Malgré les risques qu’elle fait parfois encourir à ceux qui y ont recours, la chirurgie esthétique connaît un succès croissant. Véritable phénomène de société où règne le culte de l’apparence, elle est souvent employée par des personnes souhaitant rajeunir leur visage. Elle peut également être l’apanage d’individus souffrant de problèmes psychologiques telle la dysmorphophobie, un complexe lourd lié à l’apparence physique. Ceux-ci voient en la retouche artificielle un moyen de prévenir leur mal-être, à tort. Explications.
Sommaire
Un mal parfois profond
La dysmorphophobie est une pathologie d’origine psychique dont souffrent certaines personnes ayant la vision d’une image faussée et déformée d’elles-mêmes. Celles-ci ont l’impression d’être laides, difformes voire monstrueuses dans les cas les plus graves.
Souffrant de troubles les persuadant d’avoir un ou plusieurs défauts physiques, les dysmorphophobiques font de cette préoccupation liée à l’apparence physique un élément central de leur vie, souvent indépassable et causant des réactions irraisonnées et néfastes au quotidien.
Le renfermement sur soi-même, l’absence de relations sociales et l’éviction de la vie professionnelle sont des conséquences notoires de la dysmorphophobie aigüe. 70 % des malades vivent seuls. Plus de 60% des personnes concernées sont sans travail.
Afin de tenter de remédier à la maladie, certains individus atteints de ce syndrome fortement invalidant se tournent vers la modification artificielle de leurs traits ou de leur enveloppe corporelle, solution qu’ils considèrent comme la plus à même de faire disparaître tous leurs maux.
Malheureusement, ce choix s’avère souvent catastrophique : il multiplie les risques engendrés par la chirurgie esthétique et ne s’attaque pas au problème de fond, d’origine psychique.
Causes de la dysmorphophobie et traitements médicaux
Si les causes de la dysmorphophobie sont encore mal connues, les dernières études font état de facteurs de vulnérabilité dans le patrimoine génétique aussi bien que dans le déroulement de l’existence de la personne (moqueries durant l’enfance, mauvaises relations familiales, etc.)
La période correspondant au passage à l’âge adulte serait également un terreau favorable au développement de la dysmorphophobie, les premiers touchés étant les adolescents confrontés à l’étrangeté de leur corps au moment de ses transformations physiques et physiologiques, lors de la puberté.
Les spécialistes classent la dysmorphophobie dans la catégorie des phobies, associée à l’univers des névroses. Une névrose de forte intensité peut parfois évoluer en symptôme délirant grave et nécessite une prise en charge médicale immédiate.
Vous l’aurez compris, la solution au problème ne réside absolument pas dans le recours à la chirurgie esthétique, avec le risque de multiplication des interventions pour un résultat nul, mais davantage dans un processus curatif adapté en fonction de la personnalité de chaque patient.
La prise en charge
Une chose est certaine : la dysmorphophobie n’est pas à prendre à la légère. Afin d’aider les personnes à se défaire de leur fixation psychologique sur des complexes physiques très exagérés, les thérapies adoptées sont diverses. Elles varient en fonction de l’intensité de la maladie et sont de l’ordre :
- du traitement à base de neuroleptiques et d’antidépresseurs, prescrits par un psychiatre ;
- de la psychothérapie ou thérapie comportementale et cognitive, celle-ci s’inscrivant dans un schéma d’acceptation de la maladie et d’engagement de la part du patient.
Attention à ne pas confondre dysmorphophobie et simple mauvaise image de soi. La première entraîne une modification des comportements ordinaires facilement identifiable, tel le repli sur soi-même ou un changement des habitudes alimentaires (anorexie, boulimie). 70% des patients dysmorphophobiques ont des idées suicidaires et 20 % d’entre eux ont connu des tentatives de suicide.
Une autre conséquence de la dysmorphophobie peut conduire les malades à vouloir apaiser leur souffrance en réparant leur apparence physique, considérée comme la source de tous leurs problèmes.
La consultation d’un chirurgien plastique est alors vue comme la solution miracle. On estime que 20% des patients souffrant de dysmorphophobie se tournent chaque année vers la chirurgie esthétique, pratique non dénuée de risques allant des injections diverses à la rhinoplastie et à la blépharoplastie, en passant par le lifting cervico-facial.
Pourtant, le recours à la retouche artificielle ne résout quasiment jamais le problème. Soit les personnes affectées sont mécontentes des résultats obtenus, soit un nouveau défaut sur une autre partie du corps accapare immédiatement leur attention et renforce la pathologie. Le souci peut varier de la simple préoccupation anxieuse aux délires les plus poussés.
Les dysmorphophobiques risquent alors d’entrer dans la spirale infernale de la chirurgie esthétique, allant jusqu’à multiplier les interventions, souvent au péril de leur vie. Une aide psychologique ou psychiatrique est alors indispensable.
Recours à la retouche artificielle du visage : lié à une enfance à problème ?
Dysmorphophobie, troubles de l’enfance et pratique risquée de la chirurgie esthétique
Des chercheurs de l’Université du Wisconsin ont publié une étude récente établissant un lien de cause à effet entre enfance maltraitée et recours aux pratiques à risque de chirurgie esthétique.
La conclusion générale de cette enquête stipule que les traumatismes liés à l’enfance influent sur l’image négative du physique et sur l’estime de soi, entraînant chez les personnes les plus exposées le risque de souffrir de dysmorphophobie.
Dans les situations les plus sévères, la pathologie peut pousser les individus à avoir recours à la chirurgie esthétique à plusieurs reprises et à un rythme soutenu. Si les risques pour la santé sont énormes, un abus de chirurgie esthétique peut engendrer de nombreux autres problèmes d’ordre psychologique telle la perte d’identité et la modification du regard d’autrui.
Des résultats probants
Afin de mener à bien leurs travaux, les scientifiques ont analysé les réponses de 100 volontaires, ayant déjà eu recours à la chirurgie esthétique (une ou plusieurs fois), questionnés sur leur parcours personnel et d’éventuels traumatismes liés à l’enfance (violences physiques, abus sexuels, brimades psychologiques, etc.).
81 % des personnes sondées ont coché au moins un des dix items présents sur une liste répertoriant certains de ces troubles éventuellement subis pendant l’enfance. La moitié d’entre elles ont coché plusieurs entrées à l’enquête.
Les conclusions de la recherche mentionnent en outre que l’apparence physique (en l’occurrence une mauvaise estime et une image de soi perçue comme dégradante) reste un marqueur privilégié par le plus grand nombre de l’échantillon, dont une proportion variable souffrirait de dysmorphophobie. Le recours plus ou moins prononcé à la chirurgie esthétique, malgré ses risques potentiels, représenterait alors la solution privilégiée par cette population pour guérir ses complexes.
Une opération de chirurgie esthétique n’est pas neutre et s’avère source de risque physique autant que psychologique. Même si vous ne souffrez pas de syndromes aussi inquiétants que la dysmorphophobie, il convient quand-même de vous poser les bonnes questions avant de confier votre corps ou votre visage aux mains d’un chirurgien : quelles sont les raisons qui vous poussent à l’acte ? Votre besoin est-il ponctuel ? Est-ce pour vous une façon de réparer des blessures plus anciennes ? Si le doute subsiste, l’aide d’un professionnel pourra vous aider à répondre à ces interrogations et à y voir un peu plus clair.