Les patients qui se remettent d’une pneumonie sévère à coronavirus 2019 (COVID-19) souffrent souvent d’essoufflement réfractaire.
Une étude récente publiée sur le serveur de préimpression medRxiv* menée à l’Hôpital universitaire de Genève en Suisse évalue une intervention numérique basée sur la réalité virtuelle immersive (iVR) pour soulager l’essoufflement réfractaire chez les patients se remettant d’une pneumonie COVID-19.
Étude : Exercice de réalité virtuelle pour aider les patients COVID souffrant d’essoufflement réfractaire. Crédit d’image : Photographee.eu/Shutterstock.com
Sommaire
Essoufflement réfractaire
Le syndrome d’essoufflement chronique provoque une sensation invalidante de respiration difficile. Il se produit même lorsque le patient subit un traitement optimisé pour la condition médicale diagnostiquée.
L’essoufflement réfractaire est une condition tenace et ingérable qui peut être observée dans la maladie aiguë. Cette condition entraîne souvent un impact négatif sur la qualité de vie et l’autonomie des patients.
Étant donné que l’essoufflement réfractaire accompagne les affections aiguës, l’identification de l’affection sous-jacente est essentielle pour le traitement physiopathologique. Actuellement, l’essoufflement réfractaire est une affection respiratoire sous-estimée; ainsi, il reste nécessaire de développer des interventions fondées sur des preuves pour atténuer l’essoufflement.
Thérapie numérique
La perception de l’essoufflement se produit par des voies neurales similaires au traitement de la douleur et à la conscience de soi corporelle, comme en témoigne la neuroimagerie. Les produits numériques ou la thérapie numérique basée sur iVR (DTx) ont été utilisés comme interventions pour soulager la douleur chronique chez les patients atteints d’un syndrome douloureux régional complexe ou d’une lésion de la moelle épinière.
Chez les patients souffrant d’inconfort respiratoire, sur la base d’un retour visuel et respiratoire, la stimulation visuo-respiratoire peut fournir une sensation accrue de contrôle de la respiration et des changements dans les mesures physiologiques de la respiration. Cette approche est également associée à un état émotionnel négatif réduit lié à l’essoufflement induit expérimentalement.
Long COVID
Long COVID est une condition complexe où les symptômes surviennent au-delà de la période d’infection et de récupération de COVID-19. Les longs symptômes du COVID comprennent une faiblesse générale, un malaise, de la fatigue, des troubles de la concentration et un essoufflement. Environ 25% des patients COVID de longue durée se plaignent d’essoufflement.
L’essoufflement est mal associé aux tests de la fonction pulmonaire ou à l’imagerie pulmonaire dans les COVID longs. Par conséquent, les traitements actuels sont axés sur la rééducation pulmonaire ; cependant, une approche de neuro-réadaptation pourrait être testée pour comprendre et atténuer l’essoufflement.
Étude clinique COVID-19 en réalité virtuelle (COVVR)
L’étude COVVR est une étude clinique contrôlée, randomisée, en simple aveugle et croisée qui vise à déterminer les effets de la DTx basée sur l’iVR sur le confort respiratoire chez les patients se remettant d’une pneumonie COVID-19 sévère. Il s’agit d’une étude sur un seul site qui a été menée à l’Hôpital universitaire de Genève en Suisse et est enregistrée auprès de ClinicalTrials.gov (NCT04844567).
Trente et un patients ont été inclus, qui se remettaient tous d’une pneumonie COVID-19 sévère et présentaient un essoufflement réfractaire avec une intensité auto-évaluée de cinq ou plus sur une échelle de dyspnée visuelle analogique en dix points. Tous les patients qui ont participé à cette étude ont donné leur consentement et parlaient français ou anglais.
Les critères d’exclusion des patients comprenaient des troubles respiratoires, neurologiques ou cardiaques instables, ou une maladie psychiatrique et un score inférieur à 25 sur l’évaluation cognitive de Montréal (MoCA). Cinq patients ont été exclus en raison d’un score MoCA inférieur à 25. Les groupes croisés ont été assignés au hasard et cachés du clinicien référent.
Montage expérimental
Les patients étaient en position semi-assise dans leur lit d’hôpital et portaient une ceinture respiratoire fixée sur l’abdomen qui enregistrait les mouvements respiratoires. Ils portaient également un visiocasque contenant un smartphone compatible VR.
Le smartphone a exécuté la simulation VR et a été connecté via Bluetooth® à la ceinture respiratoire. Les scientifiques ont développé un logiciel en collaboration avec MindMaze pour collecter et filtrer les données respiratoires et restituer un environnement virtuel généré par ordinateur en temps réel.
Dans l’environnement VR, les patients pouvaient voir un corps virtuel du même sexe allongé sur un lit dans une position similaire au leur. Le corps virtuel a donné un effet visuel des mouvements respiratoires. Cet effet visuel peut être en synchronie (condition synchrone) ou en asynchrone massive (condition asynchrone) avec les mouvements respiratoires du patient.
Les participants ont reçu une rétroaction synchrone (intervention) ou asynchrone (contrôle) de leur respiration qui était incarnée via un avatar apparié au genre dans l’iVR. Avant la première exposition et après les deux conditions expérimentales, les patients ont rempli des questionnaires. Les schémas respiratoires ont été capturés en continu. Les scientifiques ont également quantifié le bénéfice subjectif lié à une telle intervention et la faisabilité d’utiliser ce nouvel outil de rééducation respiratoire à domicile ou dans les services chez les patients COVID de longue durée.
Configuration portable et retour de réalité virtuelle. (A) Une ceinture respiratoire capte les mouvements respiratoires de la poitrine et envoie le signal à un smartphone via Bluetooth. Un logiciel personnalisé génère l’environnement virtuel. (B) Un avatar du même sexe est affiché et observé par les patients en tournant légèrement la tête sur le côté. Le corps virtuel est éclairé de manière synchrone ou asynchrone par rapport aux mouvements thoraciques du patient. L’image du haut représente la fin de l’expiration avec une faible intensité de clignotement, tandis que l’image du bas montre la fin de l’inspiration correspondant à la luminosité maximale en condition synchrone.
La stimulation visuo-respiratoire améliore le confort respiratoire
Au total, 26 patients (27 % de femmes ; âge moyen = 57 ans) ont été inclus dans cette étude, dont 14 patients ont été randomisés dans la séquence « synchrone/asynchrone » et 12 dans la séquence « asynchrone/synchrone ». Les données n’étaient pas disponibles pour deux patients.
L’évaluation moyenne du confort respiratoire était de 0,1 au départ, de -0,8 ± 1,8 pour l’asynchrone et de 1,3 ± 1,4 pour la rétroaction synchrone, où -3 indique le moindre confort respiratoire et 3 indique le confort respiratoire le plus élevé. De tous les patients, 91,2 % étaient satisfaits de l’intervention et 66,7 % la percevaient comme bénéfique pour leur respiration. Aucun patient n’a signalé d’événement indésirable.
Les boîtes à moustaches représentant les notes des sujets pendant la condition asynchrone par rapport à la condition synchrone, indépendamment de la séquence expérimentale. La ligne épaisse à l’intérieur d’une boîte à moustaches représente la médiane, le losange représente la moyenne, la limite supérieure de la boîte indique le 25e centile et la limite inférieure le 75e centile. Les moustaches au-dessus et au-dessous de la boîte indiquent les valeurs minimales et maximales, tandis que les points au-dessus ou au-dessous des moustaches indiquent les valeurs aberrantes. Les notes subjectives ont été mesurées à l’aide d’une échelle de Likert à 7 points avec -3 = Pas du tout d’accord, -2 = Pas d’accord ; −1 = Plutôt en désaccord ; 0 = Ni d’accord ni en désaccord ; 1 = Plutôt d’accord ; 2 = d’accord ; 3= Tout à fait d’accord.
Implications
La présente étude démontre l’avantage de l’intervention visuelle-respiratoire basée sur l’iVR chez les patients se remettant de COVID-19. Les scientifiques proposent donc que ce DTx immersif basé sur iVR avec un bon profil de sécurité est un outil de neuro-réadaptation peu coûteux qui pourrait être utilisé pour augmenter le confort respiratoire chez les patients se remettant de COVID-19.
*Avis important
medRxiv publie des rapports scientifiques préliminaires qui ne sont pas évalués par des pairs et, par conséquent, ne doivent pas être considérés comme concluants, orienter la pratique clinique/le comportement lié à la santé, ou traités comme des informations établies.