Dans une étude récente publiée dans le PLOS Maladies Tropicales Négligées journal, des chercheurs aux États-Unis (É.-U.) et au Brésil ont exploré les agents pathogènes fongiques prioritaires reconnus par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Sommaire
Arrière-plan
Les maladies fongiques tuent plus de 1,5 million de personnes chaque année, principalement dans les zones où résident des populations négligées. Ce nombre alarmant de mortalités est le symptôme d’une situation très complexe, car la mortalité seule ne donne pas une idée complète de la charge fongique dans les différentes populations. Récemment, de nombreuses initiatives ont été proposées pour prévenir les décès causés par les maladies fongiques.
L’OMS a publié une liste d’agents pathogènes fongiques prioritaires pour attirer l’attention sur la nécessité de lutter contre les infections fongiques. L’OMS a classé cette liste comme la « première tentative mondiale de hiérarchiser les agents pathogènes fongiques, en tenant compte de leurs besoins de développement et de recherche non satisfaits et de leur importance prévue pour la santé publique ». Cette liste a été séparée en trois catégories : priorité moyenne, élevée et critique.
Création de connaissances en mycologie médicale
Les taux de publication dans la recherche antifongique sont nettement inférieurs à ceux, par exemple, de la recherche antibactérienne. L’équipe a effectué des recherches PubMed en utilisant les termes de l’OMS fournis dans la liste. Cette recherche indique que le développement d’informations sur les infections fongiques est très variable et vraisemblablement sans corrélation avec la mortalité ou les années de vie ajustées sur l’incapacité (DALY). Les modèles de publication indiquant un lien avec la liste de l’OMS ou un impact sur la santé publique n’étaient pas perceptibles.
La proportion de publications en un an pour tous les micro-organismes à l’exception de Fusarium est restée constante dans la cohorte hautement prioritaire. Cependant, les statistiques de Fusarium ont été surestimées en raison de la capacité des espèces de ce genre à infecter les plantes, ce qui a entraîné une augmentation de la production scientifique.
Sauf pour les agents pathogènes en développement P. jirovecii et C. gattii, tous les champignons du groupe de priorité moyenne ont montré une tendance à la stabilité. Sporothrix spp. et Espèces de Cladosporium. étaient les seuls agents pathogènes non prioritaires dont la production scientifique augmentait avec le temps, mais Blastomyces, Emergomyces et Fonsecaea n’ont montré aucune croissance.
En conclusion, le rythme de production des connaissances est resté stable au cours de la dernière décennie pour près de 70 % des pathogènes fongiques étudiés, quelle que soit leur position sur la liste de l’OMS.
Recherche pour prévenir, freiner et diagnostiquer les maladies fongiques
Reconnaître l’importance des maladies négligées est crucial pour développer des technologies innovantes, et des exemples pratiques existent déjà. Par exemple, l’OMS visait à éradiquer la trypanosomiase humaine africaine, dont l’agent causal est Trypanosoma brucei gambiense, d’ici 2030, ce qui a donné lieu à des activités de développement de médicaments. Cela démontre bien l’efficacité de la mise en place d’initiatives thématiques pour lutter contre les maladies négligées.
Après l’inclusion des échinocandines dans la pratique clinique, les nouveaux outils de lutte contre la mycose se sont limités à une poignée de tests de diagnostic pendant près de deux décennies. Néanmoins, des avancées significatives ont été constatées ces dernières années. En juin 2021, la FDA américaine a approuvé le triterpénoïde ibrexafungerp, qui inhibe la 1,3-bêta-D-glucane synthase, pour le traitement des infections vaginales à Candida.
Récemment, un test pour diagnostiquer toutes les manifestations cliniques de la sporotrichose selon la détection d’anticorps dans le sérum sanguin des patients a été développé, ce qui peut influencer les décisions thérapeutiques pour traiter cette condition. Malgré l’importance de ces réalisations, certaines maladies fongiques nécessitent encore de nouvelles techniques de traitement et/ou de diagnostic, indiquant la nécessité d’innover pour les infections fongiques.
Changements dans la mycologie médicale
La science fondamentale est l’un des moteurs de l’innovation. Cependant, il n’y a aucune raison de prévoir que la génération d’informations sur les champignons pathogènes s’améliorera sans programmes conçus pour promouvoir la recherche sur les maladies fongiques.
La construction de centres de recherche collaborative sur la coccidioïdomycose entre 2020 et 2021 par les National Institutes of Health (NIH) est un exemple d’appel thématique qui aborde explicitement la lutte contre les infections fongiques. Les organismes de financement et les grandes revues peuvent choisir de poursuivre cette approche. Pour éviter de sous-évaluer et de sous-explorer d’autres champignons d’importance médicale, il est nécessaire d’élargir ces demandes au-delà de la liste prioritaire de l’OMS.
Parallèlement au financement public de la recherche pour résoudre les problèmes de santé, la communauté de la recherche universitaire devrait avoir accès à des investissements accrus dans les technologies axées sur l’amélioration de la validation des cibles et de la sécurité des médicaments. Pour faciliter la prise de décision des organismes de régulation et des investisseurs, la simplification des procédures réglementaires est également pertinente.
De plus, des tentatives combinées entre l’industrie pharmaceutique et le milieu universitaire sont nécessaires, peut-être avec la contribution des agences de financement et de l’OMS dans le processus de prise de décision pour les phases de développement de médicaments go/no-go requises.
Conclusion
Les résultats de l’étude ont souligné que l’OMS reconnaît que les mycoses sont négligées et que l’établissement de la liste prioritaire des agents pathogènes conduit à des réalisations importantes. D’autres initiatives sont également importantes, telles que la semaine de sensibilisation aux maladies fongiques des Centers for Disease Control des États-Unis et l’Action mondiale contre les infections fongiques (GAFFI), entre autres.
Les efforts de GAFFI et la semaine de sensibilisation aux champignons du CDC sont essentiels pour mettre en évidence et éduquer le public, les prestataires de soins de santé et les scientifiques sur l’importance de lutter contre le problème actuel. Le document appelle également à la facilitation de la coordination internationale pour répondre à cette menace complexe.
Plus important encore, l’étude met en évidence le fait que la prise de conscience de l’importance des maladies fongiques a considérablement diminué au cours de la dernière décennie. Il conclut qu’on estime que plus de six millions de personnes souffrent de maladies fongiques et qu’il n’y a pas de meilleur moment que le présent pour lutter contre ce problème négligé qui a un impact profond sur la santé publique mondiale.