Dans une étude récente publiée dans JAMA Network Open, des chercheurs ont exploré les associations entre le trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité (TDAH) chez l’adulte et le risque de déclin cognitif. Leurs résultats indiquent que les personnes atteintes de TDAH sont plus susceptibles de recevoir un diagnostic de démence.
Étude: Trouble de déficit d’attention/hyperactivité chez l’adulte et risque de démence. Crédit d’image : Roman Bodnarchuk/Shutterstock.com
Sommaire
Arrière-plan
La démence est une maladie cognitive qui affecte le fonctionnement quotidien de millions de personnes dans le monde, entraînant des invalidités et la mort. À mesure que la population mondiale vieillit, le fardeau de la démence devrait augmenter. Cependant, relativement peu de recherches ont porté sur les facteurs de risque qui influencent cette maladie ou sur la manière de la prévenir efficacement.
Certains des facteurs considérés comme associés à un risque accru de démence sont le faible niveau d’éducation, l’inactivité physique, le tabagisme, le diabète, l’hypertension et la dépression. Les études de risque épidémiologique et les observations cliniques soulignent également le rôle possible du TDAH chez l’adulte. Par exemple, la perte de mémoire est un symptôme à la fois du TDAH chez l’adulte et de la démence. Les professionnels de la santé considèrent le TDAH chez l’adulte comme une affection distincte du TDAH chez les enfants, mais il n’a pas été bien étudié.
Les études antérieures explorant la relation entre le TDAH chez l’adulte et la démence n’étaient pas concluantes. Certains ont trouvé des associations significatives, d’autres non. Ils n’ont pas pu exclure la possibilité de biais, de facteurs de confusion et de causalité inverse.
Ces études ont également identifié une autre piste d’investigation : si l’association, le cas échéant, était plus forte pour les hommes que pour les femmes. Davantage de recherches dans ce domaine bénéficieront aux patients et à leurs soignants, ainsi qu’aux cliniciens et aux décideurs politiques.
À propos de l’étude
La présente étude a utilisé une conception de cohorte de naissance prospective pour explorer le lien entre le TDAH chez l’adulte et la démence. Les données ont été obtenues à partir des dossiers médicaux d’une organisation israélienne à but non lucratif légalement interdite de refuser un traitement en fonction de données démographiques ou de conditions préexistantes. Cela a permis aux chercheurs de réduire l’effet du biais de sélection dans leur échantillon.
Les participants à l’étude étaient tous des citoyens israéliens nés entre 1933 et 1952. Au début de l’étude en 2002, ils n’avaient pas de diagnostic de TDAH ou de démence, et ne prenaient pas non plus de médicaments pour ces deux pathologies. De 2003 à 2020, la cohorte a été suivie jusqu’à ce qu’elle reçoive un diagnostic de démence, quitte le prestataire ou décède.
Les diagnostics de démence étaient basés sur la Classification internationale des maladies (CIM) et fournis par des prestataires de soins de santé qualifiés tels que des psychiatres, des neurologues ou des gériatres. De même, le TDAH a été diagnostiqué à l’aide des mêmes directives internationales et évalué par des professionnels de la santé certifiés à l’aide d’évaluations neuropsychologiques standardisées.
L’équipe de recherche a pris en compte les covariables susceptibles de confondre la relation entre le TDAH et la démence, telles que les données démographiques, les comorbidités et l’utilisation de médicaments. Les données démographiques comprenaient l’âge, le sexe et le statut socio-économique du quartier. Le statut de fumeur a également été inclus. Les comorbidités comprenaient l’obésité, la dépression, les affections cardiaques et cérébrovasculaires, la maladie de Parkinson, les migraines et les traumatismes crâniens. Les médicaments comprenaient des nootropiques et des psychostimulants.
Pour l’analyse, les chercheurs ont calculé des modèles de risque pour le risque de démence, avec le TDAH comme covariable variable dans le temps et statique. Ils ont ajusté ces modèles de base en utilisant d’autres facteurs de confusion et ont également effectué 14 analyses supplémentaires pour valider leurs résultats initiaux, en considérant divers sous-groupes susceptibles de présenter des risques différentiels de démence. Une analyse de sensibilité a été utilisée pour évaluer la possibilité d’une causalité inverse.
Résultats
La cohorte comprenait 109 218 participants, dont 51,7 % de femmes et 48,3 % d’hommes. Au début de la période de suivi, ils avaient en moyenne 57,7 ans. Les participants atteints de TDAH étaient en moyenne deux ans plus jeunes que ceux sans diagnostic de TDAH.
Au total, 730 personnes, soit 0,7 % de l’échantillon, ont reçu un diagnostic de TDAH chez l’adulte tout au long de l’étude, et 7 726 personnes, soit 7,1 %, ont reçu un diagnostic de démence. Une analyse préliminaire a montré que 42,9 % des personnes ayant reçu un diagnostic de TDAH chez l’adulte ont également reçu un diagnostic de démence à 85 ans, contre seulement 15,2 % de celles sans diagnostic de TDAH.
L’analyse du rapport de risque a fourni des résultats tout aussi frappants : les personnes atteintes de TDAH chez l’adulte avaient un rapport de risque de 3,62 et étaient plus de 2,5 fois plus susceptibles de recevoir un diagnostic de démence. Une fois le modèle ajusté avec d’autres covariables, le rapport de risque est tombé à 2,77 mais restait significatif.
Il n’y avait aucune différence concluante dans ces tendances en fonction du sexe, du statut tabagique, de l’âge ou de la consommation de médicaments. Une analyse de sensibilité basée sur des durées de suivi stratifiées a mis en évidence des preuves d’une causalité inverse.
Conclusions
La présente étude a exploré les associations entre le TDAH chez l’adulte et la démence incidente tout en s’efforçant de naviguer dans les biais de sélection et divers facteurs de confusion. Même l’estimation la plus prudente des modèles ajustés indique qu’un diagnostic de TDAH chez l’adulte augmente le risque de développer une démence de plus de 1,5 fois.
Les chercheurs ont identifié plusieurs limites qui ouvrent la voie à des investigations plus approfondies. Ils n’ont pas pu accéder aux données indiquant si leurs participants avaient reçu un diagnostic de TDAH lorsqu’ils étaient enfants. Ils se sont également appuyés sur des diagnostics cliniques et non issus de la recherche, ce qui pourrait conduire à une sous-estimation de l’incidence du TDAH. De même, ils ont exprimé leur inquiétude quant au fait que la démence aurait pu être sous-estimée au sein de leur population.
Ils espèrent que d’autres études approfondiront également le rôle de l’éducation et des médicaments psychostimulants. Les résultats de cette étude ne peuvent pas être interprétés dans une perspective causale, car ils sont basés sur des données d’observation.