Dans une perspective récente publiée dans Découverte de la mort cellulaire, un groupe d’auteurs a évalué et interprété de manière critique les preuves liant le dysfonctionnement mitochondrial et les changements métaboliques à la pathogenèse de la maladie d’Alzheimer (MA).
Sommaire
Arrière-plan
La détérioration cognitive et les altérations comportementales sont des caractéristiques de la MA, une forme de trouble neurodégénératif progressif. Les plaques β amyloïdes, les enchevêtrements neurofibrillaires contenant de la protéine tau et la dégénérescence neuronale en sont les caractéristiques physiologiques. Bien que complexes dans leur multifactorialité, la génétique, le métabolisme et les expositions environnementales sont des pathologies centrales de la MA.
Des recherches plus approfondies sont essentielles pour comprendre l’interaction complexe entre le dysfonctionnement mitochondrial et la pathogenèse de la MA. Élucider la fonction spécifique des adaptations mitochondriales nous guiderait vers des biomarqueurs de la MA ainsi que vers des thérapies prometteuses dirigées vers les voies liées aux mitochondries qui pourraient même changer la nature de la MA une fois que nous aurons compris sa véritable cause.
Le rôle des mitochondries dans l’énergie et le métabolisme cellulaires
Les mitochondries, les organites à double membrane, sont essentielles à la production d’énergie sous forme d’adénosine triphosphate (ATP). Ceci est réalisé au moyen d’une chaîne de réactions redox dans lesquelles les électrons des différents donneurs, comme le glucose, sont transférés à l’oxygène.
La plupart des cellules eucaryotes possèdent quatre complexes respiratoires ainsi que deux porteurs d’électrons appelés chaîne de transport d’électrons (ETC) qui exécutent ce processus. L’ETC est responsable du pompage des protons à travers la membrane interne des mitochondries, créant ainsi un potentiel de membrane mitochondriale qui facilite la synthèse de l’ATP par la voie de la phosphorylation oxydative (OXPHOS).
Les mitochondries fabriquent également des précurseurs métaboliques, assurent l’homéostasie des ions, contrôlent la mort cellulaire et émettent des signaux intracellulaires ; les mitochondries sont des organites polyvalents et influents de la cellule.
Mitochondries dans les maladies neurodégénératives : un aperçu général
Des activités mitochondriales aberrantes ont été impliquées dans divers troubles humains, notamment les syndromes métaboliques et les maladies neurodégénératives.
Alors que les liens génétiques entre les mitochondries, les neuropathies héréditaires et les troubles métaboliques sont bien établis, la relation entre le dysfonctionnement mitochondrial et la maladie d’Alzheimer (MA) est moins claire, en particulier lorsqu’on la compare à d’autres maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson (MP) et la sclérose latérale amyotrophique. (SLA).
Cependant, des découvertes cliniques récentes ont commencé à faire la lumière sur ce lien, notamment grâce à l’étude de mutations dans les gènes liés aux fonctions mitochondriales.
Mitochondries et MA : enquêter sur le lien
Des études ont rapporté que des mutations dans le gène PITRM1, qui code pour une enzyme de la matrice mitochondriale, pourraient conduire à l’accumulation de dépôts bêta-amyloïde (Aβ), caractéristique de la MA. Les patients présentant des mutations pathogènes de PITRM1 présentent des symptômes et des changements bioénergétiques mitochondriaux similaires à ceux observés dans la MA. Bien que le rôle des mitochondries dans la dégradation de l’Aβ soit encore débattu, des preuves suggèrent que les patients présentant des mutations PITRM1 présentent des taux réduits d’Aβ1–42 dans le liquide céphalo-rachidien, semblables à ceux des patients atteints de MA. Cela suggère une implication potentielle du dysfonctionnement mitochondrial dans la pathogenèse de la MA.
Des variantes nucléotidiques uniques associées à la MA à apparition tardive peuvent être trouvées dans les données des études d’association pangénomique (GWAS) et se trouvent à proximité de gènes importants dans la bioénergétique cellulaire. Bien que les preuves génétiques directes soient encore manquantes, une altération du métabolisme cérébral du glucose et de l’oxygène a été observée, ainsi que des anomalies respiratoires mitochondriales et des anomalies morphologiques dans les tissus affectés par la MA.
Enquête sur le dysfonctionnement mitochondrial dans la MA : résultats cliniques et expérimentaux
Des études récentes utilisant la tomographie par émission de positons (TEP) ont révélé une réduction progressive de la liaison du radioligand du complexe I chez les patients atteints de MA précoce, suggérant une corrélation entre la déficience mitochondriale et le déclin cognitif précoce.
Les sous-unités mitochondriales OXPHOS et les facteurs associés à la protéostase mitochondriale présentent également une expression dérégulée dans les évaluations de tissus post-mortem, ainsi que dans les analyses d’enrichissement d’ensembles génétiques pour les sujets atteints de MA.
Il est intéressant de noter que ces changements ne se limitent pas aux neurones mais sont également observés dans les cellules gliales, soulignant l’impact généralisé du dysfonctionnement mitochondrial dans la MA.
Des études protéomiques ont détecté des changements significatifs dans les sous-unités du complexe I et d’autres composants des complexes respiratoires dans les tissus cérébraux des patients atteints de MA. Ces résultats concordent avec l’idée selon laquelle les défauts mitochondriaux pourraient servir de biomarqueurs précoces de la MA. De plus, les analyses protéomiques ont révélé des altérations généralisées du protéome mitochondrial dans le liquide céphalo-rachidien, le cortex cérébral et le sérum de patients présentant un déficit cognitif léger (MCI) et une MA avancée. Cependant, les changements sont plus prononcés aux stades avancés de la maladie.
Conclusions
Pour résumer, cette perspective passe en revue des études récentes et des évaluations post-mortem, étudiant le lien entre les modifications des composants mitochondriaux et le développement de la MA.
Les auteurs reconnaissent des progrès significatifs dans le domaine tout en soulignant les limites des méthodes de détection et la disponibilité d’échantillons post-mortem de qualité. Ils se concentrent sur les données humaines, excluant la littérature sur les souris transgéniques et autres modèles expérimentaux.
La revue suggère qu’une altération du métabolisme du glucose et de l’oxygène, éventuellement exacerbée par le vieillissement et divers facteurs de risque, pourrait conduire à une altération de la bioénergétique mitochondriale. Cette déficience pourrait déclencher un cycle de résilience neuronale diminuée et de vulnérabilité accrue.
Les auteurs soulignent la nécessité de recherches futures pour déterminer de manière concluante le rôle des mitochondries dans la pathogenèse de la MA et les avantages thérapeutiques potentiels de la modulation de la bioénergétique mitochondriale dans les stratégies de traitement de la MA.