Une équipe de l’UNIGE a identifié une cible potentielle pour restaurer l’efficacité d’un traitement standard chez les patients résistants.
De nombreuses patientes atteintes d’un cancer du sein développent une résistance aux traitements médicamenteux standard visant à empêcher la croissance des cellules cancéreuses. Une équipe de l’Université de Genève (UNIGE) a identifié un régulateur moléculaire impliqué dans ces mécanismes de résistance. La perte de ce régulateur entraîne la prolifération des cellules cancéreuses – même si elles sont traitées – par une voie de signalisation qui peut elle-même être inhibée par un autre traitement. Les découvertes de l’équipe permettent d’envisager une bithérapie pour certains patients dont les tumeurs ne répondent plus au traitement standard. Cet ouvrage peut être lu dans la revue Cancers.
Chez la majorité des patientes atteintes d’un cancer du sein, l’une des hormones féminines – l’œstrogène – joue un rôle nocif. Dans environ les deux tiers des cancers du sein, les tumeurs contiennent un récepteur pour cette hormone, qui est produite par les ovaires. Lorsque l’œstrogène se lie à son récepteur, il stimule la croissance des cellules cancéreuses. Pour traiter ces formes de tumeurs sensibles aux hormones, il est possible d’avoir recours à l’hormonothérapie qui consiste en un traitement médicamenteux pour empêcher la stimulation des cellules cancéreuses par l’hormone féminine.
Plus d’un tiers des patients deviennent résistants au traitement
La molécule standard utilisée dans le traitement du cancer du sein hormono-sensible est le tamoxifène. Cette molécule, qui se lie aux récepteurs des œstrogènes pour les bloquer, empêche la liaison des œstrogènes et donc la stimulation de la croissance des cellules cancéreuses. Cependant, chez environ 40 % des patients traités, les cellules cancéreuses finissent par développer une résistance à cette molécule.
Le laboratoire du professeur Didier Picard du Département de biologie moléculaire et cellulaire de la Faculté des sciences de l’UNIGE s’intéresse aux mécanismes moléculaires responsables de ces phénomènes de résistance. Les biologistes ont utilisé une approche génétique sur des lignées cellulaires cancéreuses pour rechercher des facteurs favorisant le développement de la résistance au tamoxifène. « Nous avons utilisé la technique des ciseaux moléculaires CRISPR/Cas9 pour générer des cellules dans lesquelles un gène différent était prélevé à chaque fois. Nous avons ensuite observé les cellules cancéreuses capables de proliférer même en présence de tamoxifène », explique Vasiliki Vafeiadou, étudiant en master au Département de biologie moléculaire et cellulaire et premier auteur de l’étude. Ainsi, les scientifiques ont identifié que de faibles niveaux de la protéine SPRED2 rendent les cellules cancéreuses résistantes au traitement.
Combiner les médicaments pour un meilleur traitement
Lorsqu’elle est présente en quantité suffisante, cette protéine empêche la croissance cellulaire en bloquant une voie de signalisation qui active la prolifération cellulaire. Lorsqu’il est absent – ou présent en faible quantité – alors la croissance cellulaire est activée, même en présence de tamoxifène, qui empêche la stimulation oestro-dépendante. « En analysant des bases de données répertoriant les niveaux d’expression de certains gènes chez les patients, nous avons pu constater que ceux qui avaient de faibles niveaux de SPRED2 avaient un pronostic plus sombre », explique Dina Hany, chercheuse au Département de biologie moléculaire et cellulaire et co-responsable auteur de l’étude.
Un traitement capable d’inhiber cette voie d’activation cellulaire indépendante des œstrogènes fait déjà l’objet d’essais cliniques. Les auteurs proposent donc d’associer le tamoxifène à cette autre molécule chez les patients à faible taux de SPRED2. « Il reste évidemment de nombreuses études à mener, mais cette combinaison de traitements pourrait être très prometteuse », conclut Didier Picard.
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