les conceptions des études et dans les définitions du TRS.
Cependant, des études plus approfondies suggèrent des similitudes dans l’architecture génétique de la schizophrénie TRS et non-TRS, la TRS étant potentiellement plus fortement liée aux origines neurodéveloppementales. La recherche génétique pointe vers une charge élevée de certaines variantes rares chez les individus TRS, mais les résultats ne sont pas uniformes. Des conclusions plus définitives attendent des recherches plus approfondies et la réplication des études existantes.
Connaissances génétiques et paradoxe évolutif de la schizophrénie
Malgré son impact significatif sur le succès reproducteur, la schizophrénie persiste dans les populations, présentant un paradoxe évolutif. La fréquence des mutations à haut risque et à fort impact est contrebalancée par de nouvelles mutations, comme le confirment les études sur les CNV associées au risque. Bien que les variantes individuelles à fort impact soient rares, l’étendue des gènes impliqués dans la schizophrénie signifie que ces variations collectives se produisent plus fréquemment que prévu. Les allèles communs, théoriquement soumis à une sélection positive en raison d’effets pléiotropes, s’avèrent en réalité sous-représentés dans les associations de schizophrénie.
La sélection purificatrice caractérise principalement les variantes à risque de schizophrénie, mais l’effet est léger pour celles identifiées par GWAS, permettant à ces allèles de persister grâce à un modèle de mutation-sélection-dérive. Certains loci peuvent présenter une sélection positive ou équilibrée, mais dans l’ensemble, les données indiquent un rôle primordial pour la sélection purificatrice dans l’épidémiologie génétique de la schizophrénie.
Redéfinir la recherche psychiatrique grâce au chevauchement génétique
Les troubles psychiatriques présentent des chevauchements génétiques, remettant en question les frontières diagnostiques traditionnelles et exigeant des approches dépassant les catégories actuelles. Plutôt que d’abandonner la recherche centrée sur le diagnostic, nous avons besoin de méthodes supplémentaires axées sur les symptômes, la cognition, l’étiologie ou les facteurs environnementaux.
Cela nécessite des données génomiques robustes et un phénotypage nuancé, tandis que la complexité génétique de maladies comme la schizophrénie nécessite une interprétation prudente du risque génétique.
La schizophrénie sur le spectre neurodéveloppemental
Les liens génétiques entre la schizophrénie, l’autisme et le TDAH indiquent une origine neurodéveloppementale commune.
La répartition inégale des mutations génétiques rares suggère un continuum de troubles influencés par la charge de mutation et l’accumulation de variantes génétiques communes. Cela plaide pour une approche transdiagnostique, remodelant les perspectives cliniques et la nosologie.
Neurobiologie éclairée par la génétique
La schizophrénie reflète des troubles neuronaux généralisés, en particulier des dysfonctionnements synaptiques, plutôt que d’être confinée à des zones spécifiques du cerveau. Cette théorie, étayée par l’imagerie cérébrale, porte sur ses divers symptômes et impacts cognitifs. Les symptômes sont en corrélation avec des dysfonctionnements de divers circuits neuronaux, impliquant des conséquences variées d’anomalies neuronales.
Les connaissances génétiques incitent à la recherche utilisant des modèles animaux et cellulaires, bien que la pléiotropie des mutations à risque indique que ces modèles ne reflètent pas des diagnostics distincts mais plutôt des aberrations neurodéveloppementales générales, soulignant l’importance d’une compréhension intégrée.