Lors de l'épidémie d'Ebola de 2013-2016 en Afrique de l'Ouest, plus de 28 000 personnes ont été infectées, causant plus de 11 000 décès. Bien que les effets à long terme sur la santé des survivants soient encore mal compris, un nombre croissant d'études décrivent des séquelles cliniques persistantes chez ces patients, comme une fatigue généralisée, des douleurs musculo-squelettiques et des troubles oculaires.
Pour cerner ces problèmes de santé, les équipes de recherche ont utilisé des données issues du suivi de cohortes de survivants, comme la cohorte Inserm PostEboGui, développée avec l'Institut national de recherche pour le développement durable (IRD) et le Centre de formation et de recherche en infectiologie Maladies en Guinée (CERFIG). Composée de 802 anciens patients Ebola inscrits dans plusieurs centres à travers la Guinée, cette cohorte visait à décrire et analyser les impacts cliniques, immunologiques, psychologiques et socio-anthropologiques d'Ebola sur deux ans.
L'étude, publiée dans Communications de la nature et menée par le Pr Yves Lévy avec Aurélie Wiedemann au Vaccine Research Institute (VRI, Inserm / Université Paris-Est Créteil), est l'une des premières à s'intéresser au profil immuno-inflammatoire à long terme des survivants d'Ebola.
Les chercheurs ont basé leur étude sur l'analyse d'échantillons sanguins de 35 membres de la cohorte PostEboGui qui ont été recrutés pour participer à cette étude en moyenne, deux ans après le début de leur maladie. Un groupe témoin a également été mis en place pour comparer leurs profils immunitaires. Chaque patient a été vu trois fois pour que ces échantillons de sang soient prélevés. Des échantillons de salive, d'urine et de sperme ont également été analysés pour exclure la présence du virus.
Une telle recherche n'a été possible que grâce à l'implication des équipes locales, spécifiquement formées à la manipulation d'échantillons biologiques. Il est donc le fruit d'une étroite collaboration entre les équipes de l'Inserm et de l'IRD et des techniciens de laboratoire et scientifiques guinéens de l'Institut national de santé publique (INSP) et du CERFIG.
Inflammation et marqueurs immunitaires
L'analyse des échantillons de sang a montré que même lorsque les survivants sont physiquement rétablis et n'ont plus de virus détectable, ils présentent toujours un profil immunitaire spécifique, différent de celui des personnes n'ayant jamais contracté la maladie.
En particulier, les chercheurs ont identifié la présence de cellules immunitaires appelées cellules T mémoire CD4 + et CD8 +, spécifiques du virus, qui sont restées dans le sang des 35 survivants deux ans après la maladie. De plus, il y avait un plus grand nombre de lymphocytes T CD8 + cytotoxiques impliqués dans la destruction des cellules infectées, ainsi que la présence d'anticorps IgG spécifiques du virus Ebola chez ces survivants.
De plus, l'équipe a montré la présence d'un grand nombre de marqueurs inflammatoires dans les échantillons sanguins (cytokines pro-inflammatoires, marqueurs d'activation immunitaire), qui indiquent la persistance de l'inflammation chez les survivants d'Ebola. Enfin, cette étude a montré que certains marqueurs immunitaires spécifiques étaient associés à la persistance des symptômes chez ces patients.
Ces résultats mettent donc en évidence la persistance à long terme de l'activité immunitaire spécifique d'Ebola et une inflammation intense et chronique chez ces anciens patients, deux ans après avoir été infectés par le virus.
Notre travail souligne l'importance du suivi à long terme des survivants d'Ebola, ce qui a déjà été souligné dans les études sur les séquelles cliniques. Il est important de voir comment leur état et leur profil immunitaire évoluent et s'ils évoluent vers une maladie chronique. »
Aurélie Wiedemann, Institut de recherche sur les vaccins (VRI, Inserm / Université Paris-Est Créteil)
Dans le contexte de l'épidémie d'Ebola en cours en République démocratique du Congo, une nouvelle cohorte avec une composante immunitaire y est en cours de développement, suivant une stratégie similaire à celle utilisée pour mettre en œuvre PostEboGui. Ce sera l'occasion pour les chercheurs de confirmer leurs découvertes sur le profil immunitaire des survivants chez un nombre plus important de patients.
La source:
Institut national de recherche pour le développement durable (IRD)
Référence du journal:
Wiedemann, A., et coll. (2020) Dysfonctionnement immunitaire sévère de longue durée chez les survivants de la maladie à virus Ebola. Communications de la nature. doi.org/10.1038/s41467-020-17489-7.