L’irradiation aux protons rapides est un traitement anticancéreux plus efficace et moins invasif que les rayons X. Cependant, la protonthérapie moderne nécessite de grands accélérateurs de particules, pour lesquels des experts étudient des concepts d’accélérateurs alternatifs, tels que des systèmes laser pour accélérer les protons. De tels systèmes sont déployés dans des études précliniques pour ouvrir la voie à une radiothérapie optimale. Une équipe de recherche dirigée par le Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf (HZDR) a maintenant testé avec succès l’irradiation avec des protons laser sur des animaux pour la première fois, comme le rapporte le groupe dans la revue Physique naturelle (DOI : 10.1038/s41567-022-01520-3).
La radiothérapie est l’une des principales méthodes de traitement du cancer. Il exploite généralement une lumière à rayons X forte et focalisée. Les protons – les noyaux des atomes d’hydrogène – accélérés à des énergies élevées et regroupés en petits paquets pouvant être ciblés avec précision sont une alternative. Ils peuvent pénétrer profondément dans les tissus où ils déposent la majeure partie de leur énergie dans la tumeur, détruisant le cancer tout en laissant les tissus environnants en grande partie intacts. Cela rend la méthode à la fois plus efficace et moins invasive que la radiothérapie.
La méthode est particulièrement adaptée pour irradier des tumeurs à la base du crâne, dans le cerveau et dans le système nerveux central. Il est également utilisé chez les patients pédiatriques atteints de cancer pour réduire les éventuels effets à long terme. »
Dr Elke Beyreuther, chercheur HZDR
Cependant, la méthode est nettement plus complexe que la thérapie par rayons X car elle nécessite des installations d’accélérateur élaborées pour générer les protons rapides et les transporter jusqu’au patient. C’est pourquoi il n’y a que quelques centres de protonthérapie en Allemagne, dont un à l’hôpital universitaire de Dresde. Actuellement, des experts travaillent à améliorer régulièrement la méthode et à l’adapter aux patients. Les accélérateurs de protons basés sur le laser pourraient ici apporter une contribution décisive.
Flashs laser personnalisés
« L’approche est basée sur un laser haute puissance pour générer des impulsions lumineuses fortes et extrêmement courtes, qui sont tirées sur une fine feuille de plastique ou de métal », explique le physicien du HZDR, le Dr Florian Kroll. L’intensité de ces éclairs fait sortir des bandes d’électrons de la feuille, créant un champ électrique puissant qui peut regrouper les protons en impulsions et les accélérer à des énergies élevées. Étonnamment, l’échelle de ce processus est minuscule : la trajectoire d’accélération ne mesure que quelques micromètres de long.
« Nous travaillons sur le projet depuis 15 ans, mais jusqu’à présent, les protons n’avaient pas capté suffisamment d’énergie pour l’irradiation », rapporte Beyreuther. « De plus, l’intensité du pouls était trop variable, nous ne pouvions donc pas nous assurer que nous délivrions la bonne dose. » Mais ces dernières années, les scientifiques ont enfin obtenu des améliorations cruciales, notamment grâce à une meilleure compréhension de l’interaction entre les flashs laser et la feuille. « Avant tout, la forme précise des flashs laser est particulièrement importante », explique Kroll. « Nous pouvons maintenant les adapter pour créer des impulsions de protons qui ont suffisamment d’énergie et sont également suffisamment stables. »
Nouvelles exigences de recherche
Enfin, les paramètres avaient été optimisés au point que l’équipe du HZDR a pu lancer une série d’expériences cruciales : la toute première irradiation contrôlée de tumeurs chez la souris avec des protons accélérés par laser. Les expériences ont été menées en coopération avec des experts de l’hôpital universitaire de Dresde à l’OncoRay – Centre national de recherche sur les radiations en oncologie et comparées avec des expériences comparatives dans l’installation de protonthérapie conventionnelle. « Nous avons découvert que notre source de protons pilotée par laser peut générer des données biologiquement précieuses », rapporte Kroll. « Cela ouvre la voie à d’autres études qui nous permettront de tester et d’optimiser notre méthode. »
Une autre particularité des impulsions de protons accélérées par laser est leur énorme intensité. Alors qu’en protonthérapie conventionnelle, la dose de rayonnement est administrée en quelques minutes, le processus basé sur le laser pourrait se produire en un millionième de seconde. « Il y a des indications qu’une administration aussi rapide d’une dose aide à épargner les tissus environnants sains encore mieux qu’auparavant », explique Elke Beyreuther. « Nous voulons suivre ces indications avec notre configuration expérimentale et mener des études précliniques pour déterminer quand et comment cette méthode d’irradiation rapide devrait être utilisée pour obtenir un avantage dans le traitement du cancer. »