CHARTwatch, un modèle d’apprentissage automatique, semble prometteur pour réduire la mortalité des patients et améliorer les résultats en milieu hospitalier, selon une nouvelle étude du CMAJ.
Étude: Évaluation clinique d’un système d’alerte précoce basé sur l’apprentissage automatique pour la détérioration de l’état du patientCrédit photo : LALAKA/Shutterstock.com
Dans une étude récente publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne (JAMC), les chercheurs ont évalué cliniquement CHARTwatch, un modèle qui prédit la détérioration de l’état des patients en se basant sur l’apprentissage automatique.
Sommaire
Arrière-plan
Il est essentiel d’évaluer, de prévenir et de réagir à la détérioration clinique des personnes hospitalisées pour améliorer la sécurité des patients. La détérioration clinique non identifiée est la principale cause d’admissions inutiles aux soins intensifs, entraînant des séjours prolongés et une augmentation de la mortalité. Malgré l’utilisation intensive d’outils de prédiction, les preuves de leur utilité sont contradictoires.
Une étude de Kaiser Permanente portant sur 19 hôpitaux du nord de la Californie a révélé qu'un modèle automatisé d'estimation des risques avec surveillance à distance par des infirmières et des actions sur le terrain par des équipes d'intervention rapide réduisait la mortalité à 30 jours de 16 %. Cependant, les caractéristiques technologiques et cliniques des systèmes d'alerte précoce avancés susceptibles d'améliorer les résultats cliniques sont inconnues.
À propos de l'étude
La présente étude a examiné si CHARTwatch pouvait améliorer les résultats cliniques liés à la détérioration de l’état des patients.
Le programme prédit la détérioration de l'état du patient en utilisant des données en temps réel issues des dossiers médicaux électroniques. La technique MARS (Multivariate Adaptive Regression Spline) a pris en compte les projections des scores de risque des consultations passées, les changements dans les cotes de risque depuis les évaluations précédentes et les résumés de séries chronologiques.
Le modèle communiquait avec les infirmières et les médecins par SMS et par courrier électronique, et comprenait un parcours clinique pour la catégorie de patients à haut risque, comme l’évaluation du médecin dans l’heure, une surveillance accrue des signes vitaux et des alertes pour les consultations en soins palliatifs.
Les patients admis à l'unité de médecine interne générale (MIG) de l'hôpital St. Michael ont reçu l'intervention entre le 1er novembre 2020 et le 1er juin 2022. La période pré-interventionnelle s'est déroulée entre le 1er novembre 2016 et le 1er juin 2020.
La pondération basée sur le score de propension a comparé les bénéficiaires de l'intervention aux personnes admises avant l'intervention. L'évaluation des différences-indifférences a comparé les bénéficiaires de l'intervention dans l'unité de médecine interne générale et les non-bénéficiaires dans les unités respiratoires, néphrologiques et cardiologiques.
Le critère d’évaluation principal était la mortalité intra-hospitalière due aux soins non palliatifs, définie comme les décès ne résultant pas d’un traitement de soins palliatifs enregistré.
Les critères d’évaluation secondaires étaient les décès palliatifs, le nombre total de décès et les transferts (une mesure composite des décès parmi les bénéficiaires de soins palliatifs ou les transferts vers les unités de soins palliatifs pour patients hospitalisés), le transfert en USI, une mesure composite du transfert vers les USI ou de la mortalité, et la durée du séjour à l’hôpital.
La Classification internationale des maladies, dixième révision, version canadienne (CIM-10-CA), a permis de déterminer le diagnostic des patients. Les chercheurs ont calculé rétrospectivement les prédictions du modèle pour les patients du groupe témoin.
Les cliniciens ont reçu des alertes uniquement pendant la période d'intervention pour les patients de l'unité GIM. L'étude a exclu les personnes atteintes de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) ou de la grippe et celles présentant des comorbidités en soins palliatifs avant l'admission. Des régressions logistiques ont estimé les scores de propension pour les cohortes GIM et de sous-spécialité.
Les chercheurs ont calculé le risque relatif (RR) pour l'analyse, en tenant compte des covariables de l'étude. Les régressions de Poisson ont comparé les résultats binaires et les modèles linéaires ont comparé les résultats continus.
Les covariables de l'étude comprenaient l'âge, le sexe, les comorbidités, les hospitalisations au cours des six mois précédents, le mois d'hospitalisation, les signes vitaux, le sans-abrisme, la race du quartier et les nouvelles populations, les ressources matérielles du quartier et l'admission à l'unité de soins intensifs avant le transfert vers des services de sous-spécialité ou des unités GIM.
Résultats
L'analyse a porté sur 13 649 admissions dans l'unité GIM et 8 470 admissions dans l'unité de sous-spécialité. Dans l'unité de médecine interne générale, 482 patients sont devenus à haut risque au cours de la période d'intervention et 1 656 patients sont devenus à haut risque au cours de la période de contrôle.
La mortalité non palliative était significativement plus faible pendant la période d'intervention qu'avant l'intervention chez les patients GIM (1,60 % contre 2,10 % ; RR, 0,7) mais pas chez les patients des unités de sous-spécialité (1,90 % contre 2,10 % ; RR, 0,9).
Parmi les patients atteints de GIM à haut risque de détérioration pour lesquels CHARTwatch a fourni une ou plusieurs alertes, les taux de mortalité non palliative étaient de 7,1 % pendant la période d'intervention et de 10 % avant l'intervention (RR, 0,7).
L'équipe n'a constaté aucune différence significative dans les groupes de sous-spécialités (10 % contre 11 % ; RR de 0,98). Les évaluations de différence-indifférence ont donné lieu à une réduction du RR de 0,8 pour la mortalité due aux soins non palliatifs dans l'unité de médecine interne générale.
Dans les données de test conservées, le modèle a démontré une sensibilité de 53 % et une valeur prédictive positive (VPP) de 31 % dans la détection de la détérioration clinique pendant l'hospitalisation (décès ou transfert vers l'unité de soins intensifs, de soins intensifs ou de soins palliatifs).
Par rapport à la période pré-interventionnelle, l'intervention a entraîné une augmentation considérable des prescriptions d'antibiotiques et de corticostéroïdes et une surveillance accrue des signes vitaux. Ces données indiquent que l'intervention a été liée à une surveillance renforcée des patients et à des thérapies susceptibles de ralentir la détérioration.
Conclusion
L’étude a montré que le déploiement de CHARTwatch pour les admissions GIM était lié à une diminution de la probabilité de mortalité due aux soins non palliatifs par rapport à la période pré-intervention.
Les résultats montrent que les systèmes d’alerte précoce basés sur l’apprentissage automatique sont des technologies potentielles pour améliorer les résultats en matière de soins de santé.
Il convient toutefois d’interpréter les résultats avec prudence en raison des facteurs de confusion potentiels non mesurés. Les études futures évalueront les facteurs liés à l’équité de l’intervention et les perspectives qualitatives des membres de l’équipe clinique.