Dans une étude récente publiée dans La santé régionale du Lancetdes chercheurs évaluent l’efficacité des antibiotiques couramment prescrits pour traiter les infections bactériennes graves chez les enfants d’Asie du Sud-Est et du Pacifique à l’aide d’un modèle d’antibiogramme syndromique combiné à incidence pondérée bayésienne (WISCA).
Étude: Lacunes de couverture dans les schémas thérapeutiques antibiotiques empiriques utilisés pour traiter les infections bactériennes graves chez les nouveau-nés et les enfants en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique. Crédit d’image : Été 1810 / Shutterstock.com
Sommaire
Arrière-plan
La résistance aux antimicrobiens (RAM) constitue une menace importante pour la santé mondiale, en particulier pour la population pédiatrique vulnérable. Les nouveau-nés courent un risque plus élevé, la septicémie contribuant à un nombre important de décès liés à la RAM, et la plupart de ces décès surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFI).
Néanmoins, les données détaillées sur les taux d’infection et les modèles de résistance dans les PRFI, notamment en Asie, restent rares. Des défis tels que les infections bactériennes à culture négative rendent les traitements ciblés difficiles, augmentant ainsi le recours aux antibiotiques empiriques.
WISCA a été introduit pour mieux déterminer la couverture antibiotique pour des syndromes spécifiques en tenant compte des bactéries répandues et de leurs modèles de résistance. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires, car les schémas thérapeutiques empiriques d’antibiotiques basés sur les politiques mondiales pourraient ne pas s’attaquer de manière adéquate aux agents pathogènes bactériens spécifiques et à l’évolution des taux de RAM en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique, ce qui pourrait conduire à des traitements inefficaces et à une mortalité accrue chez les enfants.
À propos de l’étude
Entre janvier et août 2021, une recherche documentaire systématique a été réalisée dans les bases de données PubMed, Global Health, OVID MEDLINE et EMBASE. La recherche s’est concentrée sur les régions définies par l’OMS dans les zones du Bureau régional du Pacifique occidental (WPRO) et du Bureau régional de l’Asie du Sud-Est (SEARO), à l’exclusion des pays à revenu élevé selon la classification de la Banque mondiale. Seules les études de 2011 à 2021 ont été prises en compte.
Deux évaluateurs ont indépendamment examiné les titres et les résumés à inclure, les désaccords étant résolus par un tiers. Les cadres Grades of Recommendation, Assessment, Development, and Evaluation (GRADE) et Microbiology Investigation Criteria for Reporting Objectively (MICRO) ont aidé à évaluer la qualité des preuves.
Les agents pathogènes bactériens pertinents pour les infections sanguines néonatales et pédiatriques (BSI) et la méningite ont été analysés, en mettant l’accent sur les bactéries présentant des problèmes croissants de RAM. Trois schémas thérapeutiques, dont les aminopénicillines et la gentamicine, que l’OMS recommande pour le sepsis néonatal, les céphalosporines non antipseudomonas de troisième génération pour la méningite néonatale et le sepsis pédiatrique, et les carbapénèmes comme le méropénème ont été évalués. Les bactéries présentant une résistance intrinsèque connue à certains médicaments ont été signalées en conséquence.
L’approche WISCA a été utilisée, en utilisant des modèles bayésiens pour évaluer la distribution des agents pathogènes responsables et la sensibilité bactérienne. Cette technique a permis de mieux comprendre la couverture par différentes classifications d’antibiotiques.
Résultats de l’étude
L’examen systématique a rassemblé des informations provenant de 151 publications représentant 11 pays dans les régions de l’Asie du Sud-Est et du Pacifique occidental définies par l’OMS. Cependant, 65 publications portant uniquement sur un agent pathogène ont été exclues afin de réduire les biais. Au final, les données de 86 publications ont été utilisées, s’étalant de 1990 à 2019. Ces études couvraient divers contextes cliniques, dont une seule se concentrait sur une population rurale.
Neuf des articles étudiaient uniquement les infections nosocomiales, tandis que 46 articles examinaient spécifiquement la septicémie néonatale. La qualité de ces articles variait, un seul obtenant la désignation GRADE niveau A.
En termes d’agents pathogènes responsables, la septicémie/méningite néonatale était principalement due à Klebsiella spp. et Escherichia coli dans 39 % et 27 % des cas respectivement. Streptococcus agalactiae a été rapportée dans 1% des cas.
Dans le sepsis pédiatrique, E. coli, Staphylococcus aureus, et Streptococcus pneumoniae étaient des pathogènes fréquents dans 26 %, 20 % et 13 % des cas, respectivement. Le profil des agents pathogènes dans la méningite pédiatrique était quelque peu similaire, avec S. pneumoniae étant la principale cause chez les enfants plus âgés, suivie par E. coli à 43% et 27%, respectivement.
Certains agents pathogènes ont été principalement signalés dans des pays spécifiques. Par exemple, 32 % de tous E. coli les isolats provenaient d’études réalisées en Chine, alors que 33 % de tous Klebsiella spp. les isolats étaient basés sur des études indiennes. L’évaluation de la sensibilité n’était pas uniforme dans toutes les études mais était souvent déduite conformément aux processus microbiologiques standards.
Des estimations de couverture spécifiques au syndrome ont été fournies et déterminées en ajustant les estimations de sensibilité en fonction de l’influence proportionnelle des agents pathogènes sur le syndrome. Pour la septicémie et la méningite néonatales, les estimations de couverture incluaient les aminopénicillines à 26 %, la gentamicine à 45 %, le céfotaxime/ceftriaxone à 29 % et les carbapénèmes à 81 %.
Dans le sepsis pédiatrique, les taux de couverture incluaient les aminopénicillines à 37 %, la gentamicine à 39 %, le céfotaxime/ceftriaxone à 51 % et les carbapénèmes à 83 %. Pour la méningite pédiatrique, la couverture a été estimée aux aminopénicillines, à la gentamicine, au céfotaxime/ceftriaxone et aux carbapénèmes dans 62 %, 21 %, 65 % et 79 % des cas, respectivement.
Ces données fournissent un aperçu complet du paysage microbien dans ces régions, fournissant ainsi des informations importantes sur les agents pathogènes dominants et leur sensibilité à divers agents antimicrobiens.
Conclusions
L’étude actuelle a analysé les régimes antibiotiques empiriques pour la septicémie ou la méningite néonatale et pédiatrique dans la région Asie-Pacifique, révélant des taux alarmants de non-sensibilité aux traitements actuellement recommandés. Les données, obtenues principalement auprès d’hôpitaux urbains dans des pays comme l’Inde et la Chine, indiquent que les carbapénèmes offrent une couverture optimale. Cependant, la surutilisation de ces agents pourrait faciliter la RAM, soulignant ainsi la nécessité de lignes directrices en matière de traitement spécifiques à chaque région et de données plus solides, en particulier celles provenant des zones sous-représentées.
Les résultats de l’étude remettent en question l’efficacité des schémas thérapeutiques actuellement recommandés par l’OMS. Il reste donc un besoin urgent d’optimiser la gestion des antimicrobiens et de développer de nouveaux traitements contre les infections multirésistantes (MDR) chez les enfants.