Une équipe de recherche internationale dirigée par le Dr Ana Guadaño à l’Institut de recherche biomédicale Alberto Sols (IIBM, un centre combiné CSIC-UAM) et impliquant l’Université Complutense de Madrid (UCM), a utilisé les techniques d’édition de gènes CRISPR pour incorporer dans les souris une mutation de la protéine MCT8 responsable du transport des hormones thyroïdiennes à l’intérieur de la cellule.
Les patients porteurs de mutations de cette protéine souffrent du syndrome d’Allan-Herndon-Dudley, une maladie rare qui se traduit par des altérations neurologiques graves, dans lesquelles chaque patient peut révéler une mutation différente de MCT8.
Cette étude, publiée dans Neurobiologie de la maladie, décrit le premier modèle d’avatar de la maladie, c’est-à-dire le premier animal présentant la même altération génétique que différents patients.
« Le développement de modèles d’avatar reproduisant fidèlement les altérations des patients porteurs de cette même mutation est le premier pas vers une thérapie ciblée. Il pose notamment les bases pour nous permettre d’étudier la possible « réparation génétique » de cette mutation dans un modèle animal, et de évaluer si cela sert à éviter ou à inverser les graves altérations neurologiques qui existent chez ces patients », selon Carmen Grijota, chercheuse au département de biologie cellulaire de l’UCM et de l’IIBM, expliquant l’importance de l’étude.
Mêmes altérations neurologiques et motrices chez les avatars et les humains
Cette étude a utilisé des souris porteuses de la mutation « P321L ». Des tests ont été menés pour étudier le comportement, les niveaux d’anxiété et la capacité de coordination motrice des souris. Les cerveaux des animaux ont ensuite été extraits et des colorations spécifiques appliquées pour examiner et étudier différents types de neurones.
Enfin, une analyse informatisée approfondie a été menée pour comprendre comment la mutation pourrait affecter la structure du transporteur MCT8, et donc sa fonction de transport des hormones thyroïdiennes. »
Víctor Valcárcel, chercheur IIBM et co-auteur de l’article
Les altérations observées chez les souris comprenaient l’hypothyroïdie cérébrale (manque d’hormones thyroïdiennes dans le cerveau), l’hyperthyroïdie (hormones thyroïdiennes excessives dans les autres tissus), des altérations de la distribution des neurones dans le cortex cérébral et une réduction des neurones GABAergiques. Des altérations ont également été notées dans la coordination motrice, ainsi qu’un comportement anxieux chez les souris mutantes. Tous ces résultats reflètent les altérations caractéristiques des patients atteints de la maladie.
Selon les scientifiques, les prochaines étapes à franchir dans leurs recherches impliqueraient l’administration de médicaments qui imitent l’activité des hormones thyroïdiennes, mais ne nécessitent pas que le MCT8 pénètre dans les cellules, car ils utilisent d’autres transporteurs différents. « L’idée est de savoir si ces médicaments peuvent atteindre le cerveau de la souris mutante et améliorer toutes ces altérations », explique la chercheuse de l’IIBM, Marina Guillén.
Outre ces deux institutions, l’étude implique également l’Institut de génomique fonctionnelle de Lyon en France et l’Université de Bristol au Royaume-Uni.