L’intelligence artificielle et l’imagerie infrarouge classent automatiquement les tumeurs et sont plus rapides que les méthodes précédentes.
Les immenses progrès réalisés dans le domaine des options thérapeutiques au cours des dernières années ont considérablement amélioré les chances de guérison des patients atteints d’un cancer du côlon. Cependant, ces nouvelles approches, telles que les immunothérapies, nécessitent un diagnostic précis afin d’être spécifiquement adaptées à l’individu. Des chercheurs du Center for Protein Diagnostics PRODI de l’Université de la Ruhr à Bochum, en Allemagne, utilisent l’intelligence artificielle en combinaison avec l’imagerie infrarouge pour adapter de manière optimale la thérapie du cancer du côlon à chaque patient. La méthode sans étiquette et automatisable peut compléter les analyses pathologiques existantes. L’équipe dirigée par le professeur Klaus Gerwert rend compte dans le « European Journal of Cancer » en janvier 2023.
Sommaire
Des informations approfondies sur les tissus humains en une heure
L’équipe PRODI a développé une nouvelle méthode d’imagerie numérique au cours des dernières années : l’imagerie infrarouge (IR) sans étiquette mesure la composition génomique et protéomique du tissu examiné, c’est-à-dire fournit des informations moléculaires basées sur les spectres infrarouges. Ces informations sont décodées à l’aide de l’intelligence artificielle et affichées sous forme d’images en fausses couleurs. Pour ce faire, les chercheurs utilisent des méthodes d’analyse d’images issues du domaine du deep learning.
En coopération avec des partenaires cliniques, l’équipe PRODI a pu montrer que l’utilisation des réseaux de neurones profonds permet de déterminer de manière fiable le statut dit microsatellite, un paramètre pronostiquement et thérapeutiquement pertinent, dans le cancer du côlon. Dans ce processus, l’échantillon de tissu passe par un processus automatisé standardisé, indépendant de l’utilisateur et permet une classification différentielle spatialement résolue de la tumeur en une heure.
Indication de l’efficacité des thérapies
Dans les diagnostics classiques, le statut des microsatellites est déterminé soit par une immunocoloration complexe de diverses protéines, soit par une analyse de l’ADN.
15 à 20 % des patients atteints d’un cancer du côlon présentent une instabilité des microsatellites dans le tissu tumoral. Cette instabilité est un biomarqueur positif indiquant que l’immunothérapie sera efficace. »
Professeur Andrea Tannapfel, directeur de l’Institut de pathologie de l’Université de la Ruhr
Avec les options thérapeutiques en constante amélioration, la détermination rapide et simple de ces biomarqueurs devient également de plus en plus importante. Sur la base des données microscopiques IR, les réseaux neuronaux ont été modifiés, optimisés et formés à PRODI pour établir des diagnostics sans étiquette. Contrairement à l’immunomarquage, cette approche ne nécessite pas de colorants et est nettement plus rapide que l’analyse de l’ADN. « Nous avons pu montrer que la précision de l’imagerie infrarouge pour déterminer l’état des microsatellites se rapproche de la méthode la plus couramment utilisée en clinique, l’immunocoloration », explique la doctorante Stephanie Schörner. « Grâce au développement et à l’optimisation constants de la méthode, nous nous attendons à une nouvelle augmentation de la précision », ajoute le Dr Frederik Groβerüschkamp.
Partenaires de coopération
Ce projet a été rendu possible grâce à une coopération intensive et de longue date entre l’Institut de pathologie de l’Université de la Ruhr (Professeur Andrea Tannapfel), la Clinique d’hématologie et d’oncologie de l’Hôpital St. Josef, Centre clinique de l’Université de la Ruhr (Professeur Anke Reinacher- Schick) et le Center for Protein Diagnostics (Professeur Klaus Gerwert).
Les chercheurs de PRODI ont pu accéder au registre moléculaire ColoPredict Plus 2.0, une étude de registre multicentrique non interventionnelle pour les patients atteints d’un cancer colorectal à un stade précoce, afin de développer cette approche diagnostique. « Le registre ColoPredict permet également une thérapie plus ciblée pour les patients grâce à l’analyse ciblée des biomarqueurs. Ainsi, le registre sert récemment de plateforme d’étude pour les approches d’oncologie de précision », explique Anke Reinacher-Schick. En plus de fournir des échantillons de tissus, le registre offre une base de données solide de caractéristiques de base pertinentes sur le plan pronostique et thérapeutique. « Dans un tel projet, il est extrêmement important de pouvoir s’appuyer sur une excellente cohorte et une expertise pathologique », souligne Klaus Gerwert. « Notre travail sur la classification du statut des microsatellites chez les patients atteints d’un cancer du côlon est basé sur l’une des plus grandes cohortes que nous ayons publiées à ce jour et démontre clairement le potentiel d’utilisation dans la recherche translationnelle sur le cancer », déclare Andrea Tannapfel.
Financement
Les travaux du Centre de recherche pour le diagnostic des protéines (PRODI) ont été financés par l’État de Rhénanie du Nord-Westphalie, ministère de la Culture et des Sciences (numéro de subvention : 111.08.03.05-133974). L’étude du registre a été financée par Roche Pharma AG. Certaines parties du projet ont été financées par le projet Slide2Mol via le programme Computational Life Science du ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche.