Des scientifiques du Centre d’oncologie pédiatrique Princess Máxima et de l’Institut Hubrecht aux Pays-Bas ont révélé de nouvelles connaissances scientifiques sur les caractéristiques du carcinome fibrolamellaire (FLC), un type rare de cancer du foie chez l’enfant. Leurs conclusions, publiées aujourd’hui dans Communication Nature, peut aider à développer de nouvelles thérapies médicamenteuses à l’avenir. Les mini-organes et le système de « ciseaux moléculaires » CRISPR-Cas9 ont permis aux chercheurs de mieux comprendre la biologie tumorale et les conséquences biologiques des différentes modifications de l’ADN. Il a également découvert la cellule d’origine probable de l’un des types de tumeurs FLC.
Le carcinome fibrolamellaire (FLC) est un type de cancer du foie, touchant principalement les adolescents et les jeunes adultes. Touchant une personne sur 5 millions par an, le carcinome fibrolamellaire peut certainement être qualifié de rare. Le taux de survie est encore faible. Afin de changer cela, de nouvelles formes de traitement sont fortement nécessaires.
Sommaire
Nouveaux modèles d’organoïdes humains
Le Dr Benedetta Artegiani, chef de groupe de recherche au Centre d’oncologie pédiatrique Princess Máxima, et le dr. Delilah Hendriks, chercheuse à l’Institut Hubrecht, co-dirige une nouvelle étude sur le carcinome fibrolamellaire en utilisant des technologies innovantes. Cela a permis aux chercheurs de mieux comprendre les différentes conséquences biologiques des différentes mutations trouvées dans le FLC et d’étudier la biologie des tumeurs. Ces nouvelles informations sont nécessaires pour comprendre pourquoi les tumeurs apparaissent et pour identifier les cibles possibles pour de meilleurs traitements de la maladie.
Nous avons utilisé des organoïdes hépatiques humains sains, des mini-foies cultivés en laboratoire, dans nos recherches. Nous avons développé une série d’organoïdes, tous avec différents changements d’ADN, mutations, qui avaient déjà été liés au FLC. Nous avons modifié le fond génétique des organoïdes à l’aide de la technique de modification de l’ADN CRISPR-Cas9, qui fonctionne comme un « ciseau moléculaire ». En raison de sa rareté, il n’y a pas beaucoup de tissus tumoraux disponibles pour la recherche. Grâce à cette technique, nous avons pu étudier ce type de tumeur. »
Dr Benedetta Artegiani, chef de groupe de recherche au Princess Máxima Center for Pediatric Oncology
Différentes mutations génétiques sous-tendent différents degrés d’agressivité
Artegiani et Hendriks ont construit les modèles organoïdes du foie en modifiant la protéine kinase A (PKA) à l’aide de CRISPR-Cas9. La PKA est une protéine de signalisation complexe, capable d’activer ou de désactiver d’autres protéines. Ce « commutateur protéique » est composé de différentes unités, chacune codée par un gène différent. Changer la fonction des différentes unités par des modifications génétiques semble être crucial pour l’apparition du FLC.
Les organoïdes contenaient le soi-disant gène de fusion mutant DNAJB1-PRKACA. Cette modification de l’ADN est très souvent retrouvée dans les tumeurs FLC. Hendriks : « Lors de la reconstruction de cette mutation dans les organoïdes, nous avons constaté qu’elle est en effet capable de refléter plusieurs caractéristiques des tumeurs que nous voyons chez les patients atteints de FLC. Pourtant, cette mutation unique a provoqué un effet plutôt léger sur le comportement cellulaire et moléculaire global des cellules hépatiques.
La situation a complètement changé lorsqu’ils ont introduit une autre série de modifications de l’ADN, également trouvées chez les patients atteints de FLC. Artegiani: «Ce deuxième arrière-plan contient non seulement une mutation dans l’un des gènes PKA, PRKAR2A, mais également dans un gène supplémentaire appelé BAP1. Dans ce cas, les organoïdes présentaient des caractéristiques typiques d’un cancer agressif. Cela suggère que différents antécédents génétiques de FLC conduisent à différents degrés d’agressivité tumorale. À côté de cela, l’effet de transformation grandement amélioré causé par les changements d’ADN BAP1 et PRKAR2A permet aux cellules de s’adapter à différents environnements. Cela explique peut-être la croissance incontrôlée des cellules lors de la formation de la tumeur FLC.
Les chercheurs ont conclu que bien que les mutations dans les gènes PKA soient cruciales, elles pourraient ne pas être suffisantes pour le développement du FLC. Hendriks: «Ces découvertes ouvrent la possibilité de rechercher d’autres facteurs associés aux mutations PKA dans les tumeurs FLC. Cela pourrait être potentiellement exploité pour de futures thérapies possibles pour cette forme de cancer infantile.
Découvrir la cellule d’origine dans le carcinome fibrolamellaire
Pour pouvoir développer de nouvelles thérapies, il est également essentiel de comprendre la biologie du cancer lui-même. L’une des premières étapes consiste à comprendre de quel type de cellule provient le cancer : la cellule d’origine. Comprendre l’importance des défauts génétiques spécifiques dans l’initiation de la FLC et de la cellule d’origine pourrait être crucial pour comprendre comment la tumeur pourrait se comporter plus tard.
Cependant, au cours de l’étude, cela s’est avéré particulièrement difficile pour FLC. Artegiani: «La cause principale est que ces tumeurs présentent des caractéristiques à la fois des hépatocytes et des cellules canalaires, les deux cellules les plus importantes du foie. Nos organoïdes ont montré que la coopération de PRKAR2A et BAP1 transformait un hépatocyte initialement sain en une cellule canalaire, avec des caractéristiques accrues de cellules souches cancéreuses. Cette transformation d’un type cellulaire en un autre s’appelle la transdifférenciation. Il s’agit d’un phénomène particulièrement intéressant qui pourrait se produire dans diverses tumeurs et qui rend l’identification de la cellule d’origine particulièrement difficile. Cependant, grâce à l’utilisation de nos modèles, nous avons pu découvrir les hépatocytes en tant que cellule d’origine probable.
Prochaines étapes
Dans l’ensemble, cette étude fait progresser considérablement la compréhension du FLC et ouvre la voie à de nouvelles recherches sur la façon de mieux traiter ce type de cancer rare. Les connaissances sur les défauts génétiques pourraient potentiellement conduire à de nouvelles thérapies pour les enfants atteints de cette maladie. Et comprendre l’importance des défauts génétiques spécifiques dans l’initiation de la FLC pourrait également aider à l’avenir à mieux comprendre l’hétérogénéité tumorale et la réponse entre les patients.
Cette étude a été financée par la Fondation du cancer fibrolamellaire (FCF).