Les cellules immunitaires humaines sont capables de coordonner leurs propres mouvements de manière plus indépendante qu’on ne le pensait auparavant. Jonna Alanko, chercheuse à InFLAMES, a découvert que les cellules immunitaires ne se contentent pas de suivre passivement les signaux chimiques de leur environnement. Bien au contraire, ils peuvent également façonner ces signaux et naviguer de manière auto-organisée dans des environnements complexes.
Le mouvement directionnel des cellules est un phénomène essentiel et fondamental de la vie. C’est une condition préalable importante au développement individuel, à la reformation des vaisseaux sanguins et à la réponse immunitaire, entre autres.
Une étude menée par la chercheuse postdoctorale Jonna Alanko s’est concentrée sur le mouvement et la navigation des cellules immunitaires dans le corps. Les chimiokines, une classe de protéines de signalisation, jouent un rôle crucial en guidant les cellules immunitaires vers des emplacements spécifiques. Les chimiokines se forment, par exemple, dans les ganglions lymphatiques et créent des signaux chimiques appelés gradients de chimiokines que les cellules suivent dans le corps. Selon Alanko, ces gradients de chimiokines sont comme une traînée de parfum laissée dans l’air, elle s’éclaircit à mesure que l’on s’éloigne de sa source.
L’idée traditionnelle était que les cellules immunitaires reconnaissent leur cible en suivant les gradients de chimiokines existants. En d’autres termes, les cellules qui suivent ces signaux ont été considérées comme des acteurs passifs, ce qui n’est pas le cas dans la réalité.
Nous avons pu prouver pour la première fois que contrairement à la conception précédente, les cellules immunitaires n’ont pas besoin d’un gradient de chimiokines existant pour se frayer un chemin. Ils peuvent créer eux-mêmes des gradients et ainsi migrer collectivement et efficacement, même dans des environnements complexes. »
Jonna Alanko, chercheuse postdoctorale
Les cellules consomment des chimiokines
Les cellules immunitaires possèdent des récepteurs avec lesquels elles peuvent détecter un signal de chimiokine. L’un de ces récepteurs s’appelle CCR7 et se trouve dans les cellules dendritiques.
Les cellules dendritiques sont des cellules professionnelles présentatrices d’antigènes qui jouent un rôle important dans l’activation de l’ensemble de la réponse immunitaire. Ils doivent localiser une infection, la reconnaître, puis migrer vers les ganglions lymphatiques avec l’information. Dans les ganglions lymphatiques, les cellules dendritiques interagissent avec d’autres cellules du système immunitaire pour déclencher une réponse immunitaire contre les agents pathogènes.
L’étude menée par Alanko a révélé que les cellules dendritiques enregistrent non seulement un signal de chimiokine avec leur récepteur CCR7, mais qu’elles façonnent également activement leur environnement chimique en consommant des chimiokines. Ce faisant, les cellules créent des gradients locaux qui guident leur propre mouvement et celui des autres cellules immunitaires. Les chercheurs ont également découvert que les lymphocytes T, un autre type de cellule immunitaire, peuvent bénéficier de ces gradients auto-générés pour améliorer leur propre mouvement directionnel.
« Lorsque les cellules immunitaires sont capables de créer des gradients de chimiokines, elles peuvent éviter les obstacles à venir dans des environnements complexes et guider leur propre mouvement directionnel et celui des autres cellules immunitaires », explique Jonna Alanko.
Cette découverte améliore notre compréhension de la façon dont les réponses immunitaires sont coordonnées au sein du corps. Cependant, cela peut également révéler comment les cellules cancéreuses guident leur mouvement pour créer des métastases.
« Le récepteur CCR7 a également été découvert dans de nombreux types de cancer et, dans ces cas, il a été observé qu’il stimule les métastases du cancer. Les cellules cancéreuses peuvent même utiliser le même mécanisme que les cellules immunitaires pour guider leur mouvement. Par conséquent, nos découvertes peuvent aider à concevoir de nouvelles stratégies pour modifier les réponses immunitaires ainsi que pour cibler certains cancers », note Jonna Alanko.
Jonna Alanko est chercheuse postdoctorale au sein du programme phare InFLAMES, au laboratoire de recherche MediCity de la Faculté de médecine de l’Université de Turku en Finlande. Elle a mené la majorité de son étude récemment publiée à l’Institut des sciences et technologies d’Autriche (ISTA), en Autriche, au sein d’un groupe de recherche dirigé par le professeur Michael Sixt. L’article de recherche a été publié dans le Immunologie scientifique journal.