Confrontés à l’anxiété et à l’ennui, les jeunes hommes et femmes se sont tournés vers le cannabis pendant les confinements, révélant des différences surprenantes dans la façon dont ils y font face.
Étude : Une étude qualitative des expériences des jeunes adultes qui ont augmenté leur consommation de cannabis pendant la pandémie de COVID-19. Crédit photo : fizkes / Shutterstock
Dans une étude qualitative publiée dans la revue Santé publique BMC, Des chercheurs du Canada ont mené des entretiens semi-structurés avec de jeunes adultes de l’étude Nicotine Dependence in Teens (NDIT) pour explorer leur consommation accrue de cannabis pendant la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19).
Ils ont identifié cinq thèmes clés pour la consommation de cannabis, notamment l’absence d’interruption de la consommation de cannabis, l’utilisation du cannabis pour faire face au déclin de la santé mentale, lutter contre l’ennui et exprimer la liberté et la détente.
Sommaire
Arrière-plan
La pandémie de COVID-19 a provoqué des perturbations importantes dans la dynamique familiale, les routines, la socialisation et l’emploi, laissant les jeunes adultes particulièrement touchés par ces changements.
En tant que groupe de transition, les jeunes adultes étaient confrontés à des risques accrus de problèmes de santé mentale et de consommation de substances, les jeunes adultes (18 à 34 ans) subissant davantage de stress lié à la pandémie que les groupes plus âgés.
Des études montrent que la consommation de cannabis a augmenté pendant la pandémie, en particulier chez les jeunes adultes, en raison du stress, de l’ennui et de l’anxiété.
Le sexe a également une influence sur la consommation de cannabis, les femmes signalant une augmentation plus importante de la consommation en raison de problèmes de santé mentale. La légalisation et l’élargissement de l’accès au cannabis ont encore renforcé cette tendance.
Pour combler les lacunes qui subsistent à cet égard, les chercheurs de la présente étude ont exploré qualitativement la consommation de cannabis par les jeunes adultes pendant la pandémie de COVID-19.
Ils se sont également concentrés sur les différences entre les sexes pour éclairer les interventions visant à réduire les dommages liés au cannabis lors de perturbations potentielles de la vie.
À propos de l'étude
Les participants ont été inclus dans l’étude NDIT, qui visait initialement à explorer les comportements tabagiques chez les individus, mais qui s’est ensuite étendue pour inclure d’autres substances.
Les données ont été recueillies auprès de participants, recrutés initialement à l’âge de 12-13 ans, au cours de plusieurs cycles, y compris pendant la pandémie de COVID-19. Les participants qui ont déclaré une consommation accrue de cannabis au cours de l’année écoulée au cours du cycle 24 ont été invités à des entretiens virtuels semi-structurés de 60 minutes entre juillet et septembre 2021.
Au total, 25 personnes (52 % de femmes) âgées de 33 à 34 ans ont partagé leurs expériences concernant la santé mentale et la consommation de cannabis pendant la pandémie, discutant de la fréquence de consommation, des raisons et des impacts.
Les entretiens ont été transcrits, anonymisés et analysés à l'aide de l'approche d'analyse thématique en six phases de Braun et Clark. Trois chercheurs ont examiné les données, générant des codes pour des thèmes clés tels que la santé mentale et l'anxiété, ventilés par sexe. Les données ont été analysées de manière itérative pour identifier des modèles communs et uniques dans les réponses, obtenant ainsi une saturation thématique. Les thèmes ont été façonnés par les interactions entre les participants et les chercheurs.
La rigueur de l’étude a été maintenue grâce à l’expertise de l’équipe de recherche, au développement d’un livre de codes et à l’analyse collaborative des données à l’aide du logiciel Nvivo.
La crédibilité a été renforcée par des discussions fréquentes en équipe et par l'examen des transcriptions. La transférabilité a été assurée par l'inclusion d'un échantillon solide avec une représentation équilibrée des sexes.
Résultats et discussion
Les entretiens ont révélé cinq thèmes clés : (1) aucune interruption de l’accès au cannabis, en particulier pour les hommes, en raison de services adaptés à la pandémie comme la livraison à domicile ; (2) une consommation accrue de cannabis pour gérer le déclin de la santé mentale ; (3) la consommation de cannabis comme moyen de lutter contre l’ennui lié à la pandémie, les participants expérimentant de nouveaux produits et l’utilisant pour maintenir leurs routines sociales ; (4) la consommation de cannabis comme expression de la liberté vis-à-vis des restrictions de confinement, certains se sentant à nouveau comme des adolescents ; et (5) le cannabis comme moyen alternatif de se détendre, certains l’utilisant pour se détendre face aux facteurs de stress quotidiens, le préférant à l’alcool en raison de moins d’effets secondaires indésirables.
Des différences entre les sexes ont été observées, en particulier chez les femmes citant la garde des enfants et le stress lié au travail comme des facteurs importants contribuant à l’augmentation de la consommation de cannabis.
Les femmes ont insisté sur le fait de ne pas exposer leurs enfants au cannabis et ont demandé l'approbation de leur médecin pour son utilisation afin de gérer les symptômes de santé mentale, de se détendre après avoir terminé des tâches et de se connecter avec leur partenaire. Les hommes l'utilisaient plus régulièrement pour se sentir présents avec leur famille.
La présente étude est l’une des premières à explorer la consommation de cannabis liée à la pandémie chez les jeunes adultes à travers leurs propres expériences, avec une forte représentation des sexes et un échantillon provenant d’une large cohorte.
Les résultats sont cohérents avec les recherches antérieures indiquant que l’augmentation du stress et de l’anxiété pendant la pandémie a entraîné une consommation plus élevée de cannabis chez les jeunes adultes.
Toutefois, les résultats peuvent avoir une généralisabilité limitée en raison des règles COVID-19 spécifiques au Québec, du calendrier des entretiens au milieu de l’année 2021 et du manque de données sur l’ampleur de l’augmentation de la consommation de cannabis.
Conclusion
En conclusion, l’étude a montré que les jeunes adultes ont continué à avoir accès au cannabis pendant la pandémie.
En identifiant la consommation de cannabis comme un mécanisme d’adaptation courant au stress et à l’ennui et pour exprimer la liberté pendant la pandémie, l’étude contribue à notre compréhension de la façon dont les jeunes adultes gèrent potentiellement les problèmes de santé mentale dans des situations difficiles.
La recherche apporte également des informations précieuses sur les différences entre les sexes dans la consommation de cannabis, offrant ainsi la possibilité d’adopter des approches plus sensibles au genre dans les interventions et politiques futures.
Les résultats soulignent la nécessité d’interventions ciblées en matière de santé publique pour lutter contre la consommation accrue de cannabis en période de crise, en particulier pour le soutien en matière de santé mentale.